Jacco Gardner, grey dream

par Adehoum Arbane  le 08.06.2015  dans la catégorie A new disque in town

La Hollande – et au passage l’ensemble des pays de la péninsule scandinave – recense l’une des plus importantes collections de disques pop. Pour l’amateur de musique sixties, voire seventies, c’est du côté d’Amsterdam – entre autre donc, car on peut aussi aller à Hambourg, Stockholm – qu’il faut aller chasser ! Qu’il s’agisse de production anglo-saxonne ou 100% locale, c’est là–bas que l’on dénichera – les guides touristiques s’en font l’écho – les trésors vinyliques, souvent proposés à des prix "raisonnables" et dans un état proche de la virginité absolue. On comprend mieux pourquoi et comment Jacco Gardner est devenu, en l’espace de deux albums seulement, l’espoir naissant du psychédélisme contemporain. Avec une telle discothèque à disposition, le jeune batave s’est ainsi constitué une banque dans laquelle il vient prélever les sons du moment qui ont sa préférence. Après le très poppy Cabinet of Curiosities, Jacco Gardner s’est attelé à son sophomore, soit un disque plus ambitieux encore et aux contours moins précis, pour ne pas dire moins attendus. On retrouve cependant la même passion geek, ce plaisir coupable pour les instruments antiques et les harmonies tirées d’un passé fantasmé que le garçon n’a forcément pas connu. Dominé par le thème du rêve, Hypnophobia, puisque c’est le nom qu’il a retenu, est à l’avenant. Fantaisiste en premier lieu, puisant dans l’onirisme fragile de compositions telles qu’Another You, efficace morceau d’ouverture,  Brightly ou encore Find Yourself, premier single qui porte si bien son nom. Trouve-toi. Difficile en effet de s’orienter dans ce dédale désordonné, pour ne pas dire bordélique. C’est le charme de l’album, c’est aussi son écueil. Qui se vérifie au fil des morceaux. On est désarçonné par cet appareillage de titres classiques et d’instrumentaux en pagaille, vous tirant dans un sens quand vous en empruntez un autre. Est-ce à dire que l’exercice est raté ? Ce serait prématuré. Et à vrai dire injuste. L’œuvre a le mérite de jouer la carte de  l’expérimentation, ici permanente. Même si cette dernière devient malgré elle tâtonnement chimérique. Ainsi, on reste séduit par ces interludes mélodiques que sont Grey Lanes, joué, et Face To Face, chanté. Allons plus loin, on est littéralement impressionné par la suite – voulue ? – que constitue l’ascendant Before the Dawn, arrimé à Hypnophobia qui en assure la redescente. Comme si derrière le rêve, surnageait le trip. Ce dernier se dégonfle quelque peu sur la fin avec Make Me See qui semble jouer les intérimaires et All Over, donnant l’impression d’assister à un cocktail mondain imaginaire avec Peter Sellers et Rod Argent. Pour appréhender sereinement l’œuvre, nul besoin d’aller chercher je ne sais quelles comparaisons hasardeuses – une pop prétendument cinématographique – ou s’en remettre à quelque référence pointue comme Broadcast déjà sous l’empire de Joe Byrd et de son groupe mythique, The United States Of America. Mieux vaut se fier à sa première impression, ici positive quoiqu’insatisfaite. Si la critique se veut franche, parfois cruelle – le rêve, encore et toujours –, ne jetons pas le bébé Gardner avec l’eau du bain psychédélique. Il se dégage paradoxalement d’Hypnophobia une sorte d’honnêteté. En traitant du sommeil profond et vaste, accompagné de son cortège d’images plus ou moins paisibles, plus ou moins terribles, Jacco Gardner a largué les amarres. Il s’est littéralement abandonné. Tout d’abord dans son antre, emplie de claviers en tous genres, guitares, amplis et autres matériels d’enregistrement. Puis, ainsi équipé a-t-il décidé de faire confiance à son subconscient pour guider son inspiration vers d’autres ports. D’autres citadelles. Cette aventure, si elle veut se transformer en accomplissement personnel, spirituel et musical, passera sans doute par un troisième album. Peut-être devra-t-il oublier son catalogue de disques et son armada de synthés pour s’affirmer tel qu’en lui même ; c’est-à-dire un créateur sincère et doué. Avant de se muer en artiste inspiré. Sous son armure implacable, n’en doutez pas : le critique en rêve déjà.

Jacco Gardner, Hypnophobia (Full Time Hobby/Pias)

jacco-gardner---hypnophobia.jpg

http://www.deezer.com/album/10101462

Photo © Nick Helderman : http://www.nickhelderman.com/portfolio

 

 

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top