Daisy Lambert, the great geek in the sky

par Adehoum Arbane  le 17.05.2016  dans la catégorie A new disque in town

Ground Control To Major Tom ? Rien, aucune réponse et pour cause, son créateur est mort. Disparu, aspiré. Rassurons-nous, d’autres se sont levés, déjà prêts, avec dans leurs mains fécondes la matière nouvelle de la pop du futur. Daisy Lambert ne nous avait pas réellement quitté, il nous revient aujourd’hui avec l’amorce stellaire d’un deuxième album qui s’annonce grandiose. Ce clair-obscur galactique, cet autre versant de la lune s’appelle Les Cœurs Célestes. Ode à l’amour prétend la formule. Il est vrai même si cette évidente définition, pour simpliste qu’elle soit, semble lui aller comme un gant. Car l’homme qui avait signé ce chef-d’œuvre d’amitié au masculin, Ce soir J'te Sors, a sans doute trouvé son Space Oddity à lui – mais débarrassé du sous-titre psychédélique, la drogue et tout le reste –, un hymne déchirant, un message que l’Humanité pourrait aisément envoyer dans les confins abyssaux de l’univers pour montrer que nous, terriens, ne sommes pas ce résumé tragique d’événements au goût de fer et de sang, mais bien une espèce pénétrée par l’amour universel. Le génie de cette chanson réside dans l’éblouissant contraste entre mélodie/arrangements cosmiques et le texte d’une profonde et sincère beauté, dans ce qu’il a de plus immédiat, humain donc. Daisy Lambert a choisi les accents de la symphonie moderne pour aborder un sujet vieux comme son monde, mais en même temps éternel, et surtout le sentiment le plus communément partagé. Les Cœurs Célestes pour dire à quel point l’amour physique et spirituel reste ce qu’il y a de plus naïf, de plus pur, donc un trésor à préserver. La musique, elle, est un bain dans lequel les esprits amoureux se lovent, se noient, se régénèrent et se fortifient. Si l’on devait associer à cette apesanteur harmonique une image, on songerait à la toute fin de 2001, l’odyssée de l’espace. Au-delà du gimmick, du clin d’œil à cet imaginaire de la science-fiction qui intrigua bien des compositeurs avant lui – Pink Floyd, Bowie, Jarre –, c’est précisément ce moment clé où l’astronaute, propulsé dans un continuum d’impressions, se fond dans l’immense toile de l’espace, se voit vieillir et, une fois parvenu au seuil de la mort, se réincarne alors en la vie, ce fœtus qui est une planète à lui tout seul ! « Les instants fugaces ne sont qu’éternité » soupire-t-il pourtant dans un effet miroir troublant, avant de laisser glisser sa chanson dans le même couloir temporel. Dans un fracas conceptuel. D’une immense densité qui lui vaut aujourd’hui de prétendre au même rang que ces chansons emblèmes, Space Oddity (ok), mais aussi Night In White Satin et The Great Gig in the Sky hier, Let It Happen aujourd’hui, de se muer au fil des écoutes en immense grand huit des émotions, en chamboule-tout sidéral. Et tout cela – là se situe le talent de l’homme – en associant instruments acoustiques et grands ensembles synthétiques. Car pour évoquer l’amour il faut de la chair, mais pour l’envoyer dans les airs – les radios, l’éternité – il fallait aussi convoquer ces machineries opératiques que l’on triture à souhait, que l’on démultiplie à l’infini. On le sait, c’est l’obsession de notre compositeur : transfigurer ce qu’il écrit au moyen du studio, cabine de pilotage de tous les rêves musicaux. Parce qu’on y trouve tout et surtout plus. Parce que l’audace y imprègne chaque recoin. C’est dans ce lieu magique, c’est-à-dire capable de créer la magie, que les plus grands chefs-d’œuvre ont été conçus, qu’ils ont pris corps astral. On ne fera pas l’offense d’aller plus loin dans l’étalage référentiel, mais c’est bien ici que le destin a parfois donné un petit coup de pouce, la chiquenaude qui envoya plus d’un single en gestation dans les sphères de la reconnaissance. À date, c’est tout ce que l’on souhaite à l’ambitieux Daisy Lambert. Pour le saluer ? Mieux pour le remercier. Pour ce qu’il vient de nous prodiguer, mais aussi pour la suite. Qui s’annonce passionnante, tumultueuse, aventureuse. Sachons enfin reconnaître Les Cœurs Célestes, pas tant comme une contribution au temps présent, mais bien comme l’antidote aux sombres moments que nous traversons. Quand les temps sont durs, on a besoin de jouir sans entraves. Et avec le Daisy ardent.

Daisy Lambert, Les Cœurs Célestes Ep (Archipel)

2016-Les Cœurs Célestes E.P..jpg

http://www.deezer.com/album/12828758

https://www.youtube.com/watch?v=DvdK3N5xQ8I

© Thibault Maurel de Maillé

 

 

 

 

 


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