Courtney Barnett, royale au Casino

par Adehoum Arbane  le 27.11.2018  dans la catégorie Interviews & reportages de Shebam

Il y a un petit truc marrant s’agissant du rock, et qui marche à tous les coups. On passe innocemment un air, et automatiquement une tête se lève en s’écriant, hilare : « c’est les Stones ! » On réitère l’expérience dans d’autres circonstances et on fait alors face à un « Chouette, les Beatles ! » Peu d’artistes ou de groupes connaissent cette chance, celle de l’identification immédiate. Pour des raisons que l’on aurait tôt fait d’ignorer, Courtney Barnett appartient à ce cercle restreint. Et en deux albums seulement. Pas mal. Il ne faut pas plus de quelques secondes pour percevoir sa patte, son style qui tient autant à ses compositions qu’à sa voix. Y compris dans les rangs des rockeurs contemporains, la chose est rare. 

Et en live me direz-vous ? Il fallait d’abord voir – pour sa deuxième date parisienne de l’année – les fans de la jeune rockeuse australienne. Quel que soit leur âge, on sentit ce soir-là une passion dévote mais pas stupide ; une attente comme on dit parfois. Les lumières s’éteignent, rituel immuable. De façon très scolaire, dans une ambiance spectrale, quasi religieuse – les très beaux light shows –, Courtney commence le set par le commencement… De son dernier album en date. Hopefulessness démarre dans une lente apogée bruitiste qui sera la marque de ce concert dont l’esprit ne fait pas florès (dommage). Puis enchaîne avec City Looks Pretty. Le groupe qui l’accompagne est impeccable. Les looks pas possibles sont à l’image d’une musique décontractée mais énergique, plus rock encore à la ville. Sans passer la tracklist au peigne fin de l’analyse, on conviendra que Barnett possède le luxe d’avoir un répertoire dans lequel elle vient piocher à la façon d’une boîte de chocolat. Et le public en redemande. Pour en revenir au propos de départ, il n’est pas un riff, une note que les fans hardcore, ici au Casino de Paris, n’anticipe à l’avance. Et c’est un plaisir d’assister à pareille communion. On aurait pu largement, comme le veut la célèbre expression, laisser Courtney et son public tout seul, dans cette intimité feutrée et convulsive où les vivats remplacent les mots doux et les pogos tiennent lieu de caresses. Vous l’aurez compris, le spectacle fut aussi dans la salle. À ces œillades envoyées de la fosse, la musicienne répond par la seule générosité. Le talent aussi. Ses désormais classiques en font foi d’autant plus que ce petit bout de femme – désolé pour cette mâle réflexion – bucheronne ses soli avec conscience, rigueur et une certaine rudesse que l’on observe chez des musiciens comme Neil Young – la filiation est évidente, en dehors du style débraillé cool qu’affiche Barnett. Quel groupe a cette conscience du rock au point de sortir des postures autorisées, forcément creuses, pour se livrer ainsi, tout décibels dehors ? Voilà pourquoi Courtney Barnett rejoindra à coup sur la première division si elle ne fait pas de faux pas discographique en route. Ce qui ne doit nullement empêcher la prise de risque, avec ce qu’il faut de scories qui font la chair de la vie. Y compris du musicien en tournée. Ce soir-là, nous avons tous vibré sous l’ondulation électrique où l’on percevait Charity, Need A Little Time, Nameless, Faceless, Debbie Downer, Elevator Operator et tant d’autres… 

Et puis, il y a ce sujet qui fâche, ce critère essentiel à la réussite d’un concert, en dehors bien sûr de la qualité du groupe ou de l’artiste, de la force de ses chansons, de l’importance de sa discographie : la durée du show. En a-t-on eu pour son argent, si j’ose dire, ou non ? Réponse : OUI. Courtney Barnett et son groupe – une guitariste-claviériste, un bassiste et un batteur auxquels s’ajoutait la saxophoniste Laura Jean sur Streets of Your Town (des Go-Betweens) – ont joué pendant près d’une heure trois quart ce qui est pas mal s’agissant d’un artiste indépendant. Vingt et une chansons au total et autant de moments chéris, parfois en apesanteur. Après le set, nous sommes allés dîner entre amis. Et c’était bon, et c’était beau, et c’était grand. Nous avons bu – un peu –, nous avons refait le monde du rock et celui, plus vaste, qui l’abrite. Ce monde incertain mais magnifique où il est encore permis d’espérer de grandes choses… Et de grandes artistes ! Mesdames, messieurs, from Melbourne, Australia, Courtney Barneeeeeeeett. 

Courtney Barnett, Casino de Paris (7 novembre 2018)

Setlist :

Hopefulessness 

City Looks Pretty  

Avant Gardener  

Need a Little Time

Nameless, Faceless  

I’m Not Your Mother, I’m Not Your Bitch 

Crippling Self Doubt and a General Lack of Self Confidence  

Small Poppies  

Small Talk

Debbie Downer  

Depreston  

Are You Looking After Yourself?  

Streets of Your Town   

Elevator Operator 

Lance Jr 

Charity  

Nobody Really Cares If You Don’t Go to the Party  

Pedestrian at Best  

Rappel :

Everything Is Free   

Anonymous Club  

History Eraser  

 

 

 

 

 


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