Miranda Lee Richards, variété us

par Adehoum Arbane  le 18.07.2017  dans la catégorie A new disque in town

Récemment sur une plateforme de téléchargement, le nouvel album de Miranda Lee Richards était présenté sous l’étiquette Dream Pop. Maladie des temps modernes qui consiste à mal nommer les choses, et donc à ajouter au malheur du monde. Car Existential Beast – cinquième album et œuvre éminemment charnelle – a si peu à voir avec les galettes abrasives auquel il est abusivement comparé. Seul peut-être On The Outside Of Heaven, avec ses synthés vaporeux, pourrait éventuellement prétendre au titre, mais il n’en est rien de la première à la dernière seconde. Tirant profit de son travail avec nombres de rockeurs de la scène californienne dont Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre, Miranda Lee Richards ne s’est jamais cantonnée à un seul genre. Celle-ci se tourne très tôt vers une musique folk relativement académique mais prenante, regardant parfois vers la pop et la musique FM. Prétendre cela ne se veut en rien insultant. Comme si la compositrice avait voulu brasser tout l’héritage des musiques populaires, anglaises et américaines. C’est pour cela qu’il serait vain de vouloir la classer, tant sa démarche dépasse de loin tous les schémas. Prenez – et c’est inhabituel dans une chronique – la dernière chanson, Another World. Vocalement, on pense à Sandy Denny et la flûte de nous plonger tout de go dans les plus intenses ballades de Fairport Convention. Quant au piqué de guitare, il rappelle le jeu très fluide de Richard Thompson. Miranda Lee Richards décoche là rien moins que son Desolation Row à elle. Ce qui frappe d’emblée à l’écoute de l’album c’est la somme des influences convoquées dans un étourdissant tourbillon mémoriel. Nous l’avons déjà dit, mais l’audace de la musicienne tient bien à cette confrontation des styles qui pourrait parfois dérouter. Elle constitue cependant le charme de Existential Beast. A l’image du saxophone s’insinuant à la toute fin du morceau titre, ramenant dans cette musique planante un peu de celle de Supertramp. Oh Raven suggère en quelques minutes seulement tout l’art ouvragé d’une Kate Bush lorsqu’elle fomente son Never For Ever. Il y a dans Oh Raven un peu de Army Dreamers, le même souci du détail, tout en fragile légèreté. À peine avons-nous quitté ce monde rêveur que l’on plonge dans le rock presque masculin de On The Outside Of Heaven, entre Dire Straits et le Fleetwood Mac de Rumours. Tout cela s’ajoutant au final épique et médiéval de Another World. Cette folle diversité, totalement assumée, contribue sans doute à l’impression de déséquilibre de cette deuxième face là où la première s’enchaîne comme un ruisseau arthurien où semble surgir à tout moment on ne sait quelle épée mythique. Ashes And Seeds démarre dans une langueur country, presque laid back, qui n’est pas sans rappeler le meilleur de la scène du Laurel Canyon des années 70 à laquelle Miranda Lee appartient corps et âme. La suite est un enchaînement parfait qui ne manque pas de ménager quelques moments de surprise comme The Wildwood, guitare échevelée, synthé stellaire et voix céleste. Lucid I Would Dream, étrange beauté dont le titre, hautement absurde, renforce encore le pouvoir. Golden Gate s’impose comme le sommet de cette première partie. Troublante impression d’associer à cette musique brumeuse les images auxquelles elle fait immanquablement référence. C’est bel et bien le Golden Gate qui s’esquisse alors sous nos yeux. Cette face se termine dans l’éther fantasmatique de Back To The Source, sorte de ballade de sorcières de Salem invitant au mystère. Il serait cependant sot d’occulter, au détriment d’une production limpide et d’une instrumentation variée – notamment les vigoureuses parties de guitare électrique sur Golden Gate –, la qualité d’écriture, la profondeur des harmonies de Miranda Lee Richards. Quand on connaît son parcours, le giron dans lequel elle a grandi artistiquement, on se plait à songer à quel point Existential Beast tient le haut du pavé de la production américaine. C’est sans doute son œuvre la plus aboutie, la plus poussée – et la plus politique ! –, hors des conventions habituelles. Elle y prend des risques inconsidérés, et cela paye ! Enfin parce que le diable de la créativité est dans le détail, Miranda Lee Richards a choisi une image incroyable, magnétique pour illustrer sa musique. Parachevant sa création pour l’envoyer dès lors au firmament de la pop. Le lion est mort ce soir ? Non, son cœur bat avec intensité.

Miranda Lee Richards, Existential Beast (Invisible Hands Music Limited)

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https://mirandaleerichards.bandcamp.com

 

 

 

 

 


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