Brian Protheroe, de vous à lui

par Adehoum Arbane  le 16.10.2018  dans la catégorie C'était mieux avant

Tout le monde se souvient du Superman de Richard Donner, premier film à propulser un super-héros dans la pop culture moderne. Surgissent alors de notre mémoire collective Christopher Reeves, Gene Hackman, Margot Kidder et bien sûr l’indéboulonnable Marlon Brando. C’est fort logiquement que le pauvre Brian Protheroe aura échappé à nos radars. Logique, il y jouait un éphémère co-pilote d’hélicoptère. Si nous avons oublié la carrière cinématographique de Protheroe, pensez alors à celle de singer-songwriter ! Car oui, Brian Protheroe fut aussi un compositeur-interprète pas forcément prolifique – à l’image de son CV d’acteur – mais qui a su placer quelques beaux pions sur l’échiquier de la pop musique anglaise. 

Tout commence pour Protheroe en 1966. À Salisbury. Il débute le métier de comédien en jouant dans des pièces de théâtre. En parallèle, il cravache dur dans un hôpital. L’année 68 le voit écumer les clubs de folk locaux où il s’adonne à sa passion de la musique. Les sixties passent sans lui, et les seventies débutantes semblent lui faire déjà des infidélités. En 1973, il joue un chanteur pop dans une pièce intitulée Death On Demand pour laquelle il écrit une chanson. Il est repéré par un ponte de Chrysalis qui le signe. Pinball, son premier single, sort l’année suivante, rapidement suivi de l’album du même nom. Sans atteindre l’aura de ses concurrents – Bowie et Cie –, le single se hisse à la vingt-deuxième place des charts. Une jolie reconnaissance. L’album n’est pas indigne, bien au contraire. Protheroe compose tout ou presque, montrant un talent certain pour la pop classique que les anglais pratiquent avec dextérité pour l’avoir tout bonnement inventée. En 1975 il enchaîne avec Pick Up, puis I/You en 76, album dont il est question aujourd’hui. Sans doute plus "progressif" – disons ambitieux – que Pinball, I/You avec sa pochette en hommage à Magritte voit la pop star en devenir triompher sur le plan artistique. On retrouve le faste de son premier long, mais le piano s’empresse vite de succéder à la guitare qui faisait swinguer des morceaux déjà savoureux comme Clog Dancer, Money Love, Mickey Dollar Dreams ou Monkey. Dans ce très beau disque, le grandiose tutoie le splendide, dès l’entame de I/You jusqu’au final fantastique de The Face And I. Le maître mot ici est l’élégance. Tenue correcte exigée si vous décidez d’y entrer. Every Roman Knows possède ce charme peu discret mais jamais pompier. Avec Evil Eye, les choses s’accélèrent, Protheroe renoue avec la dramaturgie des planches. La chanson démarre calmement pour aller ensuite tambour battant. Pause douceureuse. Et Protheroe, impatient du succès qui l’attend, repart aussi sec. Quand Under The Greenwood Tree résonne de ses premières notes, on revient en arrière, non pas dans l’enfance de Protheroe mais dans celle de l’Angleterre, cette Albion médiévale que n’a jamais reniée Jethro Tull, formation signée sur le même label. Et pour cause, Ian Anderson assure à la flûte ! Dancing On Black Ice referme la face A sur une facette plus sombre. « O Pompadour, adore amour, saw a flora, tore her jaw, more a scorer, wore a flaw, dancing on black ice. O Volcano, cane ok ? Cane cocoa cocaine a day. Nain to vein isane away. Dancing on black ice. » Il fallait oser. Le morceau développe la même structure que Evil Eye, entre moments de douceur et breaks violents, voire proggy ! La face b s’ouvre sur Battling Annie. La chanson, longue de six minutes, débute sur un orgue de barbarie sergent pepperien, puis migre vite vers la pop grand spectacle, au sens noble du terme, comme si Protheroe se rêvait déjà en vedette, comme on disait autrefois. Never Join The Fire Brigade est une pochade reposante quand Hotel fait penser à un Murray Head qui n’aurait plus rien à perdre. Head a connu un succès monstre sur la foi d’un album, pire d’une chanson, grande il est vrai. Lucille est sans doute l’unique faux pas de l’album, sorte de rock’n’roll pataud dont Protheroe a du mal à se défaire. Comment lui en vouloir, la suite et fin de l’album vaut plus qu’un détour. Musicalement d’abord, par son faste déployé mais plus encore pour son texte, sorte d’éloge à la mort dans une langue si châtiée qu’elle fait songer dans un méli-mélo référenciel à W.H. Hauden, Shakespeare et Ray Davis ! The Face And I est ainsi un chef-d’œuvre, grand dans ce petit chef-d’œuvre qu’est I/You. 

Car vous l’aurez compris, l’histoire se termine… Non pas mal, ce serait injuste de le prétendre. La musique composée pour le show télé Leave Him To Heaven – au titre presque cruel – laissera Protheroe durablement au bord de la route. Fortune et gloire ? Ni l’une ni l’autre. Brian Protheroe finira ses jours artistiques dans le cadre exigüe du petit écran avec comme climax, un rôle dans Midsomer Murders. De vous à moi, Protheroe restera le héros d’un jour. Celui où il signa chez Chrysalis. 

Brian Protheroe, I/You (Chrysalis)

i-you.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=aOB1c4gVnXY

 

 

 

 

 


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