Alister, Schnock & rock en stock #2

par Adehoum Arbane  le 08.09.2014  dans la catégorie Interviews & reportages de Shebam

Shebam : Quel groupe ou chanteur ne vous a jamais influencé ? Quel titre de presse également ?

Alister : Ne m’a jamais influencé ? Donc c’est une question inverse. C’est « qu’est-ce que vous n’emporterez pas dans une île déserte ? »

Shebam : C’est ça, oui !

Alister : Euh, ah putain c’est bien ça, bonne question ! Alors déjà, bonne question (rires) !

Shebam : C’est la première bonne question qui est en même temps la seizième dans l’ordre de l’interview !

Alister : Ah putain… (Rires prolongés). Ah c’est bon ça ! Alors en musique je dirais les Smiths. Comme ça, ça va faire un peu de barouf. Les Smiths, c’est typiquement un groupe pour qui je n’ai jamais compris – Jamais, JAMAIS – l’intérêt qu’on pouvait leur porter. Donc, ni de près ni de loin les Smiths ne m’intéressent. Je ne comprends pas la place que ce groupe a pris dans le panthéon de la pop music. Et surtout relayé en son temps et encore maintenant avec courage et brio par les Inrocks dont les articles sur les Smiths étaient d’ailleurs plus intéressants que les disques. Il y a une rythmique pitoyable, un chanteur faux, un guitariste complètement surestimé. Je n’ai jamais compris les Smiths et je crois qu’il n’y a aucune trace des Smiths dans mon travail. Ça c’est pour la musique. Et puis c’est pour être un peu provoc.

Shebam : Oui et ce n’est pas faux…

Alister : Certes Morrissey est un parolier très intéressant mais le reste je ne comprends pas. Dans les revues, je ne sais pas… C’est un peu compliqué en plus parce que ce tu n’es jamais autant influencé par une revue que par un groupe (Il réfléchit longuement, NDLR). Non, ben non, je ne vais pas… Je vais dire une connerie qui n’a aucun intérêt, une blague de potache. En matière de revues, les gens font ce qu’ils veulent. En plus, moi j’aime beaucoup la presse, je suis curieux de tout même du Chasseur naturel, pêche & tradition. Et je trouve même que dans Télé Poche, Télérama, Télé 7 jours, Télé Z,  il y a toujours quelque chose à picorer. Sauf évidemment les produits extrêmes qui ne méritent même pas d’être mentionnés, il n’y a rien qui me soit totalement allergique. Un groupe de presse vient de lancer une revue qui s’appelle Rétro et ça ressemble énormément à Schnock. Même quand je vois des titres comme ça, comme France Dimanche, Ici Paris ou Détective qui est le niveau zéro de la presse, je trouve cela sympathique en fait.

Shebam : Il y a de la méthode dans leur travail !

Alister : Et en plus voilà, il y a un vrai savoir-faire ! Une vraie efficacité !

Shebam : Qui force le respect, quoi.

Alister : Je n’ai pas un truc en tête en terme de revues sauf évidemment tous les pompeux et les prétentieux mais je ne sais même pas quoi dire. J’ai même pas envie de parler donc… je trouve ça drôle ! Mais les Smiths, non les Smiths là…

Shebam : On s’échange LE dernier plan pop en date, la pépite discographiée ? Alors c’est quoi la dernière découverte musicale d’Alister ?  

Alister : Putain j’en ai déjà parlé dans… (Il va chercher son ordinateur, NDLR). Je l’ai dit mais ma mémoire me fait défaut. Mais alors (il tient fièrement son mac, NDLR) ?! Les trucs qui sont sortis récemment ou que j’ai découverts récemment ?

