Aline, premier baiser à l’Alhambra

par Adehoum Arbane  le 18.06.2013  dans la catégorie Interviews & reportages de Shebam

Qu’on se le dise. Aline propose la musique – chantée en français – la plus excitante qui soit. Et ce dans un paysage hexagonal en pleine mue et qui fut longtemps freiné dans ses ardeurs créatives par les mammouths de la variété. Devenue enfin alternative, cette dernière s’est plongée corps et âme dans un véritable bain de jouvence pop. Le premier album des anciens Young Michelin ressuscités en Aline – acte salutaire s’il en est – ne se contente pas de loucher vers le passé – préférons le terme d’Histoire – mais se focalise sur ces trois minutes et quelques qui balisent les contours de la chanson pop depuis les quatre de Liverpool. Au passage, notons que la France, malgré ce passif avéré, a souvent proposé de très bonnes formations qu’il serait injuste de qualifier de copistes. Il existe depuis toujours une véritable pop à la française. Pour l’heure, il s’agit de faire vivre ces morceaux, bien vivants en studio, en live devant une assistance certes séduite mais malgré tout exigeante. Fort heureusement, le groupe n’en est pas à sa première scène et la rumeur court qu’ils sont meilleurs set après set. Une soirée donc pour confirmer ou non la chose. L’Alhambra se remplit progressivement et là, parmi la foule bigarrée, un paradoxe saute aux yeux. Dépositaire d’une pop adolescente hyper passionnelle, Aline réunit pourtant ce soir un public étonnamment plus mûr, quadras dynamiques et quinquas heureux. Regard de scanner balayant de droite à gauche. Working upper class hero, père de famille branché, journaliste émérite et ancienne gloire de l’indie pop française, chacun trouve sa place dans son mètre carré de chairs apprêtées. Rassurez-vous, quelques jeunes parisiens élégants ont fait le déplacement. Ils viennent goûter l’humeur du moment et voir ce que nos cinq garçons dans le vent ont à raconter dans une salle surchauffée. Osons une théorie, ces jeunes éclaireurs des nuits parisiennes veulent tester les effluves néo romantiques distillées par la musique d’Aline. Après le passage remarqué d’Autour de Lucie – dixit les fans nostalgiques – le groupe entre en scène et déroule un à un les morceaux de Regarde le ciel et les quelques premiers singles composés du temps de Young Michelin. L’interprétation, tendue au possible, nerveuse et rock – les chansons sont toutes admirablement restituées et plus si affinités – montre un groupe soudé, maîtrisant ses morceaux sur le bout des doigts qui titillent ça et là guitares cristallines, basse rondelette et claviers diamantaires. Romain au chant s’amuse des vers lapidaires qu’il connaît pour les avoir écrits avec une aisance, un culot même qui ne laisse personne indifférent. Il arrive par la même à se renouveler, évitant ainsi le piège du trac qui peut littéralement tuer un concert. Dans la fosse, chacun se laisse gagner par la sourde émotion qui émane des chansons. Malgré le professionnalisme des musiciens et les constations d’ordre générationnel, la centre gravité des âges se déplaça ce soir-là comme par miracle. Pour se poser sur deux jeunes gens très modernes. Lui, jeune chien fou, boit un peu et danse beaucoup. Elle, beauté magnétique, lui sourit puis regarde le ciel aux noirceurs insondables. De temps à autre, un flash de lumière partant de la scène transperce la foule, caressant les contours de leurs visages. Ils se jaugent, lui, attendant un signe, elle, un geste, un pas qui ne soit pas forcément un pas de danse, ni un pas de trop. Obscène, non, il serait plutôt du genre voleur, maudit garçon, pupilles aussi claires qu’une ligne de BD ou de Rickenbacker. Qui sait ce qu’il adviendra d’eux ? En attendant que le drame ne se dénoue, le groupe joue avec la détermination qui sied si bien à son style, à sa couleur. Il fusèle ses titres comme on décoche les flèches ; EN PLEIN CŒUR ! Par respect, par pudeur aussi, je ne dirai pas ce qu’il advint de nos deux hirondelles. Vers quels cieux, autres que les faïences du métropolitain, ils se sont en définitive envolés. Au milieu des limaces et des morceaux de corps brisés par la nuit arrosée d’alcools précieux et d’ondées. À dire vrai, je n’en sais rien. Je me contente de repartir de mon côté avec les copains. Avec aussi en mémoires les souvenirs vibrants des instruments contractés sous les ploiements des musiciens d’Aline. Un soir d’errance. Un soir de live où ils ont embrassé la gloire quand d’autres se sont peut-être simplement embrassés.

http://www.youtube.com/watch?v=kW7cIvXu4c0

Crédit photos Marielle Schaus ©

Reportage photos :

http://tinyurl.com/mwf6sfa

 

 

 


Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top