The Einstein Tremolos, à faire pleurer Albert

par Adehoum Arbane  le 03.11.2014  dans la catégorie A new disque in town

Nager à contre-courant ! Tout athlète sait à quel risque il s’expose : fatiguer, perdre pied puis sombrer. Quand la dernière marrée pousse sur la plage à peine foulée de la pop hexagonale une nouvelle génération d’artistes chantant en français, The Einstein Tremolos résiste au mouvement. Et sans jamais céder aux sirènes de la commodité. Jusqu’au-boutistes, ces musiciens livrent un premier chapitre hors des conventions du genre, court en apparence – seulement huit titres – mais dense dans son approche musicale. Les Einstein Tremolos en seraient presque inclassables comme si dès le début, dans le choix de leur patronyme, ils avaient décidé de brouiller les pistes. D’être là où on ne les attendait pas. Einstein pour la dimension intellectuelle – sans être hermétique – prototypique et expérimentale de leur musique. Tremolos pour l’héritage pop, sorte de filigrane habillé ici de riffs punk. Des Punk Floyd en somme. Boutade mise à part, la géographie de cette musique ne comporte pas réellement de frontières, le chant – en anglais donc –, s’il est présent, ne se veut jamais un point d’ancrage. Il laisse suffisamment d’espace aux instruments qui, prenant le relais, ouvrent des voies nouvelles, comme autant de directions où l’auditeur rêve de se déplacer. Ivan Lendl est emblématique de ce parti-pris. Aspect fondamental qui empêche de se poser la question de la langue pour embrasser pleinement ce bouillonnant magma sonore, ordonné sur Big In The City, panoramique et dramaturgique sur C'mon Little Suzy Gimme A Break. Observer Rallies et ses compositions c’est comme essayer de déchiffrer un dessin de Escher. Malgré la logique fonctionnelle, sa simplicité apparente, on semble s’y perdre. Et c’est précisément le moteur émotionnel de son œuvre. Ce tournoiement incessant et répété, fait de traits grisés, noircis, déclinés, déployés à l’infini. Cette même énergie catalysée puis libérée, la bande de Simon Maller se l’est appropriée sans se laisser noyer par le flot de références qui pourrait rapidement venir à l’esprit. Esprit, c’est surtout cela dont il s’agit. Une conception de la musique comme on l’envisageait autrefois durant les seventies allemandes, tout au long des eighties indé, dans les nineties post rock enfin. Lullaby For A Redhead Lunatic en rédige la synthèse ensuite, en trois minutes et trente six secondes comme si un format aussi court contenait en fait autant de sons et d’idées, puisant inlassablement dans près de quarante ans de création pop. Jamais cette tension-là ne retombe ni ne faiblit, la flamme brûle encore, toujours dans une nuit bleue puis blanche qui vous emmène de plus en plus loin – jusqu’à Brooklyn même ! S’il fallait ne citer qu’un nom, un exemple – l’exercice est souvent vain, imprécis – on dirait, non on crierait que Rallies est un peu un Fun House arty. A la fois cérébral et spirituel. On affirmerait, bravache, que la batterie – ou pour causer doctement, le rythme – reste la colonne vertébrale de ces folles turpides cisaillées de guitare et de claviers, parfois enrobées de saxophone pour signifier que toutes les options sont possibles, que le rock ne s’envisage pas comme une pièce close, plutôt comme un univers labyrinthique et sensoriel. Les piliers de Einstein Tremolos en ont fait leur crédo dans ce premier opus bref comme un souffle, puissant comme une houle. Encore cette idée de courants – ceux qui ont structuré le rock depuis ses premiers âges – que l’on fend dans une progression immuable. C’est une question de survie, artistique qui plus est. Où seront nos musiciens au tournant du prochain album ? Quels nouveaux continents auront-ils débroussaillé ?  Se seront-ils rapprochés des rivages rassurants de la culture mainstream dont la pop, même noble, représente la figure de proue ou auront-ils plongé corps et âmes dans un bain de jouvence créatif qui une fois de plus surprendra, bousculera les dernières tendances ? Sur Rallies, ils ont abattu tous les murs. L’horizon est devant eux. Alors si pour une fois on acceptait de se laisser aller sans maugréer… Emporté par la vague de Einstein Tremolos.

The Einstein Tremolos, Rallies (La Botanique Musicale)

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http://theeinsteintremolos.bandcamp.com

 

 

 

 

 


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