Weller outragé, martyrisé, Weller libéré !

par Adehoum Arbane  le 07.04.2020  dans la catégorie C'était mieux avant

La biographie, surtout dans le domaine du rock où le moindre guitar hero est sanctifié, rime bien souvent avec hagiographie. Et pour cause, nombreuses sont les bios à être purement et simplement des livres de fans. Le fan, cette engeance maudite qui, avec sincérité et sans la moindre complaisance, arrivera à transformer cet exercice honnête en déferlement lacrymal à tendance énamourée, la pire au fond. Fort heureusement, certaines productions échappent à ces travers, mieux elles font l’objet d’un travail critique minutieux avec, en ligne de mire, le souci de l’analyse musicale, non la vision personnelle quasi romanesque du sujet traité. Alors, dans quelle catégorie peut-on légitimement classer « Life from a Window, Paul Weller et l’Angleterre pop » signé Nicolas Sauvage ? 

Commençons d’abord par dire que l’objet en lui-même se veut inclassable. Nulle flagornerie à l’horizon mais un constat qui s’impose après lecture. Il s’agit avant toute chose d’une œuvre somme. La première biographie française d’un musicien anglais, certes mais aussi un livre dense, long de 529 pages, annexes comprises. Ce format n’est pas anodin s’agissant du travail d’écriture de son auteur. Et de son objectif. Décrire la carrière au long cours d’un artiste anglais parmi les plus populaires. En effet, Paul Weller a commencé à enregistrer des disques en 1977 et poursuit encore son œuvre, un album étant prévu pour cette année. Quarante-trois années de labeurs, de succès, de gloire passée puis retrouvée. Nicolas Sauvage raconte tout ça avec passion mais précision, sans jamais sombrer dans l’idolâtrie. Pire encore – c’est une façon de parler –, on a le sentiment au fil des pages qu’il en vient à malmener son sujet. Si on était cruel, nous dirions que Weller apparait dans ces pages comme un piètre songwriter qui aura connu plus de passages à vide que de fulgurances même si ce n’est pas tout à fait cela. Nicolas Sauvage sait habilement mettre en lumière les multiples résurrections de l’artiste dans un océan productif pas toujours à la hauteur de son mythe. Car, cela peut sembler étrange pour nous français, mais Weller est bien un Mythe en son pays, une sorte de Dieu, entre Ray Davies et Macca, tantôt présenté comme un infatigable chercheur de sons, un innovateur de premier plan, tantôt comme un suiveur plan-plan, un pur conservateur. Lecture vacharde me direz-vous, mais c’est bien là la vraie qualité de ce bouquin passionnant et très bien écrit, véritable page-turner de la bio rock.  Nicolas Sauvage connait si bien son sujet qu’il se permet des audaces à la limite de l’excommunication mais c’est pour cette raison qu’on lit ce Life from a Window avec excitation. On cherche le moment où l’homme va sortir le graal de l’avant-garde pop ce qui, paradoxalement, finit par arriver dans les dernières années de sa carrière, et donc les dernières pages du livre. Pendant ce temps, Weller avale des couleuvres sous la dictée de Nicolas Sauvage. Et c’est bon, énorme même. L’autre immense qualité du livre est de dresser un panorama de la pop anglaise sur quatre décennies, le moment le plus fort évoquant l’explosion de la Britpop notamment mais aussi de la scène de Madchester.  Pour une fois, l’auteur aura vécu l’époque, aura connu la fièvre de la découverte avec ces noms étranges, La’s, Elastica, The Boo Radleys, The Charlatans, Primal Scream, Suede qui s’étalaient, à l’aise, sur les pochettes de vinyles, resserrés, sur celles de nos bonnes vieilles K7. Ces pages comptent parmi les meilleurs moments du livre et en feraient presque oublier Weller. 

À ce propos, on croit savoir que l’auteur a ou va offrir son livre à son idole. Comment cette dernière le prendra-t-elle ? Poussera-t-elle le respect jusqu’à lire – ou faire lire – Life from a Window. On finira bien par le savoir un jour. En attendant, rêvons à la prochaine pop star que Nicolas Sauvage dézinguera gentiment, non sans talent. Logique, avec pareil nom de famille. 

Life from a Window, Paul Weller et l’Angleterre pop, Nicolas Sauvage (Le Camion Blanc)

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