Weezer a true star

par Adehoum Arbane  le 20.10.2014  dans la catégorie A new disque in town

Weezer produit la musique idéale à l’adresse des quadras qui, refusant de vieillir, retrouvent alors les frissons anciens de leurs vingt ans révolus. Ce syndrome bien connu de la crise de la quarantaine, Rivers Cuomo a dû lui même le vivre pour revenir ainsi attifé, en disque, avec ses refrains vengeurs et ses riffs criards. Back To The Shack le résume fort bien. Nonobstant cette attitude fuyante du regard en arrière, le leader toujours en verve de Weezer ressuscite à travers cette neuvième livraison le sacro-saint crédo du rock ou tout du moins sa philosophie originelle : celle d’une musique suspendue au siècle dernier de l’adolescence où nous nous laissions aller au solo imaginaire dans le confortable bordel de notre insouciance aux murs tapissés de posters de stars. Les commentateurs toujours avisés noteront que l’album se situe, sur la géographie du groupe, entre la lumineuse simplicité du Blue Album et la noirceur emprunte de Pinkerton. Inutile d’en arriver à pareille déclaration tapageuse, même si elle s’avère en partie véridique. Everything Will Be Alright At The End rassure autant qu’il dénote. On y retrouve donc le Weezer que l’on aime avec ses compositions malignes, aussi fraîches qu’une jeune fille pas encore déflorée, ses guitares bravaches et ses refrains en forme KO. S’il accepte de se laisser doucement violenter par nos quatre musiciens ainsi enhardis, l’auditeur découvrira également des chansons indociles qui derrière l’efficacité de leur formule laissent poindre leur tonitruante dramaturgie. Hasard de la création, le Lp a été gravé à L.A. et enluminé par un mastering grand luxe à New York. Mais là où les vétérans du rock se bornent à rejouer des partitions éculées, sans une once de conviction, Weezer s’amuse. Et cela s’entend. Il y a un plaisir évident qui explose à chaque seconde, une jouissive immaturité qui vous pousse, quand le chat est parti – qui une petite amie, qui une épouse – à ressortir du placard les t-shirts usés dans leurs dessins infantiles et les disques de hard depuis trop longtemps remisés. À ce propos, Weezer incarne une sorte de pied-de-nez, de fuck off à toutes les conventions de notre société moderne où la bienséance, les codes usuels de la courtoisie et du vivre-ensemble – au bureau, dans les quartiers jusqu’au cœur même de votre intimité – vous ordonne de vous contrôler. Rivers Cuomo et ses kids burinés autant que burnés bifflent cette réalité en l’espace de quarante deux minutes et vingt quatre petites secondes. Ils le font dès l’entame du disque et sur toute la première face qui sonne à la perfection. Pouvait-on rêver plus bel enchaînement de chansons, de Ain’t Got Nobody à Eulogy For A Rock Band, suivi de l’épatant Lonely Girl, du très Shins I’ve Had It Up To Here et s’achevant de la plus belle manière par le militaro-déglingué The British Are Coming. Si la B side se veut plus inquiétante dans les climats qu’elle développe, elle n’en n’oublie pas moins de cocher toutes les cases du cahier des charges weezerien. Da Vinci et Go Away semblent dès lors préparer le terrain miné de tubes dont Cleopatra est à n’en point douter le climax. Foolish Father et la suite The Waste Land/Anonymous/Return To Ithaka sont les moments les plus obliques du disque, forçant le fanatique apeuré à s’aventurer sur des pentes jugées glissantes, voire dangereuses, comme si la chute s’annonçait éternelle. Sans passer pour le chef-d’œuvre inespéré de l’âge adulte, Everything Will Be Alright At The End s’impose comme un disque excellent, réjouissant disons-le, la preuve aussi que quatre rockeurs embouteillés par les années ont encore de jolies choses à écrire. Vingt ans ont passé, les hommes sont restés et le désir de produire des albums décents est lui intact. Weezer ou un sens habile de la crétinerie compilé dans une œuvre de power pop généreuse et finalement relativement sincère. En ces temps de médiocrité digitalisée où l’on prophétise à grand renfort de tweets la mort imminente de ce bon vieux rock’n’roll, ce n’est pas rien. 

Weezer, Everything Will Be Alright In The End (Mercury)

Weezer-Everything-Will-Be-Alright-In-the-End-2014-1200x1200.png

http://www.deezer.com/album/8678935

 

 

 

 

 

 


Commentaires

Gravatar

Le Smarty

21.10.2014

Merci pour cette critique juste et enthousiaste, écrite d'une plume légère, et non pas trempée dans le fiel d'un journaliste snob et prétentieux.

Envoyez un commentaire


Top