The Glass Family, sur le carreau ?

par Adehoum Arbane  le 19.06.2018  dans la catégorie C'était mieux avant

Un adage imaginaire pourrait présenter les choses ainsi : « les albums les plus cités font souvent autorités. » Vérité ô combien criante mais qui connaît fort heureusement ses exceptions. Ainsi en va-t-il de la scène psychédélique américaine underground des années 67-69 qui s’avéra bien souvent supérieure à celle qualifiée – ne pas y voir d’ironie – de mainstream. Là où de nombreuses formations appartenant à l’establishment psyché – le Grateful Dead en tête – tentèrent de restituer sur disque le trip acide, sans trop y parvenir d’ailleurs, certaines réussirent en poussant plus en avant les frontières de l’audace. Délestés de la pression exercée par des maisons de disques, parfois importantes, voire envahissantes, ces groupes mineurs ont pourtant brillé de mille feux créatifs. Un – parmi tant d’autres ! – mérite aujourd’hui qu’on pointât sur lui les projecteurs. The Glass Family et son premier effort, Electric Band. Autant le dire pour dissiper tout malentendu, de nombreux et obscurs combos pourraient être classés sous cette étiquette. Mais la Famille de Verre les dépasse de loin, et pour au moins quatre raisons. La première tient à son paronyme convoquant de manière fort opportuniste l’imaginaire hippie, donc communautaire. La famille s’illustre d’ailleurs dans son plus simple appareil – enfin presque – sur la pochette : nos trois musiciens prennent la pose devant une maison calfeutrée dans un fouillis de fleurs et d’arbres – on pense à Laurel Canyon, le trio étant originaire de Californie – où s’incruste une joyeuse bande de freaks. La deuxième raison tient à la qualité de ses compositions ce qui est plutôt rare lorsque l’on se penche sur cette scène du psychédélisme sixties, souvent prompte à envoyer sur le devant de la scène des orchestres à jams. Ici, on navigue dans un format plus court, douze chansons ne dépassant jamais les quatre minutes, mais dont le pouvoir, l’évidence et les qualités sautent aux oreilles de l’auditeur. House of Glass est un modèle du genre, plein d’effets en tous genres, et qui eut la chance de sortir en single. Si Once Again, Sometimes You Wander et Do You Remember explorent un chemin plus pastoral et pop, dans la lignée du West Coast Pop Art Experimental Band – avec mélodies et refrains à la hauteur des promesses –, House of Glass, The Means, Passage #17 et Agorn (Elements of Complex Variables) se chargent d’ouvrir une voie plus ouvertement et étrangement psychédélique. L’orgue acide, présent de l’entame jusqu’au grand final, est le fil conducteur de l’album, orgue autour duquel se greffent les guitares – électrique et acoustique –, des percussions impressionnistes, piano et autre vibraphone apportant ces enluminures propres au son West Coast. Et c’est bien sûr, vous l’aurez compris, le troisième point. Quant au quatrième et dernier, il tient au fait qu’à l’image de leurs homologues venant tout droit de l’underground – et parfois signés par une major, ici Warner –, The Glass Family n’aura pas eu le loisir de sortir le deuxième album qui était prévu, écrit et enregistré et qui finit malheureusement dans les tiroirs de la maison de disques. Tant et si bien qu’avec le temps, la légende urbaine prétendit qu’il n’y avait jamais eu de deuxième album quand une autre rumeur plaçait Electric Band en deuxième position de sa discographie. Le doute fut longtemps entretenu mais ne suffit pas à générer un culte suffisamment fort pour sortir la formation de l’anonymat injuste dans lequel le fourbe destin l’avait cantonnée. Il a fallu attendre une récente réédition de l’album, complété de son second, pour lever définitivement le voile opaque qui avait malgré tout fondé sa légende. Il reste cependant Electric Band, œuvre singulière, tout à la fois ambitieuse et chatoyante, emblématique d’une époque – l’année 1968 –, pleine de joliesse et imprégnée par l’exigence du trip qui avait si souvent épargné les groupes institutionnels. C’était un autre temps, celui de la confiance au détriment de la frilosité, de l’investissement en place de la cupidité, une décennie où des directeurs artistiques n’avaient pas que le dollar pour seul horizon, parfois une intuition, une vision, voire même de la culture. Warner n’était pas le seul gros bonnet à aller farfouiller dans les foules bigarrées des après-midi solaires du Golden Gate Park ou du Sunset Strip afin de dénicher LA prochaine sensation rock. RCA, ABC, Probe, Reprise, Paramount, CBS, MGM et on en passe, ont eux aussi recruté ce que l’Amérique estudiantine et garage comptait de talent. Pour les raconter, il faudrait un dossier, un livre ou même un film. Qui sait. 

The Glass Family, Electric Band (Warner)

electric-band.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=PZthJFyk9Ns

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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