The Lemon Twigs, singes savants ?

par Adehoum Arbane  le 02.10.2018  dans la catégorie A new disque in town

Si on réduit toujours la pop à ses excès, on pourrait avant toute chose considérer ce qui fut son principal moteur : son ambition artistique. On aurait tôt fait de présenter The Lemon Twigs Go To School –  la suite de The Lemon Twigs Do Hollywood – comme un album concept, ce qu’il n’est pas. Un hymne à Broadway dont les deux brindilles sont des purs produits, héritage parental oblige ? À coup sûr, même si toute tentative de synthèse ou d’interprétation serait injuste ou vaine. 

Revenons au sujet, au disque. À observer la pochette – hideuse au passage –, les indices s’accumulent : le sous-titre, "Go To School, a musical by The Lemon Twigs" et le chimpanzé dessiné dans un coin à gauche. Il s’agit de Shane qui nous raconte donc ses déboires scolaires et les vexations dont il est victime. Passons aux chansons, au nombre de seize – dans la version la plus longue. On peut ainsi tenter de définir ce copieux travail comme la somme des influences que le duo a choisi d’assumer, leur rendant ici un brillant hommage. C’est un fait, nombreux furent les artistes seventies à proposer des albums consistants, souvent doubles, avec des accents théâtraux. Ainsi, les frères D’Addario se placent dans la digne lignée des Rundgren, Elton John et Wings (Venus & Mars). Même les Stones s’y sont collés avec Exile. On n’évoquera même pas les mastodontes prog. Puis ce fut le tour de formations contemporaines comme Foxygen de leur emboîter le pas, même si les boursouflures sur le long And Star Power et en version courte sur Hang ont pu légitimement lasser. Les Lemon Twigs pencheraient plus, et c’est évident à chaque morceau, pour une certaine pop ricaine, classieuse, pensée comme un âge d’or perpétuel. Music-hall, jazz, musiques traditionnelles américaines, folk, blues, rock bien sûr. Tout y passe et avec un talent insolent. Car une chose étonne puis fascine ici : c’est l’évidence des chansons. Comme si nous les avions déjà entendues. Non qu’il s’agisse de plagiats. Leur perfection formelle, leur pureté académique doit tout à la maturité de cette étonnante fratrie, à sa boulimie musicale et instrumentale. L’album a en effet été enregistré dans le home-studio de la maison familiale et Brian et Michael se partagent tous les instruments, exception faite des cordes et cuivres joués parfois par d’anciens professeurs. Le batteur de Big Star, Jody Stephens, et l’immense Todd Rundgren au chant, complètent le dispositif. On aurait pu regretter justement le côté un peu scolaire. Le tour de génie des deux frères tient à l’histoire qu’ils racontent. Ce qui aurait pu plomber le disque le transfigure au contraire. Loin du propos de départ, le texte se veut le sang des chansons quand les mélodies en sont la chair. Au fond, on reste accroché de bout en bout par les paroles, on tient bon la barre de l’album, on y résiste en y succombant ; on l’écoute dans son intégralité dans le but, évident, et le plaisir, coupable, de toujours y revenir. Dès lors, les Twigs parviennent à dépasser le simple exercice de style, celui des brillants copistes, pour conter leur propre histoire, sans jamais lasser ni agacer, ce qui aujourd’hui relève de l’exploit. Mieux, ils délivrent au fil des titres de ces phrases assez incroyables qui résonnent en vous longtemps après avoir été prononcées (« we’ve been built a world that’s full of small victories »). Prenez le temps nécessaire pour apprécier chacune des chansons, il y a toujours une formule des plus justes, qui pique la curiosité ou transperce le cœur – « Wake up the kid ! Good morning, it’s breakfast ! I know how you like your bananas » ou encore « The student becomes the teacher and the teacher become the principal and the principal dies and everybody cries » sans oublier « And the tears that fall from loneliness, they often shiver to the bone, the empty souls without a home of a heart ». 

Brian et Michael D’Addario naviguent ainsi à mille milieu de ces hipsters compassés, perméables aux moindres modes. Bien au contraire, ce sont des amoureux de la pop manufacturée à laquelle ils ajoutent, non sans malice, le qualificatif de progressive, pour justifier la dilatation et la fantaisie – les deux notions sont ici intimement liées, notamment sur  le fabuleux The Fire. Ainsi, malgré la technique, la parfaite connaissance de l’idiome, on ne jettera rien dans ce disque, et surtout pas The Student Becomes the Teacher, Rock Dreams – très Tommy ! –, le kinksien Small Victories, Lonely, Never Know et le grandiose Home of a Heart (The Woods). Mieux que des petits prodiges, ce sont avant tout de grands singer-songwriters dans l’âme avec plus que des idées, des émotions à transmettre. Même en brindilles acidulées, on prend !

The Lemon Twigs, Go To School (4AD)

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https://www.youtube.com/watch?v=cOUKxyeuk5w

 

 

 

 

 

 


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