MGMT, mentale machine musique

par Adehoum Arbane  le 29.10.2013  dans la catégorie A new disque in town

Inutile de tergiverser, MGMT est l’un des groupes les plus séduisants de ces dix dernières années. Voilà pourquoi il est permis aujourd’hui de chahuter le mythe. Ou du moins de poser une véritable réflexion dégagée de toute influence. Car MGMT est déjà entré dans l’histoire, à contrario de tant de formations dispensables aussitôt écoutées aussi vite oubliées. Avant tout parce que Management appartient au cercle très fermé des groupes ayant réalisé un parfait premier album. Ensuite parce que Ben Goldwaser et Andrew VanWyngarden – les deux têtes pensantes – eurent le courage et l’élégance de remettre en jeu leur statut de leaders incontestés de la pop contemporaine. En livrant au monde – un brin perplexe – le foisonnant Congratulations, nos Harry Potter du néo psychédélisme ont pris tous les risques, y compris – et le plus important – celui de perdre un public acquis d’avance. Arrive le moment tant attendu – étape charnière – du troisième album ! A la première écoute, l’opus éponyme déçoit quelque peu. Et soulève quantité de questions. Les deux musiciens se sont-ils perdus dans les mirages de l’expérimentation ? Ont-ils vendu leur âme au diable à force de vouloir enregistrer à chaque nouvel album l’anti Oracular Spectacular ? MGMT est-il tout bonnement fini ? Au rayon des suicides commerciaux, on pense évidemment au Metal Music Machine de sinistre mémoire. Épouvantable exercice de style en forme d’acouphène géant que Lou Reed avait semble-t-il réalisé en réaction à des obligations contractuelles jugées par le maître lui-même insultantes. La comparaison n’a rien d’exagérée et relève en même temps du raccourci facile. Car et nous l’avons déjà écrit, MGMT n’est pas un groupe comme les autres et leur troisième album contrasté – le mot est faible – n’est bien sûr pas à jeter aux orties. Celui-ci comporte au moins cinq motifs de satisfaction et cinq raisons de ne pas le prendre pour argent comptant. On trouve dans la tracklist, resserrée en nombre mais touffue dans l’inspiration, pas moins de quatre vraies chansons et une composition avec refrain lorgnant pourtant vers la transe expérimentale parfois linéaire. Alien Days, Introspection – reprise geek du songwriter américain Faine jade aux allures d’étudient anglais entouré, notons-le, des futurs Bohemian Vendetta – Your Life Is A Lie et Plenty Of Girls In The Sea apparaissent dans la forme comme autant de singles en puissance. Certes, ils n’atteignent pas la dimension universelle de chefs-d’œuvre comme Time To Pretend ou Kids mais n’en demeurent pas moins des compositions originales, dépositaires du style MGMT. Mystery Disease se situe à la frontière du disque. Entre la pop immédiate et l’électronique libérée. Mais avec ce qu’il faut de fascination, de dangerosité pour imprimer telle une drogue sonore les esprits retors. La suite, trois morceaux s’enchaînant dans un trou noir, vortex musical engloutissant l’auditeur et ses préjugés avec. A Good Sadness, Astro-Mancy, I Love You Too, Death effraient par leur radicalité béate. Qui devient alors subversive. Oubliant la sacro-sainte structure du couplet-refrain, MGMT plonge dans un abîme de sons, de trames multiples, se laisse aspirer par ses aspirations, embrassant un psychédélisme éminemment moderne échappant à toute logique, sans contingence, musique en roue libre. Étonnante découverte, les titres en questions semblent liés, connectés les uns aux autres. Ils témoignent tous d’une certaine cohérence, progression inéluctable comme si une porte s’ouvrait sur une autre. Une fois que l’on s’installe dans ces univers on entend une multitudes de bruits, crissements, tintements, excroissances quasi animales. Astro-Mancy s’apparente à une traduction musicale d’un tableau du Douanier Rousseau. Avec I Love You Too, Death on songe aussi aux tessitures que déroulaient par claviers interposés les sorciers de Weather Report. Ultime tentative d’embrasser le vide spatial, An Orphan of Fortune déroute un peu plus. Segment de morceau orphelin, cordon ombilical coupé, séparé de sa matrice originelle, il sonne alors comme un grand final de Pink Floyd période A Saucerful Of Secrets ou Atom Heart Mother, s’arrêtant et explosant à chaque minute, propulsé depuis la rampe de lancement du studio vers un ailleurs fait de rêverie et d’abstraction. Il convient de finir sur ce mot. Sur ce mot d’abstraction on jugera cet album, en bien ou en mal. Et il faut bien l’avouer, l’écoute, l’analyse, puis l’écoute renouvelée, en boucle, encore et encore, ne suffisent à définir les contours de cette œuvre odieusement étrange, fumiste et foisonnante. Preuve en est de leur dernier passage live à l’Olympia : sur seize morceaux joués, sept appartiennent à Oracular Spectacular. Comme si le groupe voulait s’en affranchir pour mieux y revenir. Mais aux génies on pardonne tout, y compris leur folie. Et puis n’y a t-il pas dans la volonté de dépasser les conventions du genre un acte de création pur, brut et intransigeant ? Si tel n’était pas le cas dans l’esprit de nos jeunes musiciens, leur vie ne serait tout bonnement qu’un mensonge. 

MGMT, self-titled (Columbia)

MGMT.jpg

http://www.deezer.com/fr/album/6909403

 

 

 


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