Notes From The Undeground, excellente note

par Adehoum Arbane  le 12.06.2018  dans la catégorie C'était mieux avant

On le sait, le psychédélisme américain – garage à ses débuts – fut le fruit d’une transgression. Issues du blues le plus académique, voulant faire mieux que les Beatles sur Sgt Peppers, les jeunes formations s’émancipèrent rapidement, à juste titre d’ailleurs, d’un genre par trop ombrageux et limité. Pas les Notes From Underground. Cette stratégie leur a-t-elle couté ? Voilà un exemple typique du groupe qui émerge de la masse, grave un unique opus en 1968 pour retomber aussitôt dans l’anonymat. Signé sur Vanguard, label réputé pour sa tradition blues, le combo y côtoie les mythiques Country Joe & The Fish qui, en deux classiques, ont déjà dessiné le périmètre du psychédélisme US. Sam Charters, le producteur maison, étant connu pour laisser un blanc-seing à ses poulains. Ce qu’il fera avec les cinq musiciens de Notes From The Undeground. La proximité contractuelle avec Country Joe McDonald a souvent été exploitée pour définir leur musique et les présenter comme des clones évidents, ce qu’ils ne sont pas. Bien évidemment. Si leurs chansons tirent leurs racines du bluegrass et du ragtime, comme on l’entend sur le morceau en introduction, Follow Me Down, les échos du San Francisco sound ne sont jamais très loin. L’originalité du groupe tient surtout dans sa capacité à fondre l’ensemble de ses influences dans le même chaudron rock. Mieux, les Notes From The Underground exploitent à merveille l’esprit protestataire estudiantin comme le montre Follow Me Down donc et Down In The Basement – appétence underground suggérée par leur patronyme, hommage au roman de Fiodor Dostoïevski, Les carnets du sous-sol. Sur cette première face, on sent l’effervescence, le bouillonnement juvénile et rebelle – les deux vont bien ensemble – des campus, les meeting improvisés durant les longs après-midi dorés au Golden Gate Park - ou du côté de Berkeley – sans tomber pour autant dans le psychédélisme « gauchiste », braillard et querelleur. Ainsi, contrairement au Fish, pas de farfisa ni de guitare crissante, encore moins d’orientalisme passé au tamis d’une rythmique en apesanteur, non mais des idées judicieuses, parsemées ça et là, autant de trouvailles qui font de leur album éponyme un peu plus qu’une curiosité. Vous l’aurez donc compris, la musique n’est pas à proprement parler planante pas plus qu’elle n’évoque littéralement la quête initiatique, le voyage, LE TRIP ! Cependant elle développe une richesse chromatique qui va de la folk contestataire au jazz – la reprise du Cantalope Island de Herbie Hancock – en passant par la pop et le rock. Penchez-vous une minute sur le pont très jazzy de Follow Me Down – qui en prend presque deux – pour vous en convaincre. Malgré une unité de son constante, chaque titre ouvre une brèche, explore une voie, propose un détail, une couleur, un arrangement nouveau, le tout sans perdre ni de sa cohérence ni de son impact. Encore une fois, la patte Sam Charters transpire ici. Exit les orchestrations boursouflées dont l’époque usait un peu trop. La musique est livrée, au cordeau. C’est aussi par la qualité de leur songwriting que les Notes From The Undeground se distinguent de leurs contemporains. Couplets et refrains s’enchaînent avec une redoutable efficacité sans lasser, même quand on touche au blues le plus pur comme sur Mainliner. Que les amateurs de distorsions se rassurent, nos cinq musiciens ne sont pas les sages élèves d’un rock trop studieux, voire même ennuyeux. What Am I Doing Here et Why Did You Put Me On brillent des feux d’une inspiration diamantaire. Mais on sent bien que le groupe s’avère plus à l’aise dans le registre du mid-tempo, voire de la ballade comme le prouve le si magnifiquement nommé Tristesse. C’est qu’à chaque seconde l’interprétation sonne juste, touche au cœur sans jamais s’épancher, réservant même des surprises comme cette trompette et ce clavecin sur le pont, à la rhétorique très pop. Notons au passage les talents de vocaliste de Fred Sokolow, détail qui a d’autant plus d’importance qu’il n’est pas communément partagé, nombre de formations psyché pêchant par la médiocrité de leurs chanteurs. Venons-en à Who Needs Me, le climax du Lp. Démarrant sur un couplet pop, fort ravissant, il se dépêche de migrer vers un rock plus sombre, par moment dilaté comme sous l’effet des psychotropes – voix et guitare déformées – pour exploser en un refrain fédérateur dont les années soixante avaient le secret ! Étonnant de noter qu’une telle composition n’a pas su trouver, au cœur de la labyrinthique production nationale, le chemin du succès. Bref, c’est un chef-d’œuvre dans le chef-d’œuvre. Plus complexe à appréhender, impossible à faire entrer dans une catégorie, la formation de Berkeley aura évité le piège du garage band coincé dans le mitant des sixties, du décalque pop des Beatles pour trouver, dans la diversité de ses amours musicales, la reconnaissance éternelle. Fut-elle tardive.

Notes From The Undeground, same title (Vanguard)

notes-from-pochette.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=a4kwTnSSxZs

 

 

 

 

 

 


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