La Femme, fatal ?

par Adehoum Arbane  le 27.09.2016  dans la catégorie A new disque in town

« Je veux apaiser, rassembler, réformer. » Mais putain, ta gueule Alain ! Je t’aime bien mais là nous parlons de choses sérieuses, plus précisément du nouvel album – le deuxième – de La Femme. Malgré des qualités indéniables, La Femme reste l’exemple typique du groupe enfermé dans le phénomène qu’il suscite. On ne peut pas dire que l’on n’aime pas la Femme, la chose est interdite, comme en d’autres temps personne n’osait assumer son amour pour Queen en place publique. C’est le retour de la Morale, forcément contre les haters, les rageux, entrainant avec elle son cortège incessant, obsessionnel de phobies. Termes peu amènes que l’on jette au visage de celles et ceux qui veulent tout simplement débattre. Constat dommageable, pas tant pour la haine qui ne se justifie pas à l’écoute de Mystère, mais bien pour l’objectivité même. Objectivité qui force à avouer combien cet album comme son prédécesseur – il n’y a plus l’effet nouveauté – laisse la dérangeante impression de patiner quelque peu. Cela tient à deux aspects, deux réalités qu’il convient d’affronter froidement. Un, la panne d’écriture, d’incarnation dans le texte. On sait à quel point il est peu aisé de composer et de chanter en français. Les mots doivent avoir un sens, et les chansons aussi. Ce qui fait cruellement défaut dans la musique de La Femme. Deux, le collectif a cédé, une fois n’est pas coutume, aux tentations de l’album à rallonge. À l’heure de la dématérialisation, des plateformes d’écoutes, l’idée d’album semble révolue, encore plus celle de double album que l’on pouvait rattacher à d’autres genres, le concept album, l’opéra rock, le duo Studio/Live. Disons-le, tout comme Psycho Tropical Berlin, Mystère s’avère trop long, trop dense, trop fourre-tout en somme, pas assez ramassé, simplifié et passe pour être indigeste. Faut-il le répéter, un album c’est dix à douze chansons, point. Au-delà, le propos se dilue, et l’on tombe dans le remplissage. Cependant, point de procès de Moscou. Groupe français, estampillé underground, La Femme a le mérite de proposer un son. En France c’est beaucoup, c’est même énorme. Au pays du conformisme des grandes majors, des artistes de variété qui peuplent les plateaux télé, être cool, proposer un son séduisant, rock en diable, vrillant vers d’autres dimensions encore inconnues pour la majorité des français branchés sur la FM, reste une gageure. Le groupe est parvenu à tordre cette réalité. Il n’est pas le seul, d’autres avant ont ouvert cette brèche d’une chanson habillée en français, certes, mais ornementée des ors de la pop anglo-saxonne, donc profondément élégante. Le vide est ton nouveau prénom, prétend le deuxième titre. Exact, La Femme évolue dans un vide qu’il a transformé en espace sonore, riche en tessitures, même si de nombreuses imperfections –techniques et vocales – demeurent. Nos jeunes musiciens entrechoquent ainsi les guitares acides de la surf musique avec l’innocence des années yé-yé, et chamboulent encore le tout en y ajoutant ce qu’il faut de psychédélisme, de krautrock et même d’électronique technoïde. Explose alors une musique multidimensionnelle, imparfaite mais jamais sage, parfois irritante – Mycose ? – mais qui cependant remue, trouve d’autres chemins, vacille et se perd. Ce que la Femme a réalisé est inversement ce qui plombe trop souvent la production française : une musique trop maîtrisée, qui ne lâche jamais prise, une chanson sous contrôle, cochant les cases d’un cahier des charges imaginaire et pourtant bien réel. Formatage. Mais La Femme a choisi son camp qui retourne ses faiblesses – son immaturité, sa futilité des mots, son esprit brouillon – pour en faire une force. Quelque chose de différent, une bizarrerie du moment et qui fait malgré tout du bien. Du coup, de l’envoutement distillé ça et là on retiendra Al Warda, Où va le monde, Le vide est ton nouveau prénom, et bien sûr Sphynx qui ouvre le disque. On restera aussi fasciné par cette pochette entre Courbet et le Felona e Sorona de Le Orme. Sans inscription, sans mention, sans vignette, un visuel hypnotique, provocant, muqueux, vulvaire. La Femme sans mystère. La Femme définitivement fatale.

La Femme, Mystère (Barclays)

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https://www.youtube.com/watch?v=TsxFbSXHJ8c

 

 

 

 

 


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