Starship, étoile en déclin ?

par Adehoum Arbane  le 15.12.2020  dans la catégorie C'était mieux avant

La critique est aisée mais l’art est difficile. On ne se lasse pas de cette célèbre maxime du fond des temps et reprise par Beaumarchais. Cependant son actualité n’aura jamais été aussi réelle, et cruelle en défintive. Qui plus est quand on est un groupe de pop et que l’on court après le temps. Ainsi, on l’a oublié, mais le Jefferson Airplane aura bien traversé les décennies, sous différentes formes certes – Airplane, Starship mark I, II –, avec plus ou moins de succès et d’accomplissement artistique, faisant paradoxalement de ce groupe de hippies de San Francisco, l’un des plus gros vendeurs de disques aux États-Unis. Dans cette ascension inexorable et collective – voilà bien une qualité qui sied au Jefferson Starship –, un album fera date : leur tout premier et étonnement appelé Paul Kantner and The Jefferson Starship, paru en novembre 1970. Sitôt créé, Kantner abandonne provisoirement le Starship et poursuit son aventure discographique avec Grace Slick, alors son épouse. De retour à bord, Kantner et ses camarades – soit Grace Slick, Marty Balin, David Freiberg de QMS, Craig Chaquiro, Pete Sears et John Barbata – enregistrent le tout premier album du groupe en 1974. Mais la magie n’est plus vraiment là. Jusqu’en 1976. 

Avec sa pochette orientaliste quelque peu déconcertante, Spitfire détonne. On y voit une femme asiatique, fumeuse d’opium, chevauchant un dragon renvoyant à celui du Lotus Bleu. Typo ad hoc, couleurs flashantes, l’œil est immédiatement attiré. Quant à l’intérieur, étonnement, il ne déçoit pas, au contraire. Spitfire (cracheur de feu) est un curieux mélange de morceaux dans la tradition de Blows Against The Empire et tentative d’une improbable fusion rock-funk et disco. L’affaire démarre avec Crusin’ qui reprend la mélodie de Tobacco Road. Sans être fondamentalement original, le morceau séduit. Il le fait dès les premières secondes avec sa basse percutante et ses cordes frissonnantes. Marty Balin chante comme à la grande époque, Crusin’ se déroule tout en suavité. Dance With The Dragon est typique de ces morceaux épiques auxquels le groupe nous avaient habitué depuis Volunteers. Efficacité et préciosité riment de concert. Hot Water dit tout de ses intentions, Grace Slick y groove avec un talent certain. Le Starship prouve que lorsque l’on peine à évoluer, à durer, mieux vaut innover. St. Charles est ainsi le moment fort de cette première face. Les premières notes, magiques et vaporeuses, donnent le ton. St. Charles est un voyage à dos de Dragon. 

La face B ne dévie pas. Song To The Sun avec ses deux parties, fort de sa longueur, prolonge cette heureuse et planante impression de trip à travers cieux, comme si nous allions rejoindre l’étrange femme de la pochette. La force du groupe, soudé comme jamais, est de ne pas oublier ses fondamentaux rock. L’odyssée ne signifie pas l’errance et aux guitares et à la section rythmique d’ouvrir un chemin. La seule coquetterie que s’offre le Starship, ce sont les claviers – Mellotron et synthés – et ce saxophone qui complètent merveilleusement son instrumentarium. Après un tel périple, With Your Love chantée par Balin annonce ce que ce dernier fera en solo, au début des années 80. Ballade Soft Pop résume bien l’esprit de ce plaisant intermède. Signée Grace Slick, Switchblade est un mid-tempo conquérant, avec son piano et sa guitare languide. Le morceau, à l’agonie, explose sur la fin en un monstrueux solo de synthés. Big City s’annonce d’emblée comme un rock’n’roll conventionnel qui dépareille ce bel ensemble. Spitfire se termine en beauté sur l’étonnant Love Lovely Love, disco avant l’heure (Fleetwood Mac avait tenté la chose trois ans avant avec Keep On Going). On se croirait dans une production Motown, voire même dans un disque de Marvin Gaye. 

Comme dit plus haut, le nom de Jefferson Starship résonnera longtemps. Souvenons-nous de leur énorme tube eigthies, sous un patronyme raccourci à Starship (plus glam), We Built This City (on rock and roll). Airplane ou Starship, ces musiciens ont bien écrit un pan entier de l’histoire de la pop et du rock, là-bas, à San Francisco, mais dont les ressacs pacifiques auront balayé le continent entier. 

Jefferson Starship, Spitfire (Grunt)

spitfire.jpg

https://www.deezer.com/en/album/81397862

 

 

 

 

 


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