The Beatles, the fabulous 54

par Adehoum Arbane  le 09.02.2021  dans la catégorie C'était mieux avant

Comme pour l’Amérique et la Chine, la suprématie des Beatles est indiscutable. Ce n’est plus un élément subjectif, relevant du « j’aime/j’aime pas » mais un fait. Même l’équipe du fact checking de Libé s’est inclinée devant cette vérité : de 1962, année de sortie de leur premier single Love Me Do, à leur séparation en 1970, les Beatles ont régné en maîtres. Mieux, ils ont inventé en treize albums les canons de la pop moderne pour les décennies à venir. Deux rétrospectives bien connues des fans et des collectionneurs en attestent. 

Les doubles compilations The Beatles/1962-1966 et The Beatles/1967-1970 ont marqué les esprits pour leurs couleurs, immédiatement identifiables. Surnommées The Red Album et The Blue Album, celles-ci doivent trainer dans toutes les collections, dans tous les cartons de tous les greniers. Qui ne les a pas eues en sa possession ? Au-delà du caractère iconique des visuels (les deux photos prises au même endroit, dans l’escalier du quartier général d’Emi à Manchester Square, avec quelques années d’intervalle), du logo qui signalise la période, ces quatre galettes comportent cinquante-quatre morceaux emblématiques, cinquante-quatre tubes éternels. Tous ont constitué, à leur époque, à leur manière, avec leurs mélodies et la production si singulière de George Martin, un absolu indépassable, quelque chose de jamais entendu. Plus qu’une révolution dans la tête comme le titrait le biographe Ian Macdonald, il s’agit bien d’une révolution à la minute. 

Le Red Album symbolise le temps de l’innocence mais aussi et surtout de l’enthousiasme. Une énergie indiscutable traverse les quatre faces si l’on exclut, et ce serait dommage, les deux très belles ballades de la face B du premier disque, And I Love Her et Yesterday, toutes deux signées McCartney. Globalement, le premier disque démarre sur les chapeaux de roue, sans laisser le moindre répit à l’auditeur. C’est un défilé de mini classiques (la courte durée) à la force déflagratoire : Love Me Do, Please Please Me, From Me To You, She Loves You, I Want To Hold Your Hand, Can't Buy Me Love. La face b continue sur cette lancée. De l’introduction ligne claire, mais violente, de A Hard Day's Night jusqu’à Yesterday, c’est un festival jubilatoire : Eight Days A Week au clapping hand mémorable, I Feel Fine et sa guitare tourbillonnante (due à un effet de larsen), Ticket To Ride au tambourin hypnotique. Le deuxième disque semble plus contrasté, même si la face C trace sa route avec Help!, We Can Work It Out, Day Tripper ou encore Drive My Car. Pour le dire autrement, cette seconde galette amorce le tournant « studio » des Fab Four. À partir de Rubber Soul, ils se concentrent sur l’enregistrement avec un niveau d’ambition supérieur. En attestent Norwegian Wood (This Bird Has Flown), In My Life, Girl, Nowhere Man, Eleanor Rigby et dans une moindre mesure Yellow Submarine. 

De son côté le Blue Album n’est pas en reste même s’il propose un versant des Beatles moins spontané, plus dans la recherche. Premier disque, première face, il s’agit de l’acmé psychédélique de John, Paul, Georges et Ringo. Cela commence par les deux singles éternels de l’année 67, matrice de bien des délires acides pour l’un, alpha et oméga pop pour le suivant. Strawberry Fields Forever et Penny Lane ne figurent pas sur Sgt. Pepper’s, album trop cohérent pour cohabiter avec ces deux intrus. A l’écoute de cette nouvelle série, on se rend compte à quel point nous avons vécu avec ces chansons, toutes fantastiques, à quel point elles font partie de nous. Celles-ci nous ont transformés, chose rare s’agissant d’un groupe pop. Mais nous parlons là des Beatles. La face B démarre en fanfare, si l’on ose dire, avec Im Am The Walrus, l’une des meilleures chansons de Lennon. Macca lui emboîte le pas avec le gentillet (mais génial) Hello, Goodbye, le mélancolique et Austenien The Fool on the Hill et l’hymne Magical Mystery Tour. On passe sans attendre à l’année 1968 avec deux tubes absolus de Sir Paul, Lady Madonna et le plus long single de l’époque, Hey Jude, dédié au jeune Julian Lennon dont les parents étaient en train de divorcer. Paradoxalement, l’abrasif Revolution clôt cette face mais ce n’est que partie politique remise puisque la suivante débute sur Back In The U.S.S.R. La face C fait une timide place au White Album avec trois extraits, mais quels extraits ! Un rock’n’roll soviétique signé Macca, une chanson de Harrison While My Guitar Gently Weeps avec un solo de son copain Clapton et l’inénarrable et crétin Ob-La-Di, Ob-La-Da. Cela dit, le plus petit groupe pop des années à venir aurait tué pour écrire cette chanson à la mélodie irrésistible. Le reste nous donne à entendre Get Back et les E.P. qui l’accompagnèrent : à savoir le déchirant Don't Let Me Down et la caracolante Ballad Of John And Yoko. Old Brown Shoes déroute et pour cause c’est une composition de Harrison qui, si elle n’avait été enregistrée et publiée, aurait fini sur All Things Must Pass. C’est sans doute le morceau le plus faible de cette deuxième galette. La face D met en valeur une sorte de Best Of (dans le Best Of) de Abbey Road. Bizarrement, Lennon tire son épingle du jeu avec Come Together, mais c’est Harrison qui est, ici, mit à l’honneur avec ses deux plus belles chansons de l’ère Beatles, le printanier Her Comes The Sun et son chef-d’œuvre, Something. Last but not least, Ringo voit Octopus's Garden, sa plus belle chanson – il y en eu peu, disons-le –, en bonne place au milieu de ce bouquet final. Les trois derniers titres reviennent sur le cas Let It Be. Sans amertume puisque Macca est cité avec le morceau titre et The Long And Winding Road, enluminé par Spector, forcément. Entre ces deux sommets classieux, une sublime chanson mystique de Lennon, le décharné mais aérien Across The Universe. 

Contrairement à la citation bien connue concernant le Velvet Underground, des millions de gens ont acheté les albums des Beatles, des millions ont écouté en boucle chacune des chansons de ces deux compilations et nombreux furent ceux qui formèrent un groupe (à succès). Le caractère définitif de ses quatre disques indissociables tient aussi à la qualité de ses quatre musiciens dont trois furent des songwriters de génie. Ceux qui ne sortiront pas convaincus de l’écoute surpuissante des Red et Blue Albums peuvent aller rejoindre les rangs des complotistes. Si la surface de ces disques est bien plate, la musique, elle, revêt des formes si variées qu’on ait encore surpris quarante-sept ans après leur sortie. 

The Beatles/1962-1966 et The Beatles/1967-1970 (Apple Records)

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