Incredible String band, hit coast ?

par Adehoum Arbane  le 03.11.2020  dans la catégorie C'était mieux avant

Après la jeunesse, faite d’espérance, survient bien souvent le temps des désillusions. L’année 1974 pourrait être ce point de bascule, surtout pour l’Incredible String Band, duo formé par ces deux songwriters inclassables que sont Robin Williamson et Mike Heron. En 74 donc, le groupe – augmenté de Malcolm Le Maistre, Graham Forbes, Stan Lee et Jack Ingram – sort Hard Rope & Silken Twine. Album touchant, car il marque, à maints égards, la réelle fin d’une époque. On passe ainsi de l’Éden des sixties à l’Ère Industrielle des seventies. Il faut une bonne dose d’ironie – ou de lucidité – pour oser un tel titre. Silken Twine, ficelle soyeuse de l’année 1967 que le duo déroula jusqu’en 1968, produisant pas moins de quatre albums merveilleux auxquels s’ajoute la préquelle enregistrée en 1966 en trio. Hard Rope, corde dure qui se resserre sur l’incroyable groupe à cordes. Corde du pendu ? 

Pas vraiment car s’il ne renoue pas avec la magie naïve des années 1966-1968, Hard Rope & Silken Twine ne fait pas honte, du moins ne démérite-il pas dans la volonté de livrer un dernier long pour la route, un album digne de ce nom quand bien même il refermerait le grimoire du groupe. Plusieurs observations en ce sens. La première est que pour une fois, Mike Heron semble dominer cet enregistrement. Il signe trois compositions sur six dont la pièce maîtresse qui occupe toute la face b, Ithkos. Robin Williamson quant à lui signe modestement deux chansons. Sans doute est-il utile de rappeler que ce dernier a commencé une carrière solo – comme son compagnon de route d’ailleurs – sous les meilleurs augures avec le fantastique Myrrh (1972) qui poursuit avec panache la veine des premiers ISB. 

Ainsi, deux tendances s’affrontent dans le bien nommé Hard Rope & Silken Twine. Une dimension plus rock, clairement affichée ici. Pour aller plus loin, l’ISB tente d’américaniser sa formule mais en multipliant les références. Maker Of Islands qui ouvre l’album sonne comme une chanson typique de songwriter californien, avec son piano pop, son refrain mémorisable et ses beaux arrangements de cordes, soyeux et délicats, qui enluminent plus qu’ils n’ajoutent. On se croirait presque dans un manoir de Laurel Canyon. Mike Heron qui en est l’auteur chante avec retenue et sincérité, et ce nouvel habillage semble lui convenir à merveille. Coécrit par Le Maistre et Mike Garson – oui le pianiste de Bowie –, Glancing Love prend les accents de la folk song urbaine que l’on pouvait écouter dans les clubs à l’angle de Bleecker et MacDougal. Cependant, l’orgue aigrelet et la flûte nous indiquent une autre filiation (plus anglaise). Ithkos enfin. Malgré quelques stigmates propres aux seventies, il s’agit d’une authentique fresque progressive, à la fois émouvante (le début) et haletante (la section du milieu). Mieux, jamais on ne s’y ennuie. Sans doute parce que le groupe, uni autour d’une vision, assume sa nouvelle orientation musicale. Tant est si bien qu’au fil des écoutes, on jurerait entendre un groupe psyché West Coat. Ithkos sonne presque Hit Coast, le rivage du hit que l’ISB aurait aimé approcher. Guitare, basse, batterie et violon concourt à cette heureuse impression. Même le final tout en synthé, quoique daté, ne vient pas tuer la cohérence et l’impact de cet ensemble épique et passionnant !

Dans l’autre catégorie, on trouve le morceau capté en live Cold February, légèrement lymphatique mais assez fidèle à ce que Williamson chantait en plein âge d’or. Mieux, Dream Of No Return, fort d’une mélodie cristalline et d’un sitar bienvenu, retrouve la flamme et aurait pu largement figurer dans Wee Tam & The Big Huge. Seul l’inutile et lourdaud Dumb Kate vient briser la magie restaurée. De par son titre, Rêve de non-retour, le morceau dit tout de l’esprit du groupe au moment où il grave en studio ces ultimes compositions, dans une décontraction que laisse entrevoir quelques documents filmés à l’époque. 

Inclassable, l’ISB s’est sans doute un peu perdu dans son rêve de troubadours exotiques que des esprits chagrins auraient tôt fait d’appeler, non sans mépris, musique de hippies. Mike Heron et Robin Williamson, seuls ou accompagnés, n’auront pas su gérer si l’on ose dire la formule originelle qu’ils avaient préparée dans leur chaudron. D’où un rendez-vous manqué avec le succès populaire malgré une présence non négligeable dans les charts anglais. Ce qu’ils ont perdu en efficacité commerciale, ils l’auront gagné en s’assurant une belle descendance. Il faut se plonger dans l’abondante discographie du groupe, en séparer le bon grain (The 5000 Spirits, The Hangman’s Beautiful Daughter) de l’ivraie (tous les disques à partir de Changing Horses). Excepté ce Lp dont la pochette choisit l’illustration plutôt que la traditionnelle photo portrait. Comme pour bien signifier la fin. 

Incredible String Band, Hard Rope & Silken Twine (Islands)

hard-rope.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=XO3mJe11iBU

 

 

 

 

 


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