Pépite, têtes chercheuses

par Adehoum Arbane  le 01.11.2016  dans la catégorie A new disque in town

On ne les connaît que trop bien ces accroches faussement prometteuses qui lardent les affiches de cinéma. « Un chef-d’œuvre », « Magnifique », « Émouvant », « MAGISTRAL », « Une pépite ». Les promesses n’engagent que ceux qui les croient, dit-on. Lorsque l’on découvre la musique de Pépite, on craint le pire, on s’attend à une déception à la hauteur de la proposition. Imaginez donc ! La pépite, ce bout d’or gros comme un caillou que des pionniers cherchaient inlassablement. Les siècles ont passé, mais les gestes eux se sont transmis. Aujourd’hui, ce pionnier des temps nouveaux existe, il se prénomme Antoine Bigot, fondateur du label Microqlima. Il fallait faire ce petit détour, et saluer le minutieux travail d’orfèvre, parfois ingrat – comme gérer l’intendance –, toujours passionnant mené par cet homme de conviction qui regarde au-delà de la musique pop, et pense déjà à l’avenir du concept de « label ». Sans bien évidemment sacrifier ce qui fait l’axe, la force de son sacerdoce, soit dénicher dans la forêt des groupes, les artistes les plus singuliers. Encore plus lorsque ces derniers choisissent de s’exprimer en français. Mais revenons à Pépite, le groupe, mais aussi à ce trésor encore dépoli qui vaut tous les efforts. C’est sans doute l’impression que l’on ressent à l’écoute, calme et sereine, de leurs premières chansons, jugement d’autant plus sincère qu’il s’avère délicat à l’échelle relativement réduite du EP. Le trésor de Pépite ce n’est pas seulement ce visuel flatteur et solaire, sobrement dessiné dans ces quelques traits de peintures. Ce ne sont pas plus les quatre titres aux noms évocateurs, et leur promesse –tenue – d’évasion à bon compte. Leur trésor est bien évidemment musical, et pop de surcroit. Le charme délétère de la musique de Pépite tient à deux aspects très identifiables. Premièrement la voix de Thomas Darmon, qui signe également les textes. Vaguement maniérée, portant parfois dans les aigues mais toujours ample, celle-ci guide les paroles volontairement directes. Et se veut le moteur principal des émotions. Bien que sobres, les textes explorent des territoires moins lisses, moins vierges qu’il n’y paraît. C’est une véritable géographie des sentiments qui se déploie en quelques lignes, en quelques mots. L’amour, ce sujet qu’une éternité n’arriverait même pas à épuiser, c’est au fond le cœur de l’inspiration de Pépite, celui qui bat derrière l’illusion d’un voyage que les titres, la pochette laissent entendre. Deuxième aspect, et il a son importance, les mélodies. Nous les devons au deuxième hémisphère du cerveau de Pépite, Edy Perrin qui assure la composition ainsi que l’ensemble des arrangements. Bien que simples en apparence, franches et immédiates, les mélodies ne peuvent se départir d’une certaine mélancolie, d’une profondeur synthétique qui ne cède pas pour autant à une certaine facilité, la tentation de la mode dira-t-on. Car les trames synthétiques sont capables de s’évader, d’exploser en horizons coloriels. Aériennes, elles flottent sans cesse, ballotées par les alizés. Et c’est bien là l’exploit. Arriver à produire une musique entièrement dominée par les claviers sans que cette dernière ne sombre dans une froideur de marbre. Cet alliage surprenant entre voix et nappes permet à Pépite, si l’on ose dire, de s’extraire et de planer un peu plus haut. De cet ensemble se détachent tout particulièrement deux titres, Les Bateaux et Hiéroglyphes. L’un, alpha de la musique tempérée, baignée de lumières. L’autre, oméga de la tristesse latente, cependant traversée d’orages doucement électriques (la guitare aqueuse en arrière plan). Bien évidemment, cette musique originale frustre dès lors qu’elle cesse, c’est la logique implacable des EP, CD Singles, et autres formats en déséquilibre. On a bien sûr envie de savoir ce que donneront ces deux-là sur un album au long cours. La confiance renouvelée permet d’ores et déjà d’envisager ce futur projet, soit un dix titres, l’esprit serein. Là ce ne sont plus des pépites mais des diamants, éternels, qui couleront à flot.

Pépite, les Bateaux EP (Microqlima)

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https://www.youtube.com/watch?v=JP3oYwBubdQ

Photo : Baptiste Perrin. 

 

 

 

 

 

 


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