Aux enfants de la chance

par Adehoum Arbane  le 05.04.2022  dans la catégorie C'était mieux avant

Pour celles et ceux qui vivent pour la toute première fois l’expérience parentale, il est un rituel initiatique tout à fait délicieux : celui de la découverte musicale. Étape qui bien souvent devient « casse-gueule » quand les parents hésitent entre livres sonores, artistes publiés par des labels dédiés ou de véritables œuvres pop. Et dans ce dernier cas, la question se pose : par où commencer et avec qui ? Le principe de l’apprentissage, fut-il pop, ne relevant pas de l’injonction brutale, les parents souhaitent, et c’est bien légitime, procéder par étapes, choisir les artistes et groupes qui plairont au jeune enfant, voire au bébé. Ne jamais commencer par Breathe de Prodigy ! Mais comme il faut bien se lancer, prenons deux artistes en exemple, chacun avec ses propres arguments. 

Donovan est le premier. Plusieurs aspects du musicien plaident pour en faire l’ambassadeur des adultes auprès des enfants. Tout d’abord le physique. En cette année 1965 qui le voit débuter, Donovan Phillips Leitch irradie les clichés de son visage poupin et de son sourire volontiers narquois. Une telle candeur ne pouvant laisser présager d’une musique bruitiste, le public n’est pas surpris de découvrir l’un de ces folk singers talentueux comme il en émerge beaucoup en cette époque bénie. Le deuxième aspect tient dans la comparaison qui a été volontairement entretenue par la presse avec Bob Dylan. Certes « Catch the Wind » se veut, sans le vouloir, le prolongement de « Chimes Of Freedom », mais là n’est pas le point saillant de cette proximité. On a souvent fait de Donovan un Dylan au rabais ce qui est bien sûr injuste à l’écoute de la discographie du musicien écossais. Mais à cause de ces aprioris tenaces, Donovan est devenu une sorte d’ersatz, destiné à être plus aimé des jeunes que des adultes – son inclinaison pour un univers musical naïf et délicat, démarche très anglaise qui concerne tout un pan de la pop britannique, des Beatles à Genesis en passant par Traffic. Quant aux chansons, elles sont nombreuses qui raviront votre descendance. « Sunshine Superman » (la chanson autant que l’album) fait figure de proue, d’étendard d’un royaume où seuls les enfants sont acceptés. L’album se pare des couleurs les plus chatoyantes du psychédélisme soft et vos enfants s’émerveilleront devant tant de nuances. Le contenu est, tel le capitaine, ad hoc ! « Sunshine Superman » nous l’avons mentionné qui, fort d’un clavecin percussif, constitue une entrée en matière idéale. Malgré sa longueur peu commune, « Legend Of A Girl Child Linda » s’ébroue dans la délicatesse d’une production ciselée. Idem pour « Guinevere » qui a des allures de légende arthurienne orientale ! Sur l’album suivant, Donovan continue de nous enchanter avec « Mellow Yellow » et « Sand and Foam ». De 67 à 69, le barde de Glasgow poursuit sa quête féérique, ses productions regorgeant ainsi de perles à l’image de « Jennifer Juniper », « Hurdy Gurdy Man », « Happiness Runs » ou « Atlantis », au final très stonien ! Donovan y déploie sa plus pure poésie, son désir de rêverie sans fin et sa curiosité, autant de caractéristiques qui en font le Jules Vernes de la pop ! 

Autre exemple qui parlera à des générations de parents, Cat Stevens. Déjà le nom. Steven Demetre Georgiou est né à Londres d’un père chypriote et d’une mère suédoise. Cat Stevens sera son nom de scène. Mais à l’image des félidés, voilà un artiste qui aura eu plusieurs vies. Au moins trois. Si la troisième vie, religieuse donc, nous éloigne de notre sujet, il n’en est rien des précédentes. La première l’impose timidement en chanteur pop baroque bien propret en cette année 1967 où toutes les révolutions musicales s’enclenchent. Malgré quelques chansons prometteuses, le jeune Chat peine à se démarquer. C’est que la concurrence est rude. C’est paradoxalement durant la période de maturité que les choses vont se décanter et que Cat Stevens va revenir au monde de l’enfance. Trois albums en attestent : « Mona Bone Jakon », « Tea For The Tillerman » et « Teaser And The Firecat ». Une fois n’est pas coutume, les pochettes sont une invitation à destination des plus jeunes, comme un repère familier. Surtout celle de « Tea For The Tillerman », éminemment saint-exupéryienne. L’album débute d’ailleurs par un « Where Do The Children Play » bien rassurant. La suite coule comme un ruisseau rêveur au clair de lune. C’est là la magie de Cat Stevens qui, même quand il aborde des rivages plus rock, ne quitte jamais son îlot de délicatesse. De telle manière que sa musique, des plus expressives, pourrait aisément se passer de mots. Nous entendons par là qu’un jeune auditeur, s’il ne maîtrise pas l’anglais, pourra cependant comprendre cette musique tant elle s’avère universelle. Par son message d’abord, par sa dimension populaire ensuite. Comme une poignée d’autres albums devenus cultes, ces trois disques se sont installé, bien au chaud, dans la plupart des discothèques familiales. Nos parents, oncles ou tantes les ont passés. Et, sans qui nous y prétions attentions, nos oreilles les ont entendus. 

Vous en doutez ? Une fois cette lecture achevée, allez donc vérifier. Monter dans votre grenier ou celui de la maison de votre enfance. Soulevez les lourdes piles de vieux bouquins puis de disques. Sous les œuvres classiques, de Vivaldi à Mozart, vous trouverez peut-être un Donovan ou un Cat Stevens qui, après un léger dépoussiérage de la main, révélera ses secrets et par là-même, vos souvenirs enfouis. Vos enfants vous en seront reconnaissants !  

Donovan, Sunshine Superman, Mellow Yellow, The Hurdy Gurdy Man, Barabajacal (Epic)

sunshine-superman.jpg

https://tinyurl.com/26udpa5m

Cat Steven, Mona Bone Jakon, Tea for the Tillerman, Teaser and Firecat (Islands)

tea-for.jpg

https://www.deezer.com/fr/album/189259342

 

 

 

 

 

 


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