Macca fait entrer les Wings

par Adehoum Arbane  le 05.02.2019  dans la catégorie C'était mieux avant

Durer c’est s’épuiser. Régner c’est s’égarer. Deux maximes imaginaires que Paul McCartney aura décidé de ne jamais suivre tout au long des années 70. Décennie qui sera bien souvent celle du déclin pour la génération d’artistes pop estampillée sixties. Rembobinage de mémoire. Après la dissolution des Beatles, Macca débute une carrière solo sur un premier long bricolé, bancal mais qui renferme quelques trésors (That Would Be Something, Man We Was Lonely, Maybe I'm Amazed, Junk-Singalong Junk). 1971, comme Lennon avec Imagine, Paul balance un Ram devenu culte au fil des années. Et pour cause, tout y est parfait. Mais après cela, que faire ? Pour se renouveler ? Pour se hisser encore plus haut ? Là n’est cependant pas l’ambition de McCartney qui désire retrouver le plaisir de jouer en groupe. Avec Linda et Denny Laine – les piliers – et le batteur Denny Seiwell, il forme les Wings et sort un premier disque (Wild Life), là encore inégal, mais qui réserve cependant quelques très beaux moments. La suite est connue : Red Rose Speedway et Band Of The Run font de 1973 une année faste pour les Wings. Malgré Rock Show, Magneto and Titanium Man ou Treat Her Gently - Lonely Old People, Venus & Mars marque le pas dans l’inspiration. Mais Macca n’a pas dit son dernier mot. 

1976. Pour son prochain album, Wings At The Speed Of Sound, McCartney a décidé de faire davantage de place à ses musiciens en termes de songwriting. Et c’est là une première surprise. Juste après l’introduction de Let 'Em In, typique de l’art de Paul, The Note You Never Wrote signé Denny Laine explore un registre volontairement plus dramatique. C’est une splendeur. Même dans l’emphase, à contre-courant du positivisme Wingsien, Laine parvient à toucher, à faire fondre nos cœurs de pierre, encore plus quand Paul reste en retrait (les chœurs). Le bassiste Jimmy McCulloch se fend d’un Wino Junko imparable, admirable, tout à la fois beau et entraînant. Addictive, la chanson doit beaucoup au riff de basse qui l’ouvre si efficacement. Sautant immédiatement aux oreilles et aux yeux, on pense automatiquement à l’intro de Rockollection de Voulzy (grand fan des Fab) dont on a peu de mal à se dire qu’il dut s’en inspirer pour composer son tube éternel. Denny Laine nous revient avec Time To Hide, le titre le plus ouvertement rock, gagnant en force ce qu’il cède en émotion pure. Non, la vraie découverte c’est ce Must Do Something About It composé par le batteur Joe English ! Un frappeur serait donc capable de faire du miel avec quelques notes, à la manière des meilleurs chanteurs soul ou d’un Todd Rundgren (sans pour autant le singer) ! Et Macca dans tout ça ? Sur Wings At The Speed Of Sound on trouve ces petites idioties adorables comme She's My Baby et son refrain très allitératif : « Like gravy, down to the last drop, I keep mopping her up, mopping her up, Oh yeah, she's my baby ».Constat identique pour le presque disco Silly Love Songs et la pochade pré-metoo – pourrait-on sortir une telle chanson aujourd’hui ? – Cook Of The House. Non, les deux grands moments McCartneyiens sont Beware My Love et San Ferry Anne. Composé avec Linda, Beware My Love démarre sur un mid-tempo onctueux, gorgé de groove. Mais très vite, la chanson se transforme en longue cavale rock, taillée dans l’urgence et où la voix presque cassée de Paul côtoie l’électricité des guitares relâchées. Quant à San Ferry Anne, cette ballade sans refrain courant sur deux intenses minutes séduit grâce à ses ornements de flûte et de cuivres. Enfin, Warm and Beautiful. Chaud et beau, voilà qui définit superbement cet album, et le conclut avec ce qu’il faut de classe et d’élégance qui sont aussi la signature de McCartney. Seul au piano, il invite guitare, cuivres et cordes à le rejoindre. Créant ainsi une atmosphère particulière, comme un baissé de rideau sur ce qui s’impose dès lors comme une réussite. Une de plus. 

Alors, évidemment, la suite de la discographie des Wings vient un peu balayer le postulat de départ. London Town et Back To The Egg ne sont pas à la hauteur de ce At The Speed Of Sound. C’est pourtant sous-estimer Macca qui sortira de belles choses (Tug Of War) entre des disques plus dispensables (McCartney II et Pipes of Peace). Beaucoup de fans de pop – et même des Beatles ! – regardent d’un mauvais œil la période Wings, voire l’abhorrent purement et simplement. Injustice qui sera réparée avec la découverte imminente de Wings At The Speed Of Sound. Et en quatrième vitesse, nom de non ! 

Wings, At The Speed Of Sound (MPL)

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