FUZZ, effet d'annonce ?

par Adehoum Arbane  le 15.10.2013  dans la catégorie A new disque in town

La formule est entendue. L’acte de décès maintes fois signé. Le rock serait mort, allez, au moins depuis la fin des années soixante dix. Après, peut-être, le dernier sursaut du punk ou bien le suicide de Ian Curtis. Début des années 2000, on a cru à une résurrection, tout du moins un retour porté par les guitares faméliques, asséchées des limpides Strokes. Non le rock n’est pas mort, pas plus qu’il n’était parti. Et ce malgré la vague dance, le rap, l’électro, le drum and bass ou le dubstep. Le rock a toujours était là, il couvait littéralement, prêt à jaillir à nouveau tel le lait sur le feu. Le rock vivait une sorte de villégiature, une retraite anticipée. Attendant l’occasion, le prétexte. Tout simplement l’homme providentiel ? Le dernier projet de Ty Segall, bouillonnant trublion de la nouvelle scène san franciscaine, le démontre et avec quelle ardeur ! Animé par je ne sais quelle force – l’honnêteté ? – FUZZ n’a pas choisi de rabâcher un passé trop souvent mal digéré – et donc bêtement restitué –, non FUZZ a repris à son compte les plus fameux concepts que les sixties inventèrent : le riff et le power trio. Le solo aussi. De tout cela il est question dans cet album éponyme à l’étonnante pochette – sorte de dragon-étoile serti dans un cosmos en brouillon – qui semble parfaitement résumer l’intention de Ty Segall, Charles Moothart et Roland Cosio : un space rock saturé d’électricité, à la fois bourdonnant et anguleux. Quelques âmes impatientes ont comparé la chose avec Black Sabbath dont la proximité calendaire des sorties en devient presque troublante – donc séduisante – mais il convient de redéfinir les contours de la musique que jouent – très fort – nos trois compères. Les huit titres s’inscrivent dans une tradition typiquement américaine, tantôt hendrixienne, tantôt stoogienne, mais toujours tempétueuse. À y prêter l’oreille, on jurerait entendre les brûlots méconnus que des californiens fous enregistraient entre 1967 et 1969, les Twentieth Century Zoo et autres Head Shop. Le tout plongé dans la fontaine de jouvence des années grunge. Mais en conservant l’esprit jam des seventies. Si la définition n’est pas toujours claire la seule écoute religieuse permettra à chacun de se faire son idée, si tant est qu’on résiste aux déflagrations qui explosent à chaque couplet – ??? – dans les brèches béantes qu’ouvre l’infatigable guitare de Moothart. On n’avait pas osé depuis longtemps laisser les guitares s’exprimer ainsi, sans paroles, sans mélodie, pour le seul plaisir infantile de produire du bruit, des excroissances soniques tronçonnant oreilles, tête, corps, appartement, immeuble, voisins avec. Le groupe ne fait pas dans la dentelle, plutôt dans la tapisserie orientale dévorée par les incendies qu’il déclenche intentionnellement. Des Big-Bang à chaque chanson. Des compositions littéralement napalmées. Comme si les musiciens voulaient effacer leur trace. Dommage pour eux. L’album est bien réel et plutôt bon, voire même excellent. Excellant donc dans l’art de la déconstruction. Étourdissante – et assourdissante – méthode maîtrisée jusque dans les moindres détails et qui conserve cette dimension live d’une musique pourtant couchée en studio et que nos gaillards ont dû même écrire !!! Première face impeccable enchaînant les titres efficaces – même si certains poussent plus loin –, deuxième face qui, elle, semble explorer les confins, des endroits non balisés, avec cette impression d’une longue et unique composition, sans interruption, libre, dégagée de toute contingence, heureuse d’improviser ça et là, d’ouvrir des voies, des perspectives nouvelles et ce dans le cadre relativement conventionnel de la rock song. Maelstrom orgasmique, orage électrique, Katrina et Sandy additionnés et déferlant, voraces, furieux, dans les enceintes qui, aujourd’hui, peinent à s’en remettre. Finalement, le seul espace habité, au sens psychédélique du terme, reste encore le silence. Après que le disque a délivré sa dernière seconde. Beaucoup plus mortel, rageur et tellement meilleur que Bertrand Cantat en mode deux poings zéro.

FUZZ, self-titled (In The Red Records)

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http://www.deezer.com/album/6910779

 

 

 


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