Orouni, cache-cache musical

par Adehoum Arbane  le 04.03.2014  dans la catégorie A new disque in town

Pour vivre heureux, écrivons caché. Cet adage, quoique détourné de sa version originelle, semble coller à merveille à Orouni qui nous revient d’un grand tour du monde avec précisément… Grand Tour. Oublions les « bio » rédigées par des attachés de presse zélés pour se plonger dans la musique car c’est bien de cela dont il s’agit. Non pas que ces blocs de vies rassemblés en un texte n’apportent aucune information précieuse mais la Musique - la pop en l’occurrence – se veut un langage propre à raconter la vérité intrinsèque d’un artiste. Orouni en est l’ordonnateur. Mais avec lui, les cartes sont brouillées. Orouni. Voilà un nom bien singulier, sorte de personne derrière laquelle se cache un homme et peu importe de savoir qui il est vraiment, à quelle véritable identité il répond, où il réside, ses habitudes, sa situation. Orouni est un mystère. Pseudonyme qui lui donne des airs de griot, de miniaturiste japoniste, de shaman tout droit sorti des Andes, yeux dessillés, âme virevoltante. Les nombreux instruments rapportés de ses voyages représentent les autres masques dissimulant son créateur. D’où cette impression de chose insaisissable, fragile, éphémère qui survient à l’écoute des douze titres de Grand Tour. Sentiment d’ineffabilité qu’une voix blême, proche de la fêlure, explique pour beaucoup. Quant à la matière principale, malléable au fil des inspirations, puisant d’un archipel à l’autres ces sons inconnus rapatriés puis mélangés dans cet immense brouet de la culture pop, elle possède également cet aspect fugace. Chaque morceau brille par sa différence, et si l’album est plus réussi en face b, cette pop ornementale à la pureté récréative finit par séduire. Étonnamment, la chanson la plus intéressante n’est pas celle qui s’expatrie vers un ailleurs auquel nous rêvons tous. Cette composition présente des habits plus classiques bien que très ouvragés ; Firearms a la simplicité des mélodies qui font tout simplement mouche. Encore une fois, Orouni se retrouve là où on ne l’attend pas. Sans doute a-t-il découvert ce grand pouvoir lors de ces pérégrinations sous d’autres tropiques. Sans doute cherche-t-il encore le graal musical, la pépite nichée sous un lit de pierres. À vrai dire, ce n’est pas grave. On aime à se perdre dans ce dédale de sons, d’idées, de récits et de vignettes aventureuses où chacun pourrait finalement se reconnaître. Sans tomber dans la référence pataude au citoyen du monde – au relent altermondialiste quelque peu grotesque – nous avons tous glané des souvenirs, aussi infimes soient-ils, qui pourraient constituer le fil ténu d’un poème épique, d’une nouvelle sur trois pages et pourquoi pas d’une chanson. Il existe des images, des situations, auxquelles nous pouvons facilement nous identifier parce qu’elles s’inscrivent dans une universalité existentielle. Elles puisent dans l’inconscient collectif leur authentique saveur de déjà-vu et c’est pourquoi nous les comprenons à notre manière. Orouni a décidé de les libérer en procédant de façon inverse, c’est-à-dire en les faisant prisonnière par le seul sortilège de sa musique dont la myriade d’instruments constitue la précieuse liste des ingrédients. Poison doucereux qui fait alors lentement son œuvre. Voilà pourquoi ce Grand Tour parle, en quelque sorte, dans sa langue, avec ses faiblesses, ses grands tours de force, avec candeur, pudeur, audace, chatoyance et joyeuseté. Esprit sauvage qui finalement, après moult turpitudes, a atterri chez un label qui l’est tout autant. Si vous êtes d’humeur flâneuse, cet album vaut au moins le détour.

Orouni, Grand Tour (Sauvage Records)

Orouni-Grand-Tour.jpg

http://www.deezer.com/album/7414701

 

 

 


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