The Limiñanas, homme et femme de l’ombre ?

par Adehoum Arbane  le 20.02.2018  dans la catégorie A new disque in town

Johnny vient de laisser sa peau au vestiaire du provisoire pour rejoindre l’éternité. Pour les quelques rockeurs restants, c’est cependant un souffle précaire qui les maintient en vie. Et si comme après l’apocalypse, les Limiñanas étaient les derniers ? Des Mad Max des temps nouveaux, guerrière et guerrier. Ouverture et Le premier jour, comme le symbole de cette destruction créatrice. Leur musique sur cet album se déroule telle l’autoroute sans fin d’un rock extatique, avec paroles, mais sans réelle désir de l’inscrire dans les espaces codés du songwriting. D’où cette permanence chez les Limiñanas du chant parlé. Est-ce pour palier une insuffisance ou pour revenir au crédo originel du rock’n’roll ? À vrai dire, là n’est pas la question. D’ailleurs on ne se la pose pas lorsqu’on écoute le premier Stooges, qui n’est pas un disque purement mélodique même si les refrains sont au rendez-vous. Shadow People laisse dans l’ombre une part de la pop pour se focaliser sur l’aspect le plus trippant, le plus minimal d’une musique telle qu’on la pratiquait durant les mid-sixties – les textes en boucle de Dimanche. Au passage, ce n’est pas tant la référence à l’époque qui importe mais bien une philosophie, quelque chose qui navigue entre le rythme à l’état brut et le sens du cool – les riffs, le tambourin auxquels s’ajoutent quelques claviers stellaires. Ces derniers doivent au travail de Anton Newcombe qui compte parmi les nombreux featuring de l’album – Emmanuelle Seigner, Pascal Comelade, Bertrand Belin, Peter Hook – même si ceux-ci ne semblent pas dévier la trajectoire des Limiñanas. Cet apport a dû être envisagé par les leaders comme une porte ouverte sur un autre monde, une nouvelle terre promise discographique qui imprimera sans doute les futurs enregistrements du couple. On les retrouve en intro de Dimanche puis sur The Gift – ultra mélodique –, en contrepoint. Jamais ils ne dénaturent la sauvagerie électrique qui reste la signature des Limiñanas. Ce qui nous permet de revenir à notre propos initial. Quel groupe a sonné ou sonne comme les Limiñanas ? Cette réflexion aussi futile – voire revancharde – soit-elle nous oblige. Elle nous oblige à reconnaître les Limiñanas comme un groupe authentique, rivé à ses fondamentaux, mais suffisamment ouvert pour aller chercher ailleurs des ornements qui complèteront son esthétique. Ok, l’anglais de Marie Limiñana n’est pas parfait, on y perçoit cependant cette petite touche française qui, comme une patine, donne un charme discret à ces chansons. Mais au-delà, car il s’agit bien d’une musique de l’au-delà, au sens géographique et identitaire du terme, Motorizatti Marie ne connaît aucun équivalent en France. Les quelques groupes rock auquel on pense, faisaient parfois du Stones FM, sur un malentendu, voire une musique bastringue fort peu heureuse qui ramenait à une esthétique punk (à chien, là est la nuance). Les Limiñanas, s’ils ne sont pas les Beatles ou Lou Reed, possèdent une élégance, une morgue, une classe automatiquement rattachable à un passé glorieux qui n’a jamais réellement pris racine chez nous. En cela, ils sont les derniers à devenir, entre temps, les premiers. Les meilleurs ? Sans doute. Et puis, il y a leur parcours, fait de concerts improbables dans des rades au siècle du lycée, les EP, LP enregistrés avec les moyens du bord, les sorties fêtées par le presse, la reconnaissance amplement méritée lorsqu’un label se penche sur vous, sur votre "œuvre". Peut-être ne connaîtront-ils pas un destin à la Creedence, façon Stones, façon stades. Un succès plus que d’estime, avec toute l’idolâtrie des fans que le concept sous-tend. Ou pas. Nous nous en foutons parce que nous avons reçu modestement des morceaux comme Trois Bancs tels des offrandes électriques, simples, simplistes ou simplement belles. Tant mieux ? Tant pis ? Les Limiñanas sont repartis sur la route, celle de leur destin. De part et d’autre, plus rien, plus de concurrence, tous ont été atomisés. Ils roulent sur des cylindrées imaginaires comme les deux fantômes de Easy Rider. À l’horizon dissous par le soleil, ils ne sont plus que des silhouettes en plein, des éclairs de canifs. Femme et homme de l’ombre ? Non. Deux êtres de lumière.

The Limiñanas, Shadow People (Because)

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https://www.deezer.com/fr/album/52224912

 

 

 

 

 

 


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