Alister, souvenir, souvenir

par Adehoum Arbane  le 22.11.2016  dans la catégorie A new disque in town

Dernier volet d’une trilogie qui ne dit pas son nom et dont il représente la synthèse, Mouvement Perpétuel annonce donc la fin d’un cycle. Il clôt une époque qui semble résonner avec une promesse épanchée sous la plume alerte d’Alister : No Future mais No Stalgie. Et pourtant, alors que le rockeur laisse partir son petit dernier, on ne peut s’empêcher d’y voir un signe de tristesse, une forme de mélancolie codée que l’on retrouve, en filigrane, à travers les douze chansons de l’album. Même si le titre de ce numéro trois renvoie au recommencement, même si le premier single – Avant/Après – suggère un avenir possible, certain, il se dégage du reste une trouble sensation comme si Alister regardait derrière son épaule. C’est toujours quand on arrive au bout du chemin que le pas se fait plus lent, quand on est proche de l’ultime chapitre que l’on suspend son geste. D’où une impression qui donne à voir un auteur-compositeur-interprète moins cynique que ne le laisseraient paraître les paroles acerbes de Fils de. Alister se montre ici sous un jour nouveau, il a jeté sa dépouille de rockeur venimeux pour raconter des histoires touchantes (Elisabeth), tirées de son enfance comme le laisserait deviner le très joli Mercurochrome : « Tu te souviens du p’tit Rachid/Que tu défendais avec ton pote, le beau David ». Rien à voir avec une vision du passée empesée, un sentiment ronchon, mais plutôt quelque chose qui revit en nous ; on appellerait cela des instantanées de vie. Idem pour Granny Smith dont le « Moi qui ai tout essayé » sonne presque comme un avertissement. C’est lorsque l’on a bien – ou tout - vécu que l’on envisage chaque jour comme le dernier. Détail étonnant, au contraire de ses précédentes productions, on trouve ici moins de figures distanciées, mais des personnages sans doute arrachés au réel, prenez Elisabeth par exemple. Quoiqu’apparaissant sans visage, sans nom de famille, celle-ci existe, respire dans un quotidien dont nous ne savons rien mais qui paraît palpable, donc plausible. Seuls Cathédrale et Honi soit qui mal y pense, dans leur beauté froide, échappent à ces considérations. Ils incarnent les penchants stylistiques d’Alister, ses obsessions pour une perfection pop, ce dont nous lui sommes gré pour avoir déjà œuvré dans cette catégorie. La Femme Parfaite (Tout Le Monde Dit Que C'est Elle), Tu Peux Dormir Ici, Room Service pour ne citer qu’eux. Ces classiques là savaient conjuguer rigueur formelle et immédiateté, se plier aux règles des ondes sans rien sacrifier de leurs qualités. Là où Cathédrale atteint des sommets de raffinement et d’abstraction tout en conservant une solennité de chaque seconde. Il s’agit sans doute du titre le plus éloigné de l’esthétique globale, mais aussi de cette marque de sincérité qui caractérise le reste de la tracklist. Revenons au sentimentalisme de l’album, de cet avant qui ouvre toujours un après, il trouve une expression particulièrement émouvante dans la douce mélodie jouée au piano qui nimbe Les filles entre elles, alors que les paroles, dans leur aspect symétrique, énumératif – pas si loin de Qu'Est-Ce Qu'On Va Faire De Toi – sont autant de rappels à ces images de cour de récréation où les filles, entre elles, se tenaient la main avant de s’envoyer, une fois revenues en classe, de sacrées vacheries. Ces filles, nous les avons toutes retrouvées en soirées, rallyes, à la fac, en entreprise, aux mariages des autres, leur cruauté animale et voluptueuse nous a toujours fascinée, comme Alister aujourd’hui qui en a fait une chanson de fin de face. Si l’on tire une verticale à grandeur égale, on tombe sur Philoscaline. Même sens du tragique venant clore l’album. L’homme est comme ça qui finit toujours un disque par une chanson gentiment acide, tristement belle - 7 heures du matin et La fonte des glaces, parfaitement enchainés en live. Alister s’y dévoile comme ces pianistes de bar. Lorsqu’une bagarre commence, ces derniers parviennent toujours à éviter les bouteilles, continuant de jouer inlassablement pour repartir ensuite avec les femmes que leurs hommes, boxés par les alcools, ont laissé à l’abandon. Mais c’est sans doute La fin du monde qui, derrière son apparente gaudriole, témoigne le mieux de cette difficulté à couper le cordon de l’œuvre, à la laisser filer pour se consacrer à quelque projet nouveau. La fin du monde rime ici avec la fin tout court, et Alister devra se réinventer pour survivre artistiquement, pour irradier une fois de plus. Si Mouvement perpétuel donne l’impression d’un heureux souvenir duquel on aurait du mal à se détacher, il faut bien se dire que le meilleur reste, lui, à venir. 

Alister, Mouvement perpétuel (BMG)

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http://www.deezer.com/album/14483302

 

 

 

 

 

 

 


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