Aline et son alinéa

par Adehoum Arbane  le 25.08.2015  dans la catégorie A new disque in town

Aline, ce prénom de jeune fille fragile, est aussi le patronyme d’un groupe qui avec Regarde le ciel a fait du single le crédo de sa première proposition créative. Enchaînant les mélodies fraîches, tendres et fringantes, des chansons – des vraies – aussi intenses que directes. La vie électrique, son deuxième album, franchit un cap. On n’en avait presque oublié que derrière Aline il y avait cinq musiciens, cinq adultes, ayant rassemblé, digéré, transformé leurs histoires personnelles, leurs chemins de vie en compositions adroites et pénétrantes. Ces onze-là, façonnées en riffs jangle et coutelas synthétiques, possèdent une ampleur désarmante à l’image de Avenue des armées, en ouverture. En conservant les mêmes partis-pris qui avaient fait le charme de Je bois et puis je danse, puis de Regarde le ciel, Aline a poussé plus loin sa logique inspirationnelle, placée sous le haut patronage du producteur anglais Stephen Street. C’est peu dire que le disque stupéfait par sa dimension musicale – les influences romantiques et ses filigranes dub-reggae –, sa densité sonore et le travail ouvragé des textes que Romain Guerret a puisé dans son imaginaire. Il est allé chercher au plus profond de lui-même ces idées, ces sentiments tantôt canailles, tantôt spirituels, qui traversent l’album de part en part et l’illuminent jusqu’à la dernière seconde. Les mains vides, l’avant dernier titre, est exemplaire de cette mue, de ce glissement émotionnel qui confère à l’œuvre une grâce inouïe et qui sonne comme une déclaration d’une ardente sincérité. Pourtant, il ne s’agit plus pour le groupe de porter innocemment son message de candeur adolescente – quoiqu’encore présent sur La vie électrique – mais bien d’entrer dans un nouvel âge accompli. En bref, Aline n’est plus une Gamine, et cela s’entend. Les résonnances cachées – mais quasi parlées –, Plus noir encore et Les angles morts ont délaissé les atmosphères légères de compositions comme Deux hirondelles pour se promener sur d’autres gouttières les soirs de pleine lune, quand la nuit interlope déverse son flot d’intrigants magnifiques. C’est sur ces tonalités ombrageuses que le groupe referme cette première face, dans une logique d’un autre temps – le minutieux agencement de la tracklist. La face b en toute logique s’ouvre sur un titre de lumière, tendu comme un destin par l’entremise d’un riff de synthé auroral. Paradoxalement, cette Tristesse de la balance – qui comme tant d’autres brille par son élocution graphique – ne l’est pas totalement et ce malgré son texte teinté d’amertume. La mélodie va tambour battant, comme une palpitation galopante. Trois minutes et quarante et une seconde de jolis états d’âme. Dans le même mood déboule Chaque jour qui passe. Comme une femme dans nos vies. Mais loin des premières amours, c’est dans les textes qu’il faut interpréter cette mutation. « Je ne sens plus rien, ma mémoire est pleine » chante Romain Guerret, comme pour s’épancher, poursuivi par un trémolo de guitare. On sent les larmes derrière les Ray-ban, le cœur brisé sous la veste en jean. En effet, chaque jour éloigne la Pop et le Rock juvéniles d’un présent dépossédé, littéralement vidé de ses pop songs et remplacé par les mixes linéaux des grandes soirées d’oubli dont la jeunesse a fait sa raison d’être. N’y voyez aucune nostalgie, aucune désespérance honteuse. Et pourtant, Aline revient comme un sursaut, celui d’un groupe maîtrisant les codes et l’écriture pour tenter de convaincre dans un vaste chantier programmatique ce même auditoire que la pop d’antan, mille fois réinventée, peut apporter des motifs d’espérance, qu’elle permet de jouir sans entrave, de connecter une génération avec son époque. Que derrière le sérieux et l’expérience, derrière la solidité et la maturité, il a une énergie ; celle d’en découdre sur scène comme sur disque. En témoigne le final Promis, juré, craché à la vélocité punk. Avec là encore des paroles à rebours de la musique, jamais décliniste pour sa part. Bien évidemment, Aline n’est pas homme à ne point brouiller les pistes et c’est dans les secondes qui suivent que l’on trouve le traditionnel morceau omis, jumelé, caché, et dont les accents nous replongent dans ce trouble identitaire, sel de cette vie électrique, comme si Aline avait voulu enfiler autant de smokings nocturnes révélés en clairs de lune par des guitares Andy Summer. Cet ultime manifeste s’appelle Mon dieu mes amis. Rythmique filante, mélodie ouverte, diction suave prolongeant l’impression laissée par la musique. Comme si Aline s’écoulait tout droit du transistor d’une Alpine lancée à fond, en une folle et interminable échappée autoroutière. Cette fin en horizon dégagé nous rassure quant à la suite. Il y aura pour Romain, Arnaud, Jérémy, Romain et Vincent des choses à dire, à écrire, une nouvelle carte à jouer. Si la vie est électrique, l’avenir s’annonce éclairé, balisé. Pour l’heure et comme le dirait une petite fille de deux ans et demi à l’écoute du deuxième volet de la saga pop alinienne : bravo la musique !

Aline, La vie électrique (PIAS-Le label)

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https://www.youtube.com/watch?v=cpF4bxm9Rv8

© Photo Paul Rousteau : http://www.paulrousteau.com

 

 

 

 

 

 

 


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