The Rascals, 71 année mélodique

par Adehoum Arbane  le 27.07.2015  dans la catégorie C'était mieux avant

Rares sont les groupes sixties qui franchirent la décennie suivante sans trop y laisser de plumes ; celles du songwriting en l’occurrence. Pour certains, il aura fallu un changement de leader – Pink Floyd –, pour d’autres un nouveau guitariste – les Stones –, sans parler de ceux qui virèrent tout simplement leur cuti – en gros tous les groupes psyché de San Francisco. Rien de tout cela pour les Young Rascals rapidement devenus les Rascals tout court et qui d’albums en Lp explorèrent de long en large la formule pour laquelle ils étaient faits : la bue-eyed soul, une musique d’inspiration noire mais exclusivement interprétée par des blancs. Originaire de Long Island, cette formation italo-américaine fit preuve d’une rare constance, ne cédant que très occasionnellement aux modes, le psychédélisme alors en vigueur que l’on retrouve de façon tout à fait parcimonieuse sur le quatrième album, Once Upon A Dream. Dernier Lp sorti chez Atlantic, Search & Nearness ne connut pas les soleils de la gloire, atteignant une timide 198ème place au Billboard. Et pour cause, enregistré entre octobre 1969 et octobre 1970, puis publié le premier mars 1971, il a tout du projet lesté de plomb. Et pourtant chacune de ses dix chansons semble avoir été composée sur un nuage bordé d’horizon céleste. Robert Christgau ne s’y était pas trompé qui écrivait à son propos : « those who ignore the atrocious title and listen to the songs are in for a surprise, because this no Freedom Suite. In fact, it may be their most consistent regular-release Lp – only one waste cut per side. » Qu’ajouter à cela sans apparaître redondant ? Que Christgau avait en fait sous-estimé la chose. Il n’y a rien à jeter dans ces deux faces honnêtes et pénétrantes, aucune faute de goût à noter. Rien qui ne puisse troubler le rock critique averti, quelque quarante-quatre années après. Venons-en aux chansons. Neuf compositions, une reprise. The Letter survit largement à l’original qui débute sous une pluie de piano, surligné d’orgue diamantaire. Cette relecture profondément singulière navigue entre lenteur extatique et groove imparable, servie par la voix miraculeuse d’Eddie Brigati. Pour le reste, on est emporté, littéralement, par la suavité de l’ensemble même dans ses instants les plus rock, comme sur Right On dont la mélodie ondoyante convainc dès les premières secondes. Le groupe, parfaitement en place, se la joue séducteur. Orgue et guitare tissent de merveilleuses sonorités bien dans le style des Rascals. Puis surgit I Believe. Presque de nulle part. On se croirait revenu aux temps bénis de la Motown. Sur le refrain d’ailleurs, les chœurs nous rappellent que Dieu existe, vraiment, que le paradis sur terre ne fut pas une vaine promesse. Le mot spiritualité prend forme ici sous les accords rédigés par Felix Cavaliere, peu cavalier dans l’art du songwriting. Thank You Baby nous laisse dans cette impression de rêve béat, qui n’en finit pas. Rien ne vient briser, fort heureusement, la magie de l’instant, alors que Cavaliere puise aux tréfonds de lui-même la force et l’émotion nécessaires pour restituer magnifiquement les idées qu’il avait en tête. You Don’t Know, signé Gene Cornish – le guitariste – ne dépareille pas cette première livraison pas plus que Nama, du batteur Dino Danelli, qui prend les accents d’un standard du jazz comme seul Keith Tippett pouvait l’imaginer. Il fallait un sacré culot pour achever de cette manière cette première face. Encore fallait-il que la seconde réussisse à l’égaler. Et c’est chose faite avec Almost Home, éblouissante ballade au fender roucoulant. Après The Letter, évoqué plus haut, c’est au tour de Ready For Love d’irradier l’auditeur de ses splendeurs, nombreuses et fort bien amenées. La flûte d’abord, les chœurs quasi féminins annonçant le refrain ensuite. Quant au thème principal, celui de l’amour, il renvoie à ces romances black comme on aimait les écouter au mitant des sixties, dans cette Amérique si merveilleusement contrastée. Maniant l’art de la rupture avec une jouissance non dissimulée, les Rascals balancent d’emblée un Fortunes tridimensionnel, badigeonné de wah-wah et au chant anglophile. Le très gospel Glory Glory vient terminer l’opus et achever le fanatique absolu que chacun deviendra à la découverte de cette œuvre mésestimée de la pop US. L’expression n’est pas anodine. Les Rascals sont des musiciens sensibles et délicats, n’oubliant pas qu’une bonne chanson doit aussi donner envie de bouger, de danser jusqu’au bout de la nuit quand ses moiteurs risquent de vous étouffer. Au passage, si d’aventure vous tombiez par le plus heureux des hasards sur Search & Nearness, ne vous fiez surtout pas à sa pochette « période prog de Genesis » et prenez-le, quel qu’en soit le prix. Prenez-le, écoutez-le, chérissez-le. Après cela, vous vous direz que les Rascals étaient bien de sacrés coquins. 

The Rascals, Search & Nearness (Atlantic)

1971-Search and Nearness.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=ymy4LKSPttM

 

 

 

 

 


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