The Shins, Port Of Morrow

par Adehoum Arbane  le 20.03.2012  dans la catégorie A new disque in town

Retour au port.

On l’attendait ! L’expression relève du doux euphémisme. En onze années d’existence, les Shins ont produit quatre opus. Là où les Beatles livrèrent treize albums en sept ans. Mais chez James Mercer, la valeur n’attend pas le nombre des œuvres délivrées. Séparé des contingences collectives, le nouveau line up n’ayant pu participer à l’enregistrement de Port Of Morrow, Mercer a conçu cinq ans après son chef-d’œuvre Wincing The Night Away une suite à son image. Passons sur l’ossature parfaite de l’album, 10 morceaux au compteur, une entrée en matière accrocheuse, un premier tube stadium, une ballade pop, une chanson maligne en forme de tourbillon sonique, une deuxième ballade appellation Shins d’origine contrôlée, un début de face B ultra catchy avec refrain imparable et une fin d’album plus habile, plus complexe aussi. Oui, passons ce premier fait d’arme. En cette année si propice au bilan, dressons sereinement celui du formidable leader des Shins. Depuis une grosse décennie, James Mercer mène avec talent la barque de la formation indie pop la plus passionnante que l’Amérique compte. Sans évoquer les débuts au sein de la préquelle Flake Music, penchons-nous sur les albums. Quatre donc avec Port Of Morrow. En 2001, Oh, Inverted World avait surpris son monde. Constitué de petits instantanés pop fleurant bon le swinging London des sixties (parfois les Who de la période 65-66) mais dans une forme fondamentalement contemporaine, cette première livraison pose les bases de l’identité des Shins. Fraîcheur, mélodies en cascade, refrains sautillants, mélancolie de campus comme sur le mythique New Slang qui sera adoubé par la caste du cinéma indie US dont le film Garden State demeure l’un des piliers. On se souvient de la frêle mais non moins adulte Nathalie Portman citant la chanson comme une œuvre capable de changer la vie. Pas dégueu dans le genre référence ultime. Deux ans après, Chutes Too Narrow poursuit cette veine juvénile tout en enrichissant le propos d’instruments multiples et de riffs plus agressifs. Boum, nouveau classique. Puis, pause de quatre ans. Quatre longues années qui permettent à Mercer de murir son grand œuvre, Wincing The Night Away. Rien que l’entame de l’album organisée autour de la suite hautