The Agency, ceci n’est pas un clip

par Adehoum Arbane  le 10.03.2014

Dans la mythologie rock, le clip apparaît au moins aussi important que la chanson. Parce qu’il en est le prolongement naturel. Charnel. Trop souvent, l’exercice – imposé – lasse, pire, laisse dubitatif. Parfois – trop rarement –, il arrive qu’un clip vous arrache par la puissance de ses images à la monotonie de la production quotidienne. Habitué aux chansons pop multidimensionnelles, The Agency met pour la première fois en scène un extrait de son passionnant premier opus Somnographe, le titre Midnight Garden. Objet voulu non identifié entre Miyazaki et Jodorowsky, le clip n’en est pas un, enfin, pas au sens où on l’entend classiquement. C’est une invitation au voyage, mieux une gigantesque porte ouverte sur l’univers foutraque du groupe qui s’esquissait déjà sur la pochette de l’album. Irréprochable plastiquement parlant, cette création – le mot a son importance – dépasse de loin le cadre de l’exercice tel qu’il est demandé aux réalisateurs. Chaque image s’apparente à un tableau de maître. On passe des profondeurs organiques aux abysses océaniques comme dans un rêve, c’est-à-dire en traversant des paliers. Une créature étrange nous guide dans cette excursion à nulle autre pareille. Au-delà des idées, de la beauté des plans couchée comme un glacis sur pellicule, on n’avait vu plus belle illustration d’une pop music moins juvénile qu’il n’y paraît. Car si The Agency s’impose comme une formation fondamentalement pop, la musique déployée sur Somnographe s’exprime avec une majesté que l’on perçoit ici de façon totale. Sonore et visuelle. Une telle réussite pose le débat de l’esthétique d’un groupe, chose largement entendue lorsque nous naviguions à l’orée des sixties-seventies. Si le clip était encore embryonnaire, l’aspect visuel était lui parfaitement intégré à la musique. Il fallait dès lors imprimer les esprits et les rétines en développant un imaginaire à chaque fois singulier. En cela, The Agency fait preuve d’une sidérante cohérence pour connecter ainsi les mélodies à ses visions folles et primitives. Là où d’autres formations et non des moindres – anglo-saxonnes précisons-le – se contentent de productions mainstream. Cette exigence participe d’une véritable démarche multimédia distillée non seulement dans les vidéos dingos que le groupe égrène depuis quelque temps sur le web mais également lors des ses concerts, interviews… En cela, on peut aussi parler de théâtralité ou pour aller plus loin de surréalisme. The agency perpétue à travers son clip cette tradition qui commença naguère avec le mouvement dada. Chose frappante, cette excentricité revendiquée ne relève jamais de la posture ou de la stratégie imaginée dans un froid bureau de la Défense. Les trois musiciens de The agency semblent être nés pour transposer leur musique sur pellicule. En la personne de Pim Mory, le réal’, ils ont trouvé un allié précieux, un homme ayant compris leur art car il s’agit bien d’un art ; de la mélodie associée aux vertus du storytelling. Et ça, The Agency l’a depuis longtemps compris. Le résultat est tout simplement évident, fluide, superbe, en accord absolu avec la musicalité de ce jardin de minuit dans lequel on prend un réel plaisir à se promener à nouveau. Encore et encore… 

http://www.youtube.com/watch?v=KqQayCYv4us

 

 

 

 


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