Shebam : Ah, les deux…

Alister : Je vais te dire deux trucs car là c’est en plein dedans. Il y a un truc que j’adore que j’ai déjà mentionné dans Rock&folk. Faut vraiment en parler parce que c’est super. C’est un mec qui s’appelle… C’est grave, je deviens grave… Putain, comment il s’appelle ? (Il cherche dans sa bibliothèque iTunes et trouve enfin, NDLR). Joel Jerome, putain ! Tu connais pas Joel Jerome ? Ah la vache, c’est bon ! C’était l’an dernier ! C’est Joel Jerome qui a un look assez engageant (il me montre le visage du musicien et passe un morceau que nous écoutons alors religieusement, NDLR) mais qui a sorti ce disque en autoprod’. C’est un américain et l’album est formidable : Babies on Acid.

Shebam : C’est chouette !

Alister : Son plus gros score sur Youtube, c’est 517 vus sur ce titre.

Shebam : Ah putain !

Alister : C’est Benoît Sabatier de Technikart qui m’a envoyé ça. Lui même n’aime pas et je lui ai donc dit « mais tu me l’envoies ! » Il m’a fait « ouais mais… » Et moi j’adore ça. On dirait le Alex Chilton défoncé d’après Big Star, quoi ! Je crois qu’il fait tout, il doit faire la batterie, la basse (rires) ! Mais c’est de la super power pop, généreuse, harmonique, courte. Là on parle d’un morceau qui dure une minute trente quatre…

Shebam : Ah ouais ?!

Alister : … Et qui s’appelle Grrrl ! Donc j’adore ! J’adore l’esprit, j’adore la méthode, j’adore le résultat, j’adore tout, j’adore la gueule du mec, j’adore ce disque ! Donc ça, c’est vraiment la dernière découverte. Mais bon, c’est un peu Schnock parce qu’on peut pas dire qu’il ait… J’aimais beaucoup le précédent album de Metronomy, The riviera…

Shebam : The English Riviera.

Alister : Oui, The English Riviera ! Je suis très déçu par le dernier mais sinon en terme de découverte Schnock, c’est-à-dire un truc qui est fabuleux parce que cela ne s’arrête jamais. Je parle de la redécouverte d’albums de 72-75 que personne n’a entendus. Alors là je suis tombé sur l’album solo de Phil Manzanera, le guitariste solo de Roxy Music, datant de 77 et sorti d’ailleurs sous le nom de 801 qui était en fait son groupe. Ça s’appelle Listen Now et l’album est… Pfff … Ouah ! Notamment ce titre Law & Order ! Et donc malgré le fait que je sois un fan de Brian Eno, Roxy, Brian Ferry, je ne m’étais jamais intéressé à la carrière solo de Manzanera. Et là on dirait un morceau d’Eno, c’est pour ça que c’est fabuleux. J’ai découvert ça la semaine dernière ! Et c’est le moment où tu te dis que cela ne s’arrêtera jamais. Ça ne s’arrêtera jamais. Je vais avoir quarante ans et je découvre encore des trucs comme ça ??? T’es rempli de joie et en même temps un peu paniqué.

Shebam : Il doit y en avoir d’autres…

Alister : C’est le puits sans fin, le tonneau des Danaïdes. En même temps c’est génial, je suis content : quel bel album. Putain, pffff… Et on ne parle pas de trucs marrants, des curiosités ! Quand j’entends un morceau comme ça, je trouve cela du niveau de Bowie, des Talking Heads et de Brian Eno. Je me dis, c’est un morceau majeur, un titre qui manquait au paysage. Et venant d’un mec dont je n’attends personnellement rien. J’aime beaucoup les solos de Manzanera, si tu veux…

Shebam : Surtout les albums solo de musiciens de groupe comme ça…

Alister : Oui ! Voilà, c’est l’album Listen Now, le morceau Law & Order qui est une tuerie ! Découvert le 9 juillet. Pourquoi je suis rentré là-dedans d’ailleurs ? Parce qu’après, il y a des chemins un peu bizarres. Je ne m’en rappelle plus. Pourquoi ? Je ne sais plus. C’est étrange… J’étais allé voir des choses de Brian Eno (sur Youtube, NDLR). Voilà, c’est tout ce que peux te dire. Ça te va ?

