Population II, au revoir à jamais

par Adehoum Arbane  le 06.05.2025  dans la catégorie A new disque in town

Dans la publicité, l’un des domaines de la créativité, on répète ces deux mots à l’envi : il convient d’être plus direct, plus immédiat. Souvent, hélas, ce désir entraîne un appauvrissement du produit créatif par peur. L’annonceur n’a pas toujours le goût du risque dans la bouche, le désir d’aventure chevillé au corps de texte. Un groupe nous est apparu à l’inverse de cette triste réalité qui a réussi à faire de l’immédiateté un creuset de recherches, une inépuisable envie de repousser les limites. En à peine quatre morceaux qui ne constituent qu’un début, on a compris l’idée, le propos. L’ambition. Celle de ce troisième album du trio montréalais Population II. Maintenant Jamais, c’est son titre, pose un ultimatum, celui de découvrir un groupe – pour ceux qui ne les connaissaient pas avant – dont le son s’est considérablement enrichi depuis leur premier Lp À la haut Terre. 

Chez Population II, l’immédiateté est avant tout une force de frappe. Une onde de choc. Pour étayer leur propos, nos trois musiciens ont la malice de touiller dans leur chaudron psychédélisme, hard rock, jazz, musiques planantes et synthétiques, bref de mixer Led Zep et Mike Oldfield, Neu et Frank Zappa, Soft Machine et les Stooges, Pink Floyd et Goblin. Sans tristement ressembler à l’un ou à l’autre. Cette idée de mixage ou de mixture, les deux termes conviennent fort bien à leurs morceaux, fonctionne d’autant mieux que les titres s’enchaînent avec la rapidité de l’éclair, étrange impression de se trouver aspiré dans un vortex sonore où les pistes se multiplient, conférant à l’ensemble une ampleur incroyable. Un peu comme si de trois ils étaient passés à six musiciens. Comme si un Cronenberg producteur les avait démultipliés dans un grand pétrissage de chair. On pourrait d’ailleurs intervertir les chansons, leurs titres sans que le résultat n’en soit altéré. Maintenant Jamais se vit comme une expérience totale, à avaler dans seul tenant, cul sec, mais se savoure aussi en décoction pour en apprécier toute la fulminante complexité. Pour cela, il faut du métier, un savoir-faire et le groupe en a à revendre. Ils ont fait de la scène un test permanent, offrant à leur public un répertoire impressionnant qu’ils rejouent avec une ferveur extatique, une énergie de possédé. Au passage, la scène n’est pas l’endroit où doit se produire le décalque d’une musique organique mais bien un champ d’expérimentations à perte de vue, un théâtre où le visuel cohabite avec le fond. Tant et si bien que Population II s’est rapidement imposé dans la galaxie psychédélique comme son meilleur ambassadeur, au sens chimique du terme, écrasant les autres prétendants au titre, sans doute parce qu’ils évitent le piège de la référence trop visible, nous l’avons dit, mais aussi parce qu’ils ne s’interdisent rien. Leur musique n’est jamais enfermée dans une somme de contraintes, dans un brief qui aurait été trop mal cadré. Chez eux, la réinvention érigée en art est permanente. Et sans se trahir, ce qui relève de la gageure. Un autre point positif qui les distingue de la masse, le fait de chanter dans la langue natale, mais une langue suffisamment cryptée (le québécois) pour ajouter à l’étrangeté des mélopées le mystère des paroles. Disons-le, Population II n’est pas un groupe pop, même si leur musique s’avère séduisante, comme offerte à celle ou celui qui acceptera de s’en approcher. 

Une telle musique, quelque peu effrayante au premier abord, laisserait penser que leurs créateurs sont des freaks aliénés aux sortilèges de l’acide, des pauvres hères perdus dans les tourments des excès, de la drogue, des hippies dépenaillés, des clochards pas si célestes mais il n’en est rien. Nos trois jeunes artistes ont tous les atours de la courtoisie qui les rapproche alors de leur public, arrivant à échanger avec eux par tous les moyens qui leur sont donnés, tournées, réseaux sociaux et ce n’est pas s’ils ne nous inviteront pas un jour à assister à une séance de répétitions dans leur antre, sans doute un sous-sol comme il est souvent de rigueur en Amérique du Nord, une crypte où se forge les futures chansons qui constitueront la base d’une quatrième œuvre. Il y a de quoi espérer. Comme quoi, pas si drogués ! 

Population II, Maintenant Jamais (Bonsound)

maintenant-jamais.jpg

https://population2.bandcamp.com/album/maintenant-jamais

 

 

 

 


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