Genesis, autant en emporte l'avant

par Adehoum Arbane  le 18.11.2013  dans la catégorie C'était mieux avant

Pour le vulgum, Genesis restera la bête atroce aux mains d’un Phil Collins imperator, peu scrupuleux de la geste artistique. Personne ne songerait  à remettre en question cette vérité partielle et pourtant relativement injuste. Peu s’en souviennent mais durant les seventies, Genesis incarna aussi – et surtout – le fleuron de la scène progressive anglaise. Peut-être même le plus beau. Par son sens inné de la mélodie, sa poésie délicate et sa vision profondément ancrée d’une musique à la fois immédiate et inventive. D’abord avec Peter Gabriel qui rédigea avec le groupe les pages les plus fastes. Puis avec Philip David Charles Collins, le temps de deux albums studio et d’un live gravé pour l’éternité. Si A Trick Of The Tail – le diable part la queue – apparaît comme une œuvre de transition en tout point réussie, Wind and Wuthering fait figure d’apogée pendant laquelle le groupe se stabilise, mieux s’assume libéré de la tutelle écrasante de son ancien leader. La mue est sidérante. Collins qui assure le chant ne cherche plus à singer Gabriel, mieux il laisse parler l’émotion qui depuis quelques mois le taraudait. Les inflexions pop ne sont jamais loin, comme en témoigne Your Own Special Way, sans rien céder à la mièvrerie qui sera érigée en règle d’or des années plus tard. Pour cela, il peut compter sur le talent de Banks – qui signe la plupart des compositions – Rutherford à qui l’on doit le morceau cité plus haut et Hackett au faîte de son art. Comme à son habitude, tout disque de Genesis réserve ses moments épiques, Eleventh Earl Of Mar et One For The Vine sur la face a, la suite que constituent Unquiet Slumbers for The Sleepers, In A That Quiet Earth et le grand final de Afterglow en face b. Au-delà des propos de circonstance, il convient de souligner l’extrême cohérence qui baigne l’ensemble de l’album, une tonalité à l’image de la pochette dont les subtiles nuances de gris traduisent plus l’unité que la volonté de sur jouer le drame, trait caricatural trop souvent présent dans les œuvres progressives. Cette concorde temporaire masque cependant une toute autre réalité, moins heureuse, celle du retrait « progressif » de Steve Hackett qui partira s’épanouir en solo après la sortie du disque. Isolé musicalement – on le retrouve avec délice sur Blood on The Rooftops –, il fait place à Tony Banks dont les différents synthétiseurs constituent l’une des signatures du Lp. Malgré ces évolutions infinitésimales, la magie opère. Avec élégance, d’une façon si vaporeuse qu’on a l’impression de vivre ces cinquante minutes dans un rêve irréel. Sans fard, sans faute, avec une rare précaution, une parcimonie à laquelle le Genre ne nous a que si peu habitué. La durée relativement maîtrisée des morceaux, hormis les dix minutes de One for The Vine, explique cette impression favorable. Nul bavardage, nulle vulgarité ne viennent entacher les neufs titres. In That Quiet Earth possède ces moments tempétueux que laissait présager la pochette mais la limpidité de Afterglow vient nous délivrer de ces méandres fous. Les chœurs renvoient aux Beatles, comme si Genesis avait voulu tendre une main symbolique aux anciens maîtres sixties dont le Abbey Road avait imprimé durablement les esprits. Neuvième et dernier grand disque du groupe, Wind and Wuthering représente – osons le dire – le bout par lequel il convient d’aborder l’imposante discographie de la Genèse. Exigeant et à la fois abordable, équilibré et encore novateur, celui-ci mérite plus qu’il n’a reçu. Les honneurs ? Trop trivial. La reconnaissance ? Voilà qui serait naturel. Une citation, une vraie, conviendra mieux. Ainsi, le poète Khalil Gibran a écrit : « seul est grand celui qui transforme la voix du vent en un chant que son propre amour aura rendu plus doux. »

http://www.deezer.com/album/300490

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