Jonathan Wilson, retour en fanfare ?

par Adehoum Arbane  le 03.02.2014  dans la catégorie A new disque in town

Et si la musique n’avait d’autre fonction que d’être purement récréative ? De laisser de côté la vérité d’un texte, l’évidence d’une mélodie pour mieux se laisser aller ? Et si cette dernière n’était là que pour installer une ambiance, édifier un mur de sons multipliés dans l’unique but d’accompagner nos pâles journées de labeur ? Sans le vouloir, c’est l’exploit assez culoté que vient de réaliser Jonathan Wilson avec son deuxième opus, Fanfare. Musicalement, Wilson ouvre un boulevard à tous ses fantasmes en matière de production – tâche dont il s’acquitte depuis quelques années avec talent –, d’esthétique et de coolitude. Un boulevard, une autoroute n’ayant nulle part où aller, une musique au kilomètre, sans but précis, mais suffisamment ambitieuse dans sa volonté de restituer ce qui faisait la magie d’un certain soft rock puisé dans le coffre à jouets des années 70. Soft rock, l’appellation n’a jamais aussi bien porté son nom s’agissant de Jonathan Wilson tant l’ensemble paraît inoffensif, si ce n’est l’extrême longueur des morceaux et, in extenso, de l’album. Inoffensif ne signifie pas pour autant rébarbatif. Et Wilson en la matière a mis toute son honnêteté d’artisan au service de son projet, de ses chansons – ? –, proposant ici des "titres" plaisants. Expérience presque immersive qui donne ainsi l’occasion de retrouver l’usage de nos sens comme si, tout d’un coup, on pouvait caresser l’espace, sentir un refrain, observer une idée, déguster un solo. Démarche sans prétention donc mais porteuse d’une réelle audace quand il arrive à réunir autour de lui les figures tutélaires de la scène californienne de l’époque : les mythiques Graham Nash, Crosby, Bob Weir, Jackson Browne et quelques héros des générations suivantes. Jamais ces musiciens aguerris ne prennent le dessus sur le jeune maître qui les a invités. Fanfare reste un album dominé par son géniteur. Même s’il évolue dès lors vers une sorte d’Americana floydienne, la touche Wilson demeure intacte, miraculeusement préservée. Comme à son habitude, le musicien aime plus que quiconque lâcher les amarres de ses chansons pour flirter avec d’autres genres, le jazz, le psychédélisme languide de ses ainés Grateful Dead, Santana, Youngbloods. Les minutes passent agréablement, la vie suit son cours, tout est fluide, mouvant, serein, les enchaînements parfaits sont les guides merveilleux qui vous permettront de circuler librement d’une face à l’autre. Quant aux paroles, il existe dans le rock de ces formules qui font mouche, de ces vers préfabriqués qui s’accommodent aisément des notes : "spirit fly", "keep on riding"… Malgré l’imposante densité de l’album, quelques morceaux arrivent à s’extraire de la masse, tirant les corps engourdis de leur profonde rêverie. Fanfare, idéalement placé en ouverture, Dear Friend – à la fois folk song baroque et jazz rock assumé –, Love To Love à l’efficacité dylanienne, Cecil Taylor pour son sens du rebond, Illumination qui en devient une et Lovestrong donc. Lovestrong qui semble tout résumer, l’obsession "Gilmour", la limpide gravité de Pacific Ocean Blue. Le lien singulier – aussi convoité qu’un Graal – entre songwriting et production. Composition qui a le mérite de capturer les esprits, de nous attraper en plein vol pour nous ancrer à nouveau dans le réel, dans l’authentique expression de l’artiste, loin, très loin des aspects les plus expérimentaux de son travail. Au milieu de ces chansons horizontales, diluées, ludiques, on trouve un single, un seul – Fazon –, reprise en tout point identique à la version première signée The Sopwith Camel, formation mineur ayant connu un éphémère succès avec Hello, Hello. Qu’importe, cette relecture scolaire ne vient en rien dépareiller l’ensemble, bien au contraire, elle trouve naturellement sa place dans ce catalogue de sons rêvés, dans cette banque d’images musicales photoshopées sur disque. Finalement, le titre de l’album pourrait être le seul reproche fait à Wilson qui livre ici une œuvre sage comme un vieux comanche, à l’opposée de ces fameux orchestres de rue. Fanfare ? Allez, on te suit. 

Jonathan Wilson, Fanfare (Bella Union)

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http://www.deezer.com/album/6969115

 

 

 


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