Et si le mini album, Sous le signe d’Éric Rohmer, était l’absolue antithèse du réalisateur auquel il rend hommage ? Ou prétend rendre hommage. Par-là, aucune marque de condescendance critique, bien au contraire. À tout point de vue, ce projet collectif sous le haut patronage des compositeurs Alexis Campart, Alizar et Lafayette et auquel collaborent quelques figures élégantes de l’indie pop hexagonale offre des arguments à ce propos, et nous allons tenter de les résumer ici.
Le cinéma de Rohmer peut être qualifié d’intuitif, même si le script et les dialogues sont écrits comme dans un roman. Le cinéaste disait « qu’il est important au cinéma de faire confiance à un mouvement naturel des choses, sans trop essayer d’intervenir. » Or si la pop ne rechigne pas à tolérer certains incidents d’enregistrement – l’œuvre des Beatles en regorge –, le mini-album de Campart, Alizar & Lafayette (on se croirait revenu aux temps bénis du yacht rock) propose des chansons façonnées avec une précision suisse, maîtrisées dans le moindre détail telles une horlogerie musicale. Et dans horlogerie, il y a or. Flashback amoureux numéro 2 en fait la parfaite démonstration, qui coche toutes les cases de la fabrique de la chanson parfaite.
Le bavardage n’est pas le plus petit aspect de la geste rohmerienne. D’ailleurs, si elle avait eu un équivalent musical, on songerait au rock progressif, mais celui de la fin des sixties, quand les groupes ne rêvaient pas tout haut à de longues fresques de vingt minutes. Or Vague Bleue nous dit tout le contraire avec son minimalisme synthétique, ses paroles condensées comme des slogans de prospectus de syndicat d’initiative tropézien. Encore une fois, aucune moquerie dans ces quelques impressions ramassées en mots tranchants. Bien sûr, quand on pense Rohmer, on songe Elli & Jacno qui furent des parangons en matière de lisibilité, de simplicité biblique et d’immédiateté mélodique. On le constate d’ailleurs avec la belle reprise des Nuits de la pleine lune. Par bavardages, on entend les réparties interminables du duo Brialy-Aurora Cornu dans Le genou de Claire. Ici, tout le contraire !
L’aspect conceptuel enfin d’une œuvre qui n’aimait rien tant qu’à se décliner en cycles – Six contes moraux, Comédies et proverbes, Contes des quatre saisons. Sans se départir d’un fil conducteur, l’idylle honorée par deux compositions séduisantes et deux reprises énamourées, on écoute cet EP ou mini-album ou maxi sans trop réfléchir, sans se faire les nécessaires nœuds au cerveau, propre au cinéma français, en laissant battre son cœur. Facile, puisque la musique de notre collectif se plaît dans ses beaux habits clairs et modernes, acidulés et fringants.
Seul point commun avec le réalisateur, le souci du casting puisqu’on retrouve, en plus de Campart et Lafayette, Alizar, Dorothée de Koon, Jo Wedin, Donald Pierre d’Aline, Marielle Marchand, l’incontournable Chab au mastering… Bref que du beau monde, que du beau linge. Étincelant comme cette Nuit chez Maud.
Alexis Campart, Alizar & Lafayette, Sous le signe d’Éric Rohmer (Grand Ouest – Imperial Bedroom Records)
https://www.youtube.com/watch?v=0eG__ozYvpA