Metronomy, opération zénith 2

par Adehoum Arbane  le 05.05.2014  dans la catégorie Interviews & reportages de Shebam

Abstraction faite de l’ennuyeuse première partie, du ballet incessant des pisseurs de bière, du plafond du Zénith faisant immédiatement songer à la base secrète du SPECTRE dans On ne vit que deux fois ; abstraction faite donc de ces quelques points de détail, Metronomy a délivré une performance de haute tenue. Et pas seulement pour les costumes de scène qu’arboraient les musiciens. Ce soir-là, le groupe tout de blanc vêtu nous a donné l’impression de rencontrer Saint Pierre au Paradis ou, pour les agnostiques, de couler une éternité délicieuse parmi les dieux dans je ne sais quelle Olympe. Et pour cause, la musique de Metronomy pourrait aisément se définir comme du gospel synthétique, une dance qui pense. Disons-le, malgré les difficultés techniques – l’acoustique délicate de la salle – dont le groupe a réussi à s’affranchir, le spectacle fut total ! D’abord visuel. Dans un lieu relativement impersonnel, Metronomy a convoqué tout un décorum retrouvant les couleurs ouatées de la pochette de Love Letters. D’énormes nuages en carton découpé, dans le plus pur style Gondry – on songe alors au clip du morceau titre – sur lesquels viennent se projeter des lumières chaudes, tantôt rougeoyantes, tantôt bleutées. Devant ce petit théâtre poétique, le groupe – à raison de cinq musiciens dont un additionnel – joue une partition réglée comme du papier à musique. Joseph Mount trône devant son clavier, certainement un Philips Philicorda GM751, tel un Glen Gould pop. Tout autour de lui, deux énormes pupitres abritant les synthés clignotent comme les néons flashants d’un grand ordinateur. Aux commandes, Oscar Cash et Michael Stebbing Lovett – membre des premiers âges de Metronomy – qui officie également comme guitar hero. Sur le côté, Olugbenga Adelekan balaie l’espace de sa basse longiligne. Un pilier étincelant dans la nuit stroboscopée du Zénith. Au centre, Ana Prior dont la chevelure ourle à merveille un visage de porcelaine semble échappée d’un tableau de John Everett Millais. Cette grâce préraphaélite n’en demeure pas moins essentielle au dispositif tant sa frappe donne à chacun des titres une pulsation métronomique. Parlons maintenant de la musique. Et reconnaissons que les morceaux interprétés ont réussi à trouver leur chemin dans les méandres de l’espace rempli d’une véritable houle humaine. Félicitations aux ingénieurs du son qui on dû s’arracher les cheveux car pendant près d’une heure trois quart, nous avons très distinctement entendu dans une saisissante restitution les innombrables orgues, les parties de guitare – acoustique ou électrique –, les chœurs et une section rythmique tendue en guise de trait d’union. Ce qui fait en studio toute la suave magie de Metronomy. Bien sûr, Love Letters et The English Riviera fournissent l’essentiel du répertoire live et tout y passe : les vignettes ouvragées tout droit sorties du cerveau de Joseph Mount comme ces hymnes définitifs et robotiques à l’image du puissant The Bay. Certes, on aurait préféré voir le groupe s’exprimer dans un cadre plus intimiste – Pleyel serait parfait – et tous ceux qui ont raté sa prestation à la Maroquinerie doivent s’en mordre les doigts. Mais inutile de bouder son plaisir. Metronomy était au rendez-vous et le public français lui réserva un accueil plus que chaleureux : un adoubement digne du succès qu'il est en train de se tailler. Toute génération confondue ! Car en scrutant la foule conquise on constate la diversité des fans de la formation du Devon. Des ados épileptiques, des filles sexy en shorty, des quadras fraîchement intronisés, autant de personnes ayant trouvé dans chacun des quatre albums un objet de culte précieux. Au fur et à mesure du set, on perçoit dès lors Metronomy comme une entité fédératrice capable de réunir dévots de l’hypnose électronique et amateurs de pop savante. À la toute fin du concert, alors que le rappel tambour battant de l’auditoire ramène le quintet on stage – chaque membre surgissant d’une partie du décor sous les vivats dans une chorégraphie parfaitement rodée –, le Zénith prend des airs de kermesse orgiaque et sonique. Comme si nous ne faisions alors qu’un. Comme si les chairs malaxées s’étaient alors fondues en une masse protéiforme irradiée de lumières phénoménales. On repense alors à la scène finale – et dantesque ! – de l’assaut dans On ne vit que deux fois. Et comme on ne vit qu’une fois, il fallait absolument assister à cette fête païenne et monstrueusement musicale. En sortant pour retrouver l’air frais qui bat les tempes, on se retourne pour se dire que nous étions dans ce bloc froid du Zénith. Merci à Metronomy d’avoir transformé un bloc de glace en boule de feu.

Metronomy au Zénith, le 28 avril 2014

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