Aline, l’avis électrique

par Adehoum Arbane  le 23.03.2015  dans la catégorie A new disque in town

Ça y est. J’entre dans ma quarantième année. Non pas qu’une forme de frayeur me saisisse. Nullement. Il reste tant à accomplir qu’une espérance de vie raisonnée rend désormais possible. La vie est encore là, rougeoyante, circulant dans les veines, battant les tempes. La vie électrique. La formule claque, parle. C’est précisément celle qu’a retenue Aline pour annoncer son futur deuxième album. La vie électrique, comme un manifeste stylisé, éclate en ce moment dans les ondes. D’une longueur consistante – pour un single radiodiffusé –, cet existentialisme branché sur ampli montre nos cinq musiciens comme portés par les vents favorables de la confiance. Nanti d’un nouveau contrat chez PIAS – qui avait distribué leur premier opus –, la bande à Guerret revient aguerrie. Il est loin le temps et le ton de l’excellent Je bois et puis je danse, narrant un amour un brin pathétique, ivre et solitaire. L’histoire vient de connaître un tout autre dénouement dans le texte, sans radicalement changer le décor musical de leur pop de cristal aux synthés en coutelas. Dans la vie électrique, Romain nous parle d’amour dans un versant plus licencieux, en mode "l’affaire est dans le sac et dans le sexe". La musique elle, par ses inflexions mi sensuelles mi inquiétantes, marche sur les talons des paroles. Même la voix du leader semble s’être prêtée à ce jeu d’ombres en pincements érotiques. D’un premier abord déroutant, la vie électrique titille, séduit puis vous entraîne dans son architecture labyrinthique. On sent le plaisir qu’a pris le groupe à écrire et interpréter ce nouveau titre sous le haut patronage du producteur Stephen Street. Tout y est plus nourri, plus approfondi que dans le précédent album qui pourtant brillait déjà de l’étincelle du songwriting. Et sans jamais perdre cet élan, cette force vivifiante qui caractérisent les chansons du groupe. Force qui apparaît ici, non pas canalisée, mais au contraire libérée, tordue de désir et d’envie. Créer l’enthousiasme donc, tel est le maître mot de ce single redoutable qui n’a pas fini de se révéler au fil des écoutes mille fois répétées. Chaque musicien y déploie ses talents sans pour autant rester cloisonné dans sa discipline, qu’il s’agisse d’Arnaud Pilard à la guitare ou de Jérémy Monteiro aux claviers sans parler, bien sûr, de l’efficace section rythmique incarnée par les parfaits Romain Leiris et Vincent Pedretti. De ce travail au millimètre près se dégage un charme presque diabolique, loin de l’innocence des premiers âges que nous avions connus avec ses ravissements faits mélodies qu’étaient Deux Hirondelles ou Maudit Garçon. À ce stade-là, bien entendu, on espérait plus. L’album entier ? Certes mais La vie électrique par ses qualités intrinsèques autant que sa dimension programmatique constitue un teaser à la fois subtil et viril, frustrant et osé. Surtout, elle donne raison à son auteur lorsque, naguère, il affirmait vouloir « faire un deuxième album bien meilleur que le premier, imprimer un style, une patte, ancrer des chansons dans l’inconscient collectif, faire des tubes, des chansons qui resteront. » C’était à l’époque de Regarde le ciel, quand le groupe avait déjà fait sa propre révolution en laissant derrière lui, triste, son premier patronyme – Young Michelin – pour se réinventer en Aline. Mue réussie. Aujourd’hui, la promesse est plus que tenue : les cinq musiciens sont en passe de réussir leur pari esthétique. Ainsi pour résumer disons cela, finissons ainsi. La vie électrique, chanson canaille d’un sophomore qui, par sa ligne claire et ses parallèles obscures, s’annonce oxymore.

Aline, La vie électrique (PIAS-Le Label)

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https://www.youtube.com/watch?v=GwAexYtEivc&feature=player_embedded

© Paul Rousteau : http://www.paulrousteau.com

 

 


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