En France, le rock aboie ?

par Adehoum Arbane  le 30.03.2021  dans la catégorie A new disque in town

Se méfier des dénominations trompeuses, des formules par trop réductrices. Fuir comme la peste les injonctions (fussent-elles séduisantes), les promesses (souvent fausses), les pre-rolls (en général putassiers). Et pourtant, ce nom-là, même s’il nous semble familier, pourrait nous induire en erreur. Rocabois. Rock à bois. Alors de la folk ? Comme nous l’avons dit, il ne faut pas s’arrêter à la première lecture, il faut aller au-delà. Franchir le Rubicon de l’appréhension. 

Olivier Rocabois est un vieux routard de la pop française chantée dans la langue de Lennon ; dans l’idée, une sorte de Yves Simon, comme sur le verso de la pochette de Respirer, Chanter. Le velours de l’élégance en plus. Fort d’un premier album avec son groupe All If, il remet le couvert argenté d’un palais Buckingamien mais cette fois-ci en solo. Il a de plus le bon goût de nous prévenir : il va trop loin, dépassant cette musique d’arpèges qu’on relie bien souvent par paresse à Nick Drake. Cela dit, il y a comparaison plus gênante. Dès The Sound of The Waves, parfaite entame de Olivier Rocabois Goes Too far, on voit bien, du moins, on entend ce creuset gigantesque dans lequel ce dernier a touillé sa fine mixture : il y a du Bowie (la voix), un léger toucher canterburrien dans les fines pluies de clavier qui arrosent de douce mélancolie la jolie mélodie de ce morceau-vague à l’âme à l’anglaise. Et quand la batterie s’invite, on se retrouve propulsé dans l’œuvre sœur de Wish You Were Here. Quant à la fin, toutes trompettes dehors, elle fait songer à un Rock Bottom wyattien plus heureux qu’il n’y parait. High is High démarre sur une note au piano des plus britanniques, façon de dire merci aux dieux qui s’affichaient en posters dans nos chambres, aux grands maîtres, ces petits Bach à cheveux longs dans leur attirail tiré des entrailles de Carnaby Street. Par ailleurs, il est étonnant de constater à quel point Rocabois s’avère un chanteur tout sourire, comme il sait l’être sur scène, un musicien ressentant sa musique au plus profond de lui-même et sans cesse désireux de partager son humanité. Les arrangements donnent à cet hymne pop des atours rêveurs, dixit le mellotron piqué sans doute au Phenomenal Cat des Kinks. In My Drunken Dreamscape poursuit cette aventure discographique sur des notes presque jazzy et nous replonge dans le Kent des années 71-74. Arise Sir Richard et sa basse quasi vrombissante passe comme une flèche dans l’air et Olivier en deviendrait presque le Guillaume Tell qui ne rate jamais sa cible : accrocher, plaire, séduire. Logique qu’il ait choisi ce titre étendard comme single. Sans doute approchons-nous dans la fin de face. 

Olivier Rocabois nous offre ensuite un joli duo avec John Howard. Cette ancienne gloire de la vague glam pop anglaise des seventies scintillantes est, tout comme son jeune homologue, un fervent amateur de chansons ouvragées. Ces deux-là se sont donc trouvés. Tonight I Need s’impose malgré sa courte durée comme une entame bouleversante. Faut-il le rappeler, Olivier Rocabois n’a pas usurpé son titre de singer-songwriter tant il enchaîne avec une facilité déconcertante les compositions aussi savantes qu’immédiates. Face B, c’est une cavalcade, une valse enivrante interprétée avec Helen Ferguson, chanteuse de Queen Of The Meadow. Suivent le sautillant Hometown Boys, ode à l’amitié et single tout aussi évident que Arise Sir Richard, I’d Like To Make My Exit With Panache dont on aurait aimé qu’il referme l’album, au moins pour son titre à l’humour subtil et My Wounds Started Healing. Sur cette série en guise de grand final éclatant, notons la capacité du musicien à enluminer avec grâce et variété ses compositions. Il fait tout, écrit, enregistre, produit, interprète. Homme-orchestre pepperien en diable, joliment secondé par un groupe dévoué à sa cause !  

Rocabois voit loin. Trop ? Oh que non. Voilà un compositeur qui ne s’arrête pas en chemin. Toujours un carnet à la main, un crayon entre les doigts, voilà comment on l’imagine. À l’affut. On attend donc la suite car il y en aura forcément une. Tendre, chatoyante, émouvante, douce-amère. Tout ce que la grande pop réunit dans son giron. La saison 2, vite !

Olivier Rocabois Goes Too Far (Acoustic Kitty/Kuroneko/Differ-Ant)

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https://allif.bandcamp.com/album/olivier-rocabois-goes-too-far

Photo : © Alain Bibal

https://www.facebook.com/AlainBibalPhotography/

 

 

 

 

 

 


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