Mazzy Star, coton club

par Adehoum Arbane  le 30.12.2013  dans la catégorie A new disque in town

À la manière du septième art, la musique possède ses genres. On trouve les déclinaisons officielles, gravées dans le marbre de la Légende, ces familles que sont la pop, la folk, la country, soul, funk, punk, disco, prog… Et parfois, au détour d’une discographie se révèle quelque incongruité plaçant le groupe qui la pratique en marge de la Production Classique. En quatre albums, Mazzy Star a inventé la Shiny Coton Breathing Folk soit une sorte de musique acoustique propice au rêve éveillé. Un miracle qui tient de la dentelle bien que le duo, constitué de Hope Sandoval au chant et de David Roback aux arpèges, ait remplacé le fil par les soupirs. Dix sept ans après, voici donc Seasons of Your Day qui revient pour réenchanter le rêve californien. Rien de neuf sous le soleil de Santa Monica. L’histoire est depuis longtemps entendue. Seule persiste une impression, imprimé délicat dans le cœur de l’auditeur averti par les sirènes de la rumeur. Un heureux souvenir d’un passé que Mazzy Star a décidé de rejouer, loin des turpitudes mille fois rabâchées des nouvelles superstars du rock. Les dix chansons passent d’une humeur à l’autre, comme un frémissement dans l’air qui chasse les nuages pour voir réapparaitre le soleil. Il y a dans Seasons of Your Day des morceaux soyeux où un orgue, un tambourin viennent accompagner les instruments fidèles soit la guitare, rien que la guitare, sous toutes ses formes, tantôt à nu, tantôt électrifiée. On trouve aussi des passages plus ombrageux, ce que d’aucuns appelleraient de la musique sérieuse, conçue pour les adultes et leur monde fait de tourments, de contrariétés, de petits drames communs. Bien sûr et à l’image des précédents témoignages discographiques, l’alchimie entre la voix de Hope Sandoval et les mélodies de son compagnon de route contribue pour beaucoup à la magie que distille ce nouveau disque. C’est un équilibre que les deux artistes ont trouvé il y a de cela vingt ans et qui ne les a plus quittés. Rien ne vient troubler le calme ordonnancement des titres, la musique de Mazzy Star convenant merveilleusement à la retraite – au sens monastique du terme – et à la contemplation. Ce qui prime chez ces moines bariolés, c’est la science, le dosage savant des notes et des sons. Qu’on se rassure, ils n’ont pas oublié le principal commandement : c’est-à-dire la Chanson ou pour parler doctement, le songwriting. Ces deux belles âmes n’en sont pas dépourvues. Ils manient l’art de l’écriture avec une évidence confondante. Sans bavardage bien que la durée des titres dépasse de peu les formats en vigueur. Sandoval et Roback font preuve de constance. Les tracklists de leurs albums n’allant jamais au-delà des douze titres, équation rêvée pour album parfait. Avec dix chansons, l’édifice brille par sa précision mathématique tout en conservant l’essence même d’une vraie pop song, l’émotion. Sans faire le lit du conservatisme, disons que nos deux artisans partagent une même vision, un goût pour le « fait à l’ancienne » qui n’interdit en rien la modernité. Ou tout du moins une approche actuelle des choses. Celle-ci se définit par l’extrême fidélité à un style d’écriture, ce petit rien qui vous invite à ne pas céder à l’air du temps, à ne pas sonner synthétique quand le reste du monde se l’autorise avec une consternante facilité. Ainsi, le plus surprenant à l’écoute de ces nouvelles chansons est que le temps semble n’avoir aucune emprise sur Mazzy Star. Miracle ! Le groupe sonne comme autrefois. Seule évolution notable et pour ainsi dire naturelle, les quelques passages ancrés dans le blues et les parties de slide guitar qui décadrent leur horizon habituel pour contempler avec respect cette country qu’on jouait si bien à la grande époque de Laurel Canyon. Quelques traits de violon, de discrètes caresses de vibraphone ajoutent quelques couleurs de plus à la palette du groupe et c’est avec plaisir que l’auditeur goûtera ces infimes bouleversements. En ne déviant jamais de leur axe artistique, Hope Sandoval et David Roback s’assument comme des musiciens honnêtes. Par là, il ne faut pas entendre « acceptables ». Mais intègres. Loyaux à leur art, à leur public, petit cercle d’aficionados heureux de les retrouver tels qu’en eux-mêmes. Brillants, romantiques, authentiques. Comblés, même, de les savoir encore là. Avec des choses à dire. Et des mélodies à jouer. Ce qui fait, en n’en point douter, la beauté de leur geste. 

Mazzy Star, Seasons Of Your Day (Rhymes of An Hour)

Seasons+of+Your+Day.png

http://www.deezer.com/album/6869730

 

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top