Thèse, antithèse, teaser selon Alister

par Adehoum Arbane  le 24.11.2014  dans la catégorie A new disque in town

Alister est connu pour être prolifique. Plusieurs cordes à son arc, comme dit l’expression. En parallèle de ses activités journalistiques passées à inventorier méthodiquement les héros de la pop culture française – lui y'en a vouloir Jean Yanne, Desproges, Prévost et tant d’autres dans sa revue Schnock –, l’homme de lettres donc, de sa plus belle plume envoie une missive du genre mélodique, offrant un après à ces deux avant-propos que furent les brillants Aucun mal ne vous sera fait et Double détente, parus respectivement en 2008 et 2011. En attendant non pas Godot mais l’album –troisième du nom – qui devrait si l’on en croit les Internets sortir courant 2015, nous retrouvons Alister. En ce jour béni, il nous livre sa sainte trinité à lui. Un extended play qui pourrait résumer les deux précédents opus. Mais bien plus que cela, les trois chansons en question prennent la forme d’un tunnel sensoriel. Sans mauvaise pensée, l’on s’enfonce petit à petit dans un univers qui, derrière l’aspect cool d’une musique admirablement produite et mixée, propose différents paliers. Trois en fait. Un, Avant Après. Rock formidable d’évidence, engageant comme une lumière dans la nuit alors que la radio annonce l’évasion d’un redoutable serial killer. On y entre donc, sans hésiter, sous le charme d’un groove rappelant celui de Life During Wartime des Talking Heads et d’un refrain mémorisable, enrobé de paroles moins simplissimes qu’il n’y paraît. C’est le talent littéraire d’Alister, la séduction précédant le malaise. « J’en avais assez de me ressembler »… Ces mots sonnent-ils la fin de cette récréative création étalée sur plusieurs années, annoncent-ils l’amorce d’un nouveau projet ? Débat ouvert. En attendant, Avant Après épouse des traits connus, reprend les codes, l’esprit d’Aucun mal mais avec quelle constance ! Deux, on est presque pris par un sentiment de pudeur, une réserve : on entre dans la cathédrale, donc. Nouveau palier menant dans cet entre-deux ambivalent, plus tout à fait rock, déjà très pop. Les lignes de basse, superbes, s’enlacent aux notes de piano alors que la batterie, au son étouffé, donne l’impression de marcher sur la pointe des pieds. La cathédrale, rappelons-le. Un lieu vaste et silencieux où les chuchotements ne sont pas que des adjurations divines, où les visiteurs ne sont pas tous des anges. Le mix en restitue d’ailleurs l’intime perception. Dans le bénitier de nos fantasmes perlants, Cathédrale résonne en hymne religieux et érotique. Un sommet équidistant. Une prière bizarre sous le transept et le chœur baignés de lumières radiantes pluvinant à travers les vitraux. Respect. Il est bien son propre dieu. Trois, Chaque jour comme le dernier s’impose comme une vision plus verticale du single d’ouverture. Son rythme, alerte, droit, ouvre le chemin des ondes radiophoniques bien que sa musicalité déviante nous emmène ailleurs. On dirait un road trip dans le tunnel du Pont de l’Alma. On suffoque, le cœur bat à mille à l’heure. En terme ecclésiaste, il n’est point de trinité sans miracle : l’envoi d’un quatrième titre, Honi soit qui mal y pense, qui ne figure pas dans la tracklist officielle. Le titre, déjà. MERDE ! Le français honoré, enluminé. Mais aussi bousculé, référence oblige à la célèbre devise inscrite sur le palais des Windsor avec son malicieux désordre de la jarretière. Revenons, back to France, au morceau. La trame mélodique entêtante, rampante comme l’effet d’une drogue sur votre peau, renvoie de façon diffuse à certaines ambiances de Double détente, le spoken word sur Mauvaise Rencontre et les lavis synthétiques de Supermarché notamment. On arrive au bout de l’expérience, du tunnel et l’on reprendrait bien de son élixir distillé puis déposé, goutte à goutte, au bord des lèvres. Alister en plus d’être un rockeur affirmé s’avère un conteur virtuose, exigent, diabolique, un créateur de climats cintrés comme des smokings, pliés en quelques minutes. Il est toujours futile, frustrant, dangereux de dresser la chronique de chansons sorties, comme le veut la formule, de leur contexte. Cet avant-goût de trop peu demeure pourtant fascinant, addictif, implacable par le sort qu’il vous jette comme si une femme vous arrêtait dans la rue, laissait entrevoir ses charmes en refermant la porte de votre désir en même temps que son trench. A propos du futur album, Alister déclare « quoiqu’il arrive, ça sortira. Je n’attends plus après l’industrie. » Rendez-vous au printemps 2015. Suspense insoutenable, chapeau l’artiste.

Alister, Avant/Après EP

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http://www.deezer.com/album/9134125

 

 

 

 


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