Harmonium, saison 5

par Adehoum Arbane  le 10.02.2014  dans la catégorie C'était mieux avant

Aujourd’hui, toute personne normalement constituée vomirait le moindre artiste en provenance du Québec. Et nous ne pourrions même pas lui en vouloir. C’est que nous n’avons que trop entendu les brailleurs Garou et autres pleureuses Dion (Céline, pas le Dion accompagné des Belmonts). Dans les seventies, le pays de George-Étienne Cartier baigna, proximité avec les USA oblige, dans la culture pop et le rêve hippie. Mais avec cette particularité de chanter dans la langue de Molière passée à la moulinette du québécois aux accents populaires imagés. Parmi tous ces groupes, Harmonium s’est vite imposé comme la formation la plus appréciée. Et pourtant, rien dans l’histoire de ses membres ne prédisposait à pareil succès. Serge Fiori n’est pas à proprement parler un musicien de formation classique ; il étudie la communication. Ce qui ne l’empêche pas de jouer depuis son plus jeune âge dans l’orchestre de son père. Très vite, il maîtrise un large catalogue d’instruments à cordes et à vent. Michel Normandeau fait du journalisme et regarde du côté du théâtre, discipline qui à l’image du nouveau rock fait sa propre révolution. Normandeau sollicite alors Fiori pour écrire la musique de la pièce qu’il souhaite monter. Les deux hommes sympathisent, partagent un temps le même appartement et dans les mirages de la vie communautaire se mettent à écrire des chansons. Comme ça. Et en anglais. Ils choisissent un nom, Harmonium qui vibre alors de couleurs folk et planantes. Puis tournent : pubs, bars, petites salles, le circuit habituel des rockeurs en herbe. La rencontre avec le programmateur Yves Ladouceur sera décisive. Celui-ci les convainc de chanter en français et leur trouve un label. Premier disque, premier succès. 125 000 exemplaires vendus. Harmonium accueille très vite deux musiciens supplémentaires, Pierre Daigneault aux cuivres et Serge Locat aux claviers. Nous sommes au début de l’année 1975. Le nouveau line-up se réunit dans les studios Six de Montréal pour y graver son deuxième opus, Si on avait besoin d’une cinquième saison. Derrière ce titre excentrique, un concept simple : quatre morceaux pour les quatre saisons et un dernier pour une cinquième forcément imaginaire. La grande force de l’album réside dans l’extrême simplicité du propos. Bien que progressives, Les cinq saisons – son autre nom – proposent des thèmes extrêmement mélodiques –folk dans leurs apparats – mais pop par leur dimension. Mélodies mémorisables qui font mouche sans pour autant sombrer dans la mièvrerie ou le conformisme, Vert, Dixie ou En Pleine Face sont des miniatures charmantes, touchantes, certes désuètes mais pleines de joliesses. Et pour cause. La singularité du groupe s’affirme dans son refus d’intégrer la batterie, instrument rock par excellence. Piano électrique, mellotron, flûtes, saxophones, guitare acoustique, mandoline, accordéon et dulcimer représentent ainsi les principaux ingrédients d’un sortilège qui emportera 100 000 fans dans un voyage au-delà du temps. Ces instruments sont tous réunis dans la suite Depuis l’Automne – habile assemblage de thèmes et de soli - et le morceau Histoire sans paroles situé en face B. Long de dix sept minutes, il symbolise alors les nouvelles aspirations du groupe. Aspirations qui culminent dans leur troisième opus, L’Heptade, qui rompt avec les rêveries hippies d’antan pour afficher un son plus rock – la batterie, donc – et en même temps plus ample grâce à l’ajout d’un orchestre symphonique. Après un album « live » officiel, Fiori et Normandeau débutent chacun de leur côté une prolifique carrière solo. Mais personne, au Québec, n’oubliera cet album aux délicates couleurs solaires, dessin naïf qui résume merveilleusement la musique d’Harmonium : des chansons ambitieuses livrées dans un format universel et chantées dans une langue pittoresque qui n’est en rien étrangère à la beauté de l’œuvre, puissante, poétique, écrite avec le cœur. Un ami, chanteur de pop française de son état, récemment en tournée au Québec, a fait par hasard la découverte de cet album dans une maison de campagne. Chaque maison au Québec doit en posséder un exemplaire, c’est sûr. Alors qu’il posait le disque vinyle sur le plateau et que le diamant en révélait les moindres secrets, il se laissa à son tour emporter dans un voyage au-delà du temps. Il finit par se procurer à son tour le Lp tant convoité. À vrai dire, il était devenu le cent et un millième fan.

Harmonium, Si on avait besoin d’une cinquième saison (Quality Records)

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http://www.youtube.com/watch?v=tF92Lv1niTE

 

 

 

 


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