The Hollies, Romany conté

par Adehoum Arbane  le 21.02.2017  dans la catégorie C'était mieux avant

Se fier à son instinct. Puis écouter les conseils avisés d’une tierce personne surtout quand ils sont frappés du coin du bon sens. La pochette, étrangement belle, magnétise d’emblée. Sa poésie surannée fait son œuvre. Surtout en ces temps où le présent contrarié, dans l’attente d’un futur toujours plus grand, voudrait estomper, voire effacer le passé. Celui-ci resurgit de notre mémoire cotonneuse, le temps et l’espace d’un disque où la mélancolie n’a rien de honteuse. Au contraire. Quant aux conseils pétris de cette bonne vieille sagesse des anciens, ceux qui savent, il faut d’en mesurer la portée, résumée à travers ces quelques mots : « Dans un album des Hollies il y a toujours une chanson sublime. » Bonne pioche, on en dénombre au moins deux. N’écoutez pas les grincheux, et surtout pas Robert Christgau qui – non sans talent – écrivait à propos de Romany : « You had your doubts about the Hollies without Graham Nash, right ? How about without Graham Nash and Allan Clarke ? C- ». Certes, avec la perte de deux de leurs trois principaux songwriters les nouveaux Hollies furent obligés de puiser ailleurs qu’en leur sein afin de pallier ces dernières défections. Colin-Horton Jennings, membre de The Greatest Show On Earth, s’impose comme le principal pourvoyeur de ce nouveau matériel que les Hollies se chargent de restaurer. Qu’il s’agisse de la reprise du mini hit single Magic Woman Touch ou de chansons offertes à l’image de Words Don’t Come Easy, Delaware Taggett And The Autlaw Boys et Romany, l’apport s’avère fondamental qui transforme l’album en œuvre à part entière. Pour le reste, y compris dans leur choix de reprises, les Hollies font preuve d’un goût sûr comme en témoignent Down River de David Ackles, extrait de son premier album, ou le très beau Jesus Was A Crossmaker de la folkeuse Judee Sill. Si les contributions du groupe se révèlent bien maigres (Touch dû au nouveau chanteur suédois Mikael Rickfors et Blue In The Morning co-signé par Tony Hicks), la magie opère sur un terrain autre : celui de l’interprétation. Il faut dire avant tout que les musiciens se distinguent par leur capacité à bâtir des architectures vocales remarquables. Ces derniers ont trouvé de plus dans les studios d’Abbey Road la magie, le mojo indispensable pour transcender des chansons simplement belles, les retourner pour en faire des classiques en puissance. Profitons de l’occasion qui nous est donnée pour citer Alan Parsons dont la science de la prise de son confère aux chansons des Hollies une forme de majesté irréelle, une puissance insoupçonnée. Celui qui, par son savoir-faire, a fait de chefs-d’œuvre tels que Dark Sides Of The Moon ou Band On The Run des références absolues en matière d’audiophilie, méritait cette minute de gloire. Tous ces éléments associés expliquent en partie le charme que dégage le douzième effort des Hollies. En partie car les chansons devraient à elles seules remporter tous les suffrages. Il convient de s’abandonner à leurs mélodies pleines de joliesses, de déposer ses aprioris au bord de la route avant d’entamer le long chemin du bohémien, celui-ci en vérité ne dure que quarante-six petites minutes. Cela commence bien, et par quelques morceaux fort engageants – Won't We Feel Good That Morning qu’on pourrait aisément qualifier de "feel good song" – et se referme de la même manière par les californiens Blue In The Morning et Courage Of Your Convictions. Ainsi, il aura suffi que Nash s’en aille pour que les Hollies, même avec un nouveau chanteur scandinave, se muent en CSN&Y, en Manassas anglais (Delaware Taggett And The Autlaw Boys). Si Slow Down apporte la caution rock de rigueur en ce début de seventies, c’est disons-le sur les mid-tempos et les ballades que nos musiciens se sentent le plus à l’aise, voire le plus inspirés. Longues et éthérées, celles-ci font indéniablement preuve d’un pouvoir d’attraction qui arrache l’ensemble du Lp à l’indifférence générale de la production pop de l’époque. Ainsi, Touch autant que Romany sont de pures merveilles, limpides et charmeuses, auréolées de grâce et ce sans déborder d’idées ou d’effets. Le son plein, ample que Parsons a créé ajoute à la magie première. Jamais deux chansons n’ont tant exprimé l’esprit de la pochette pour laquelle le cœur ne peut qu’abdiquer. Certes antique, cette dernière possède sa propre mystique. C’est une invitation visuelle à la médiation, sur la nature et le temps qui passent, sur les choses simples de la vie. L’hiver y est présenté à l’inverse de la réalité, telle une saison doucereuse que l’on attendrait avec une certaine impatience. Ces arbres nus, ce lac silencieux, ces animaux facétieux semblent poindre dans chaque note de Touch. Impression semblable avec le morceau titre, à la beauté confondante. Les chœurs magnifiques, l’orgue discret, les quelques motifs de guitare sèche sont les ingrédients de cette mystique. L’unité retrouvée d’un groupe balloté par les vents contraires de la carrière, pareil à un personnage d’Emily Brontë. Bien sûr, l’album ne s’arrête pas à deux chansons. L’ensemble de la face a s’enchaîne à la perfection, tout y sonne juste, beau mais on retiendra les percussions superbement mixées sur Words Don't Come Easy, la guitare imitant le sitar sur Magic Woman Touch qui dépasse de loin son modèle ou ses entrelacs jazzy sur Blue In The Morning, sans oublier la voix de Rickfors faisant honneur à Down River par sa gravité. En anglais Holly signifie houx, mais chose étrange, Romany se distingue par son aspect duveteux, soyeux. Réconfortant pour le pèlerin en marche, inexorablement.  

The Hollies, Romany (Polydor)

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https://www.youtube.com/watch?v=a388YF2iRmE

 

 

 

 

 


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