Charles-Baptiste, du cul, du cul, du culot

par Adehoum Arbane  le 12.10.2015  dans la catégorie A new disque in town

Briser les interdits. Faire voler les tabous en éclats. À l’heure de Youteube et Jacqueline & Michou, ces mots ont perdu de leur sens profond. Charles-Baptiste, chanteur de variété assumé, a semble-t-il réussi à dépasser malgré cela les bornes de la bienséance avec son dernier clip, étendard bien tendu de son nouvel Ep intitulé La symphonie pornographique. Le célèbre site de vidéos en streaming n’a guère apprécié les images exhibées-cachées mais ô combien subliminales de Porno, son premier extrait, au point de le censurer un temps. Certes ultra référencées, celles-ci font surgir de nos mémoires cryptées les titres de métrages devenus aujourd’hui mythiques, Les Adorable Lola, Entrechatte, Partie de chasse en Sologne, Bourgeoise et pute et autre Gynéco de la place Pigalle, avec leurs castings restés dans les annales, citons dans le désordre Marilyn Jess, Brigitte Lahaie, Karine Gambier mais aussi les mâles Alban Ceray, Jean-Pierre Armand et Richard Allan. Mais ne nous égarons pas dans je ne sais quelle rêverie classée x, restons sur la symphonie. Au-delà du sujet de l’addiction – "Je vois du porno partout" – que ce genre artisanal devenu industrie a généré, le béarnais, et pas de la dernière pluie, mêle à ses thèmes fétichistes – l’amour & la tromperie, la passion & la désillusion – des pensées troubles que l’élégance du discours vient à peine déflorer. L’extrême musicalité, le don évident de la mélodie dont le jeune homme est coutumier donnent à ces vignettes sulfureuses une grandeur incroyable. En quatre mouvements d’airain, en un doucereux va-et-vient, on passe d’un état d’âme à l’autre et il ne faut pas plus de soixante neuf minutes, mais onze pour vibrer, se retenir, prendre du plaisir et jouir sans entrave. Mais dans sa volonté de choquer, le plus fou, le plus beau est que Charles-Baptiste reste Charles-Baptiste. Il ne se trahit jamais sur l’hôtel de la provoc, ne baisse jamais son froc et ose même des enluminures synthétiques – construites avec le génial Sourya – pour donner à sa Symphonie des accents grandioses. En styliste cultivé, il adapte à son Ep – concept pop moderne par excellence – les conventions du Classique et, plus directement de l’Opéra. Porno sera donc en toute logique son thème d’ouverture, si j’ose m’exprimer ainsi. Avec son introduction – hum – langoureuse, ses formules lapidaires et son refrain à la simplicité biblique – version purgatoire –, le ton est posé. On en oublierait presque les harmonies Sansoniennes. En deuxième position, oh oui, Massage Rooms est l’occasion de dresser le décor, théâtre de l’empire des sens. On y voit des costumes qui aussitôt tombent, des divas sur divan, des sopranos du porno, des canons sans Pachelbel et on aime ça. Hors Champ Face Caméra, c’est un peu l’acte III, le point de vue différent, l’effet miroir où les intrigues, comme les corps, se renversent. On y retrouve aussi les obsessions textuelles de Charles-Baptiste. Enfin, Éros Retrouvé se pose en grand final, où l’amour finit toujours par triompher. C’est aussi, symphonie oblige, l’instrumental de cet album en soi, que l’on rouvre une fois qu’il est achevé comme une étreinte éternellement recommencée. Mais la vraie vérité de l’oratorio, seins clairs, est ailleurs. Dans cette sentence bien sentie et qui prétend que le fond doit toujours surpasser les formes. Qu’il s’agisse de cul, le culot ne doit pas masquer le propos. Et cela, Charles-Baptiste l’a bien compris. C’est d’ailleurs l’axe de son Œuvre et pas seulement cette Symphonie pornographique, je veux parler des Sentiments inavouables sans même évoquer les nombreux albums qui suivront. Si l’émotion et la justesse valent bien une fesse, elles doivent rester le sextant d’une Création où le sexe tend à mener droit au cœur. L’auteur ne s’est-il pas symboliquement épris d’une masseuse de site porno, ne se soucie-t-il pas, à rebours de l’Occident repu, du destin tragique de ces beautés de l’Est, totems diaphanes d’une Europe qui se perd à force de trop s’oublier dans les mirages HD ? Si Charles-Baptiste se montre ici en pornographe du phonographe, il demeure bel et bien cet aiguillon de la chanson.

Charles-Baptiste, La symphonie pornographique (Robert Records/Believe)

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https://www.youtube.com/watch?v=KSvdVulnwdk

https://itunes.apple.com/fr/album/id1034357310

 

 

 

 

 


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