Shebam : Je trouve ça super, et cela fait une découverte de plus. Alors moi de mon côté, j’ai découvert un album qui m’a bouleversé et qui date de l’année dernière. L’artiste s’appelle Jimmy Hunt, un québécois qui chante en français, il a sorti l’année dernière son deuxième album qui s’intitule Maladie d’amour.

Alister : Ah, c’est un truc moderne ?

Shebam : Oui ! Qui est…

Alister : Génial ?!

Shebam : … Que je trouve fabuleux !

Alister : Les moineaux et les loups ? (Il s’est connecté au Bandcamp de Jimmy Hunt, NDLR).

Shebam : Alors, non ! Ça c’est un titre de son premier album qui est déjà pas mal. D’habitude, les albums qui ont quatorze titres, ça me fait toujours chier. Je veux toujours dix titres au cordeau. Mais là, il y a quasi vraiment rien à jeter. J’en parlais récemment avec un ami : c’est très pop mais il y a quasiment pas de refrain !

Alister : T’as pas un titre ?

Shebam : Si, il y a un titre génial : Marie-Marthe. L’album est sur Bandcamp, on parlait tout à l’heure des moyens de distribuer la musique. Et la prod’, les instrumentations, c’est…

Alister : C’est ça ? (Il coupe Law & Order et passe Marie-Marthe, NDLR).

Shebam : Ouais. C’est un album que j’ai écouté en boucle.

Alister : Je ne connaissais pas.

Shebam : C’est une découverte de mon pote Charles-Baptiste…

Alister : T’es pote avec Charles-Baptiste ?

Shebam : … Oui ! Il est parti aux Francofolies de Montréal…

Alister : Cool.

 Shebam : … Et il m’a rapporté le pressage vinyle, trouvé dans un petit disquaire spécialisé dans l’indie rock. C’est un album qui ne se vend pas très bien, lui a confié le disquaire. Faut vraiment l’écouter en entier, les morceaux s’enchaînent, c’est quasi un album concept.

Alister : Très bien produit !

Shebam : Ouais !

Alister : Ma mère est québécoise. Donc je suis toujours très intéressé par ce que font les canadiens. Ils ont une maîtrise du son que l’on n’a pas du tout. Ils sont tellement proches de ce qui se fait le mieux. Ils ont tout en terme de prod’, de voix, ils ne se posent pas les mêmes questions que nous ce qui est encore plus clair. C’est vraiment bien !

Shebam : Ouais c’est chouette ! Avant dernière question… Quelle île déserte emporteriez-vous dans un disque ou dans un numéro de Schnock ? Au départ la question rituel c’est…

Alister : Quel disque emporteriez-vous…

Shebam : Nan, chez moi c’est « Quelle île déserte emporteriez-vous dans un disque ? »

Alister : Qu’est-ce que je suis censé répondre à cela (Rires) ? Je ne connais pas d’île déserte moi ! Il y a un truc, une astuce ? Je ne comprends pas ?

Shebam : Nan, comme je dis souvent c’est une question ouverte. Car parfois il y a des gens qui comprennent la question dans sa version inverse. Un lieu inspirant, quelque chose qu’on ne trouverait pas dans la musique… Moi même je ne sais pas (rires) !

Alister : J’emmènerai, euh… J’aime pas les îles désertes (soupire-t-il dans une ultime confidence, NDLR). Voilà, c’est ma réponse. J’aime pas les îles désertes (série de rires prolongés).

Shebam : Voilà, c’est bien ! On inverse les rôles. Posez-moi une question ?  

Alister : Ah… Intéressant, ça. Qu’elle est la meilleure interview que tu aies jamais lue de ta vie ? Quel est pour toi un exemple d’interview qui te hante ou qui demeure une référence à tes yeux ? Un artiste ou n’importe qui…

Shebam : Pfff. Une question étonnement très difficile. D’abord parce que ma mémoire me fait aussi défaut et que, très spontanément, je pourrais répondre que je ne sais pas. J’en ai lu comme tout un chacun… Alors si… Je pense à l’interview de Lou Reed par Lester Bangs, mais ça fait cliché. Là je suis en train de lire, en fait j’ai commencé puis arrêté, mais je dois m’y remettre : c’est une très longue entrevue entre John Lennon et… Putain j’ai oublié le nom du journaliste.

