Glory Cooper

par Adehoum Arbane  le 20.04.2021  dans la catégorie A new disque in town

Mes bien chers frères, en cette période de célébration pascale, la foi chrétienne nous questionne. Au sujet de la Passion et de son corolaire spirituel, la résurrection. Jésus est mort puis a ressuscité le troisième jour, conformément aux écritures. Il s’agit à n’en point douter de la fête la plus importante de la liturgie catholique, avec la nativité bien sûr. Parce que le trépas du roi des rois, du fils de Dieu, est fondé sur un contrat sacrificiel : laver les péchés du monde. Jésus est mort pour nous sauver comme le veut la formule consacrée. Et le rock dans tout ça, me direz-vous. Il n’est jamais bien loin. Oh, nous n’évoquerons pas les meilleurs moments du rock chrétien américain, pas plus que l’influence du gospel dans la pop, les Oh Lord de Janis Joplin dans Mercedes Benz, encore moins la conversion improbable de Little Richard, de rockeur à Pasteur !

Attardons-nous sur le cas Alice Cooper. Précisons d’emblée que le jeune Vincent Furnier est fils d’Évangéliste. Ça pose de suite une destinée. Pour le reste, voilà un homme qui sera passé maintes et maintes fois de vie à trépas pour mieux renaître tel un christ rimmelé. Il y a d’abord cette petite mort que fut pour lui la maladie et cette première résurrection, soit le lancement de sa carrière rock et sous les oripeaux de laquelle il allait cacher les stigmates de son mal. S’enchaînent alors les événements suivant cette logique « mort-renaissance ». Il quitte Détroit qui l’a vu naître pour revivre à Phoenix. Puis il quitte Phoenix pour s’installer à L.A. où surgit alors, tels les morts de la tombe, les futurs dieux de la nouvelle scène pop. Il y a l’abandon du nom de leur groupe, les Spiders pour les Nazz, puis les Nazz – déjà pris par Todd Rundgren – pour Alice Cooper. Le Alice Cooper Band. Plus tard, en 1975, quand il aura quitté le groupe, Furnier se fera définitivement appeler Alice Cooper. Changement d’état civil symbolique, rock’n’roll en diable. Comme évoqué, il y a la fin du Band et le renouveau Alicien, en solo, en conservant les piliers qui avaient contribué au succès du groupe dont le producteur Bob Ezrin. 

Au rayon Fin/Renouveau, il y a aussi la période alcoolique d’Alice, les conséquences du type long tunnel ou traversée du désert qui attise la soif, et la nécessaire et incontournable rédemption. Bref, vous l’aurez compris, Alice n’aura pas eu besoin de clous ou de croix pour souffrir le martyre. L’ultime mort est sans doute la plus insidieuse, invisible, silencieuse. C’est la mort artistique, paradoxalement propre au temps long, à la vie que les miracles de la science préservent comme dans un sarcophage égyptien. D’abord, les années 80 émaillées de quelques productions, parfois satisfaisantes mais insuffisantes. Puis le rebond tel un Dracula sortant raide de son cercueil, avec l’album Trash, disque d’or qui sera nominé aux Grammy Awards. Et nous voilà en 2021. Comme ça. Les années 2000 auront été plus parcimonieuses en termes de sorties. Il faut dire que la jeune génération donne du fil à retordre au vieux routard, adepte de la Passion, qu’est Alice Cooper. Cependant, l’annonce d’un nouvel album, Detroit Stories, enregistré avec Ezrin et des pointures de la scène rock de Detroit, promet de remettre la star en selle. 

Sans doute un peu trop long – et parfois démonstratif – cette ultime livraison a de quoi éveiller l’espoir en même temps que réveiller les morts. Tout y est. L’ambition, les chansons, les tubes mêmes, une certaine noirceur rock, plus trop métal d’ailleurs, qui renoue avec le meilleur Cooper. Un mélange savant entre l’esprit seventies et le son nineties. Alors, certes, la pochette ne donne guère envie. Fausse impression ! On trouve même derrière une certaine hargne politique, comme sur Hanging on by a Thread (Don't Give Up) et Shut Up And Rock. Mais revenons au début. Ces histoires de Détroit commencent avec une relecture du Rock 'n' Roll de Lou Reed en mode Michigan ! Go Man Go nous donne le plaisir de retrouver dans les crédits Wayne Kramer, légendaire guitariste du MC5. Cette première fournée est un quasi sans faute avec en guise de climax, l’hymne pop Our Love Will Change the World, écrit par Matthew Smithle, leader des Outrageous Cherry. Oh joie, le batteur du Alice Cooper Band, Neal Smith, fait son grand retour sur Social Debris. $1000 High Heel Shoes qui lui succède donne dans le rhythm’n’blues cuivré et Hail Mary ne se départit pas d’un refrain certes basique mais efficace. Detroit City 2021 se la joue name dropping rock mais nous cloue sur place avec sa ligne mélodique et son refrain coup de poing. Reprise des hostilités de manière plus paisible avec le très Doorsien Drunk and in Love, qui aurait pu figurer sur Morrison Hotel ou L.A. Woman. Si Indenpendence Dave et I Hate You (co-écrit avec Dennis Dunaway) peinent à maintenir le niveau, malgré des qualités réelles, Wonderful World désarçonne. Rien à voir avec la chanson de Satchmo, ce monde merveilleux débute sur une tonalité inattendue mais encore une fois, le refrain emporte tout. Reprise du MC5, le mythique Sister Anne arrive à point nommé pour sortir l’auditeur de sa léthargie mortuaire. Avec cette relecture droite CMB, on sait où on habite ! Comme évoqué plus haut, Hanging on by a Thread (Don't Give Up) qui pique son riff et sa structure à Popular de Nada Surf, donne dans la prise de conscience avec ce message publicitaire en toute fin du morceau pour la Suicide Prevention Hot Line. East Side Story qui clôt le disque sonne comme Mona rencontrant Gloria, le tout transfiguré par un orgue aigrelet. Logique, il s’agit d’une reprise de la première formation garage psyché de Bob Seger, lui aussi héros de la scène de Detroit. La boucle est bouclée. 

Malgré la longueur – cinquante et une minutes au total –, cet album roboratif nous fait dire que le rock, son esprit, sa magie, ses singles, son vent de révolte, n’ont pas vraiment disparu. Alice Cooper en demeure le maître de cérémonie et par conséquence le meilleur évangéliste. Et puis, il y a aussi l’émotion de voir tout autour de lui ces musiciens locaux, jeunes ou anciens, et parmi eux, une partie des membres du Alice Cooper Band. Manquent à l’appel les guitaristes Michael Bruce, toujours de ce monde, et Glen Buxton parti le 19 octobre 1997. Voilà pourquoi avec Alice, ce sera toujours à la vie, à la mort. Et ce Detroit Stories ? Love It To Death ! 

Alice Cooper, Detroit Stories (Ear Music)

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https://www.deezer.com/fr/album/210673922

 

 

 

 

 


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