Miles Kane, trois minutes d'éternité

par Adehoum Arbane  le 08.10.2013  dans la catégorie A new disque in town

Les discours les moins longs sont les plus courts.

Si Miles Kane n’a piqué qu’un seul truc aux sixties, ce n’est pas tant la furie hendrixienne des guitares. Encore moins les orgues baveux ou même les chœurs omniprésents. Non, Miles Kane a tout bonnement recyclé une vieille formule qui fit le miel des années 64-67 en Angleterre – beaucoup – et aux États-Unis – aussi, notamment avec la vague soul –, cette règle d’airain du rock et de la pop : la chanson de moins de trois minutes. Un couplet, un refrain, un pont, un court solo et voilà la merveille ainsi emballée et diffusée sur les ondes comme une trainée de poudre. Qui peut oublier les premiers singles des Beatles, Kinks, Who, en définitive de tous les groupes Mod ? À l’époque, le 45 tours était une religion, un absolu. Certains groupes n’arrivèrent jamais à dépasser ce format, héritant alors de la triste mais si émouvante appellation de one-hit wonder. Quelques quarante neuf ans plus tard, pour son deuxième opus – le très réussi Don’t Forget Who You Are–, Miles Kane n’a pas changé de martingale. Onze titres tous plus efficaces les uns que les autres dont deux ballades. Durée la plus longue, trois minutes et quarante et une secondes, brûlot le plus bref, deux minutes quinze. En bon rockeur méritant, Miles Kane ne se contente pas de faire court, il écrit bien, même extrêmement bien. Il y a dans ses chansons une sorte d’évidence, de clarté. Le propos n’est jamais dilué, au contraire, il trouve sa quintessence à travers des mélodies éclairs. Des refrains que l’on entonne sans résistance aucune. Un art que le jeune homme maîtrise à la perfection et qui devrait lui valoir plus que les faveurs de la critique – qu’il possède déjà – mais celle des foules, voire du Monde entier. Comme ses illustres pairs, l’écriture de Kane touche à l’universalité. L’album quant à lui démarre en force. Pouvait-on d’ailleurs rêver plus belle entame ? Avec Taking Over, Don’t Forget Who You Are et Better Than That, le citoyen Kane nous propulse huit Miles plus haut. Out Of Control s’impose comme une première pause dans l’album, histoire de reprendre son souffle. Notons au passage que cette sublime chanson n’en manque pas. Puis Miles enchaîne sur le trépidant Bombshells, très Who dans les riffs. Fin estomaquante de la face A. Sans laisser le temps dire ouf, le musicien entame cette face B comme un fou. Sur les chapeaux de roues. La mélodie de Tonight est sale, méchante, urgente, le refrain n’est pas en reste avec ses chœurs de voyous des faubourgs londoniens. What Condition Am I In entre comme un gant dans les habits d’un Elvis Costello en mode british, hymne sautillant qui s’invite dans les esprits avec un certain culot. Fire In My Heart se la joue roucoulade romantique avec son ambiance acoustique, presque dylanienne – troisième ère bien sûr – et Miles Kane de montrer au passage à quel point il est un musiciens rusé. Oh surprise, alors que nous étions dans un canyon américain, une nuit à la belle étoile devant un feu à écouter aboyer le chacal solitaire, le musicien nous téléporte dans les stades des seventies où les dinosaures du rock battaient le rappel de leurs millions de fans. You’re Gonna Get It sans trop disserter se plairait dans ces kilomètres carrés architecturés. Avec ses riffs presque orientaux, Give Up s’impose comme une pierre de plus à l’édifice d’un disque aussi fugace – trente trois minutes chrono – qu’intense. Extinction des feux – sans rire – avec Darkness In Your Hearts  au style très bripop. Comble du plaisir jouissif, Miles Kane ne s’est pas borné à reproduire son premier album. Don’t Forget Who You Are possède un son plus radical, plus violent que Colour Of The Trap dont les « couleurs » pop chamarrées avaient en leur temps séduit plus d’un auditeur. Pour autant, à l’instar du précédent, il a su multiplier les précieuses collaborations, s’entourant au moment de l’écriture de pointure comme Ian Broudie, Andy Partridge de XTC et Paul Weller des Jam pour ne citer qu’eux. Au fond, le jeune rockeur a pris le titre de son opus au mot, comme une promesse. Miles Kane sait qui il est : un faiseur d’éternité.

Miles Kane, Don’t Forget Who You Are (Columbia)

miles kane.jpg

http://www.deezer.com/album/6575796

 

 

 


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