À deux c’est mieux

par Adehoum Arbane  le 04.01.2016  dans la catégorie A new disque in town

Le top. Anglicisme désignant dans le langage montagnard le sommet, le faîte mais qui, pour le commun des mortels, signifie également le meilleur du meilleur, ce qui est au-dessus de tout. En prenant cette définition à la lettre et en l’appliquant à la production musicale de l’année qui vient de s’écouler, soit 2015, on affirmera non sans fierté que le top 10 des albums pop internationaux réunit Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents, Tame Impala avec Currents. De même, nouveau patriotisme oblige, le top 10 des albums pop français rassemble pour leur plus grand bonheur Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique, Aline avec La vie électrique. Pourquoi tant d’ironie ? Pas tant parce que ce fut une année molle, de transition, traversée par l’horreur mais aussi et surtout parce que ces deux albums-là surclassent tous les autres. Inutile de nous apesanteur sur leurs qualités qui furent ici longuement évoquées, passées en revue, détaillées, fouillées. Tame Impala et Aline, c’est l’éclat retrouvé de ces œuvres qui transcendent tout, qui vous accompagnent longtemps et partout, déjouant les pièges de la mode, c’est bien évidemment la consécration du talent, du travail et de la personnalité qui font parfois tant défaut de nos jours. Derrière ces deux arbres, fiers et solides, se hissant en parallèles, se cache non pas une forêt mais une futaie, quelques albums, anglais et français entremêlés, qui malgré les événements ont réussi à glisser de la lumière, à faire germer la grâce, la fantaisie, l’audace parfois et la constance dans un rock si vieux qu’il n’a pas encore décidé de mourir, et dont les râles ont encore de beaux restes. Car si rien n’est à inventer – encore que – l’émotion elle reste le dénominateur commun de cette sélection dont l’entame bougonne ne doit pas en occulter le charme, l’honnêteté. Chacun des disques qui vont suivre possède son histoire, pas celle de son créateur, mais celle que j’ai entretenu avec lui. C’est ce récit particulier qui parfois vaut à tel disque de rester ou de revenir dans ce panthéon intime. Israel Nash mérite donc cette deuxième place, Silver Season est tout bonnement le disque qui s’est le plus vite imposé, qui a demeuré au-delà des jours et dont la splendeur ne s’est jamais altérée. Courtney Barnett, voilà quelqu’un que j’avais un peu trop précipitamment remisé et qui est revenu en fin d’année à mes oreilles, et avec quel disque, quelles chansons, du rock brut mais jamais brutal, un feeling incroyable et un talent à faire pâlir plus d’un. Cette musicienne a réalisé l’un des tous meilleurs albums de l’année, voire au-delà, et nous ne pouvons que l’en remercier. Kurt Vile, ensuite. Je n’avais pas accroché à son précédent opus. Trop long, trop dense, impénétrable. Son B'lieve I'm Goin Down a été, pour ma part, la surprise de cette année, dans la lignée de Courtney Barnett. Son inspiration pur jus s’avère confondante, directe et belle, oui, belle. Les prochains sur la liste auraient de quoi étonner, FFS, soit Franz Ferdinand et Sparks. Des jeunes déjà un peu vieux et des vieux encore fringants. Ce résumé un tantinet falot convient bien à leur album qui renoue avec la pop d’antan, fondue dans le rock élastique, tendu comme une trique, des Ferdinand. Il y a chez ces deux groupes et dans cette nouvelle entité une science de l’efficacité allongée d’un zeste d’excentricité, celles des frères Mael. Et qui trouve son climax sur Collaborations Don't Work, et son refrain ironique « I’m gonna dot it all by myself ». La décoction prend, et hop, un classique de plus ! Tobias Jesso Jr est un cas de conscience. Le singer-songwriter le plus phagocyté par la hype. Jamais chroniqué ici. Bien que ce dernier fasse preuve d’un réel savoir-faire. On ne peut parler de retour car Tobias Jesso Jr n’était jamais entré en ces lieux, les miens, et quelle erreur d’une certaine manière ! Malgré sa linéarité, son petit côté « bon élève », Goon a quand même, et disons-le, cette facilité à aligner quelques mélodies, certes un peu entendues, mais dont la clarté prennent le dessus sur l’apriori. Talent à suivre, comme on a coutume de le dire. Passons aux français, ils n’ont pas démérité. H-Burns a mis du temps à faire éclore ses compositions, à me les offrir, mais une fois la chose faite, que de plaisir et de respect pour ce routard compétent devenu, entre-temps, musicien ambitieux. Concernant Les Innocents, l’anecdote remonte à la prime jeunesse, les 90s qui avaient vu naître et exploser ce groupe, injustement jugé depuis. Mandarine, c’est un peu la madeleine d’un Proust qui aurait posé ses valises au bord de la Tamise ou, non loin de Campbeltowm, voire de Mull Of Kintyre. Sans rien trahir de leur identité. Pari gagné pour le duo JP Nataf-JC Urbain. Nous arrivons à la fin, déjà ! Mais ne nous quittons pas comme cela, sur une sélection figée dans l’entre soi, et élargissons celle-ci au jazz. D’abord avec Magma qui cultiva toujours sur ce terreau des influences plus vastes, incorporant la force du rock à la magie des chants surgis de l’Europe la plus lointaine. Sur Slag Tanz, mini album composé autour d’un thème antique, Magma continue de briller comme une étoile noire dans un ciel qu’il remplit de sa musique sans se soucier des frontières, des jugements, des critiques. Il s’agit du plus ancien groupe « pop » encore en activité et dont la ténacité ne relève pas du plan de carrière ou de la peur, compréhensible, de quitter la scène. Christian Vander ne nous avait-il pas prévenus : « J’ai écrit sur de nombreux d’albums "à vie, à mort et après". Je crois que c’est un travail infini. Ce qu’il faut souhaiter, c’est la santé et l’inspiration. Tant qu’il y a l’inspiration, il n’y a pas de raison que cela s’arrête. » Enfin, citons Kamasi Washington. Découvert sur le tard (et sur Pitchfork !!!!!), son triple album, The Epic, porte si bien son nom qu’il invite à un voyage à travers l’histoire du jazz, jetant des passerelles entre les 60s et les années 2000 avec une puissance tellurique, une liberté propre à ce genre que les rides des années passées n’arrivent pas à atteindre. Ce musicien qui a travaillé avec la crème du hip-hop montre à quel point harmonie et musicalité ne sont pas des critères négociables, comme le font trop souvent les rappeurs contemporains. Il y a dans ce disque abyssal du Trane mais aussi du Charles Mingus, également un soupçon de Marvin Gaye période What’s Goin On et du Herbie Hancock circa Warner. Il y aussi de la modernité, point barre. Entendre son Malcolm's Theme. Voilà mon sentiment à propos de cette année 2015 difficile à de nombreux égards, chaotique d’un point de vue musical mais qui est arrivée, comme toujours, à tirer son épingle du jeu.

Top Ten 2015

Tame Impala, Currents/ Aline, La vie électrique

Israel Nash, Silver Season

Courtney Barnett, Sometimes I Sit And Think, And Sometimes I Just Sit

Kurt Vile, B'lieve I'm Goin Down...

FFS, FFS

Tobias Jesso Jr., Goon

H-Burns, Night Moves

Les Innocents, Mandarine

Magma, Slag Tanz

Kamasi Washington, The Epic 

 

 

 

 

 


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