Alister : Oui, c’est le mec de Rolling Stone Magazine : Jann Wenner.

Shebam : Ouais exactement ! Je la trouve parfaite par son côté naturaliste, décontracté, pas forcément l’interview technique, avec des angles, des questions sur le prochain disque, mais cet aspect un peu au fil de l’eau. Là en plus, c’est génial parce que c’est conséquent, ça s’étire sur plusieurs pages. J’avoue que cela me fascine assez parce que c’est le principal reproche que l’on me fait, la longueur des questions et de l’entretien. Les gens ne s’ennuient pas non plus (rires) mais quand j’ai interviewé Ian Hunter de Mott The Hoople par mail hélas – j’aurais aimé le rencontrer – et le mec à cette même question a répondu, cinglant : « pourquoi tu fais pas des phrases plus courtes ? »

Alister : Il t’a dit ça (sourire) ? Ah, putain !

Shebam : Ouais, j’avais trouvé ça très drôle !

Alister : Bah oui, c’est très drôle !

Shebam : en plus c’est vrai ! Mais j’aime ce côté interview à tiroirs. Cela rejoint ce que l’on évoquait tout à l’heure, c’est-à-dire comment la découverte d’un morceau via des canaux différents peut amener à une autre découverte. Je trouve que c’est une boîte de Pandore, l’interview, mais au sens positif du terme. On peut ouvrir un milliard de portes, ça peut très bien ne jamais prendre fin (rires) même s’il y a un moment où on se dit « On a ce qu’il faut dans la boîte, on peut y aller. » Je crois que mon interview la plus longue, je suis resté trois heures. C’était avec Syd Matters ! C’est marrant parce qu’on s’était donné rendez-vous dans un bistro : il y avait les questions officielles puis après ça s’est poursuivi naturellement. Et j’aime bien cette idée, justement. L’interview trop courte m’angoisse. Surtout quand je vois dans des journaux des interviews en trois questions, même si c’est un exercice consacré, non pas l’interview noble au sens où chacun l’entend. L’interview qui réserve des moments de vérité où on a l’impression qu’aucun cut n’a été fait, j’aime ! Lorsque je retranscris, je ne modifie quasi rien, sauf s’il y a des répétitions. Moi, je laisse l’entretien à l’os. Ce qu’on me dit, je le retranscris religieusement. Et puis, il n’y a jamais de secret caché, de scandale, de bombe à retardement. Moi j’aime qu’une interview respire.

Alister : C’est bon ?

L’interview prend fin dans un feulement de mécanique, de rouages plastiques, alors que dehors, l’air devient moins pesant, plus doucereux. L’échange ? Non, la discussion avait été passionnante, longue, dense, enthousiasmante, ouverte et ce que j’allai rapporter – dans tous les sens du terme – valait ce petit détour boulonnais. Et puis sans crier gare, la discussion continua, non par nécessité mais parce que le fil qui avait été créé se devait d’être maintenu, étendu même. Il fallait aller jusqu’au bout du truc, de l’expérience, rebattre les cartes, débattre sans fard, en off, certes, mais en conservant le même caractère direct, droit que tout ce qui avait été gravé et que vous lisez aujourd’hui. Disons le tout net à l’adresse des amoureux du léger, du résumé, du simplifié, du rabougri… N’allez pas plus loin, les mecs, les filles ! Arrêtez-vous là c’est déjà pas mal. Car ce qui suit est pur débat de fans, du genre à se repasser les disques en discutant de la note qui surgit sans le vouloir à la trente deuxième seconde de la première minute d’un morceau. Dialogue ininterrompu, hors micro sans jamais être hors de propos. Pour les plus audacieux, c’est sous le manteau, téléchargement illégal d’un échange d’égal à égal. 

Alister, Schnock & rock en stock (deluxe edition with extras & bonus words).pdf

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