Peter Hammill, somewhere over…

par Adehoum Arbane  le 03.07.2018  dans la catégorie C'était mieux avant

Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde… Et pourtant, la phrase de Camus trouve peut-être ici, dans un seul disque, sa limite. Comme tout le monde le sait, Over, sixième album de Peter Hammill – le Jimi Hendrix des cordes vocales –, est l’illustration musicale de sa rupture avec sa femme, Alice. Cependant, si l’on y prête plus attention, le mot semble revêtir plusieurs significations cachées, des interprétations dirons-nous. Sans doute. C’est même certain. Mais il faut quand même préciser à quel point un disque, quand il est réussi, peut faire surgir des images, des idées, des sentiments que l’artiste n’avait même pas imaginés. Over. Fini. La fin d’une époque d’abord. Celle des dinosaures progressifs qu’un Peter Gabriel avait prophétisée en quittant lui aussi Genesis. La fin supposée d’un genre – déjà décrié – et le commencement d’un autre. Rappelez-vous, Over sort en 1977. En pleine turpitudes punk. Au-delà de l’analogie, la musique paraît sous-titrer cette analyse. À travers les riffs secs et brûlants de Crying Wolf. Certes, VDGG et son leader furent une influence constante pour la nouvelle scène. Le jeune Nadir n’en était-il pas le premier messie, bien avant Sid Vicious et John Lyndon ? Peter Hammill n’est pas pour autant homme à adresser des signaux clairs, et son album d’osciller entre moments de rare violence et soliloques pastoraux. Le « So, here we are alone » de Autumn n’est-il pas le vrai début de Over ? Hammill tient compte de l’esthétique des nouveaux temps, sans rien céder de cet esprit Van der Graafien qui lui a offert sur un plateau tant de fans hardcore. Ainsi, Over se veut un disque court, bref, mais intense, quasi insoutenable. Loin des divagations dilatées de ses homologues agonisants. Les quarante-huit minutes proposent malgré tout quelques longues pièces à l’ancienne, avant de tout quitter. Time Heals en premier, sans doute le titre le plus fou de Hammill. Le temps guérit mais qui peut se prétendre immunisé contre les charmes foudroyants de Time Heals ? La manière de chanter de Hammill, moins vociférée, possède un certains swing, comme si l’auteur était un poisson à l’aise dans les eaux glaciales du Titanic. This Side Of The Looking Glass contraste par ses choix orchestraux, on croirait presque entendre Ringo Starr sur Good Night. This Side Of The Looking Glass, c’est un peu cette fenêtre qui offre un lumineux contours à la pochette disque, nous y reviendrons plus tard. Lost and Found, enfin, où l’on retrouve la guitare électrique présentée au recto. Lost and Found, perdu et trouvé, comme le crédo d’un morceau de fin de disque idéal. Entre, c’est à dire au beau milieu de la face B, Betrayed et (On Tuesdays She Used To Do) Yoga donnent à voir la face la plus torturée de Hammill et permettent de comprendre pourquoi on le compara avec le gaucher de Seattle. Oui, Betrayed trahit une certaine folie. On est ici face au premier punk baroque, magnifiquement et sobrement orchestré. Quant au second, malgré son titre serein, Hammill fait tout pour en briser le voile. Piano sépulcral, voix dédoublée, effets reverse, c’est l’éther malsain du cerveau troublé du maître qui est mis alors en musique. Pourtant, il fait se méfier des mots. Over. À observer la pochette, la pause décontractée de Hammill, chemise légère, gonflée, assis dans l’encadrement d’une large fenêtre de laquelle on découvre le jardin d’un cottage anglais, on pourrait lire « Ouvert » et non « Over ». C’est la magie de ce disque qui apparaît plus comme trois points de suspension plutôt qu’on point final. Hammill vivra après son ex-femme une longue vie musicale, où les classiques continueront de se succéder. Vingt-neuf albums, sans compter les précédents sous son nom, et ceux enregistrés avec VDGG. Hammill fut un presque Bowie, la célébrité et les tubes en moins. Un fantastique musicien, auteur, interprète seul capable d’incarner ses idées, de leur donner une chair malléable, tourmentée, au combien savoureuse. Ce dont nous lui sommes reconnaissants. Un échelas comme sur le Timewind de Klaus Schulze, mais à la sensibilité touchante et dont Over livre une part conséquente, malgré sa grande brièveté. Somewhere over… The Rainbow. Car après les pluies de la séparation vient toujours le soleil du renouveau. 

Peter Hammill, Over (Charisma)

peter-hammill-over1.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=ZwLWaKug3rg

 

 

 

 

 


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