Buffalo sprint field ?

par Adehoum Arbane  le 03.08.2021  dans la catégorie C'était mieux avant

Dans son album Jules l’éclair, Mandryka narre les aventures d’un super-héros peu commun qui parvient à conquérir l’univers en achetant des pavillons. Ce que l’on pourrait appeler la stratégie des petits pas. Nombre de musiciens pop semblent rentrer dans cette catégorie mais pour l’occasion on pensera aux membres du très estimé Buffalo Springfield. Fleuron de la scène de Laurel Canyon, super groupe avant l’heure – c’est-à-dire avant la reconnaissance de ses deux plus hauts représentants –, Buffalo Springfield aura semé les petits cailloux qui l’auront fait sortir de la vaste forêt de l’anonymat. 

Mais revenons à la métaphore des débuts. Les pavillons. Pas les étendards des galions d’autrefois. Non, mais ces maisons qui poussaient et poussent encore dans les banlieues du monde occidental. Du côté de L.A., ce ne sont pas les villes dortoirs et leurs préfabriqués au cordeau qui attirent l’attention mais les maisons sur pilotis surgissant du verdoiement sauvage des collines de Laurel Canyon. Ce jardin d’Éden, en référence imaginaire mais évidente au célèbre hit de Iron Butterfly, a abrité en son sein vert quelques fantastiques nom de la pop sud-californienne. Les précurseurs d’abord : les Byrds. Love ensuite, puis Buffalo Springfield qui rêvait d’un succès pareil à celui des Oyseaux : l’envol direct et immédiat vers les cimes du star-système. Tout était réuni pour. Au casting du groupe, Stephen Stills, Neil Young, Ritchie Furay, Bruce Palmer et Dewey Martin. Dewey Martin et Bruce Palmer sortiront chacun un album, tous deux recherchés des collectionneurs. Quant à Ritchie Furay, il formera Poco, groupe légendaire. Mais ce sont bien Stills et Young qui connaîtront fortune et gloire.

Pour l’heure, Buffalo Springfield enregistre son premier album au Columbia Record Studio. Le leur label Atco (Atlantic) peut se frotter les mains. S’il sonne encore imparfait, ce premier essai s’ouvre sur For What It's Worth qui deviendra un hit et avec le temps, le morceau phare de toutes les BO des films sur les sixties. Stephen et Neil se partagent le songwriting, avec un léger avantage pour le blondinet ! Sur le deuxième Lp, Buffalo Springfield Again, Neil Young reprend la main avec son morceau d’ouverture Mr Soul. Riff démoniaque, mélodie imparable, le ton est donné. Il faut dire que le groupe a monté d’un cran en termes d’ambition, en témoignent la production, l’artwork et la diversité du matériel. Buffalo signe un Sgt. Pepper’s californien. Furay impose trois chansons, et pas des moindres. Stills quant à lui délivre deux classiques absolus, Bluebird et Rock & Roll Woman, balance un Hung Upside Down tout aussi génial et Everydays, nonchalante promenade jazzy. Revenons à Neil Young. Le loner nous régale avec deux fresques psyché à la production fastueuse : Expecting to Fly et le grand final de Broken Arrow. Again est bien évidemment un chef-d’œuvre. 

1968. Le groupe sort un troisième et dernier long, le pas si prophétique Last Time Around. Sur la pochette, Neil Young est le seul à toiser ailleurs. Sans doute songe-t-il à son premier album solo qui sortira bientôt et qu’annonçaient déjà certains morceaux de Buffalo Springfield Again. S’il est moins intense, Last Time Around n’en est pas moins un très beau bouquet final. On The Way Home signé Neil Young sonne étonnement pop, c’est le palmier qui cache un sous-bois de merveilles. Précisons-le, ce disque est celui sur lequel Furay se livre le plus : il écrit ou co-écrit quelques titres substantiels. Parmi eux le jazzy It's So Hard To Wait, l’acidulé Merry-Go-Round, le sublime Kind Woman, annonciateur du style Poco et The Hour Of Not Quite Rain, un étonnant morceau planant aux arrangements audacieux. Stills est une fois de plus celui qui brille par ses facilités. Celui-ci accroche à son tableau de chasse le Lovien Pretty Girl Why, le bluesy Four Days GoneSpecial Care et Uno Mundo, annonçant Manassas, et Questions qui prépare le terrain de CS&N. Comme nous l’avons dit, Neil Young est déjà parti, d’où ses deux contributions dont le fabuleux et harvestien I’m A Child. Déjà en 1968. 

Disons-le, Buffalo Springfield était à deux pas du succès. Fallait-il un quatrième disque pour que le pavillon laisse place à un manoir ? Les carrières de Stills et de Young, séparées ou entremêlées, répondent bien sûr à cette question. En deux disques, CS&N et Déjà Vu Où le « Y » s’ajoute au trois initiales, les deux singer-songwriters ont réussi leur conquête de l’Amérique, dans les charts et dans les cœurs. Mais ceci est une autre histoire.

Buffalo Springfield, Again, Last Time Around (Atco)

bf-again.jpg

https://www.deezer.com/fr/album/735458

bf-lta1.jpg

https://www.deezer.com/fr/album/338888

 

 

 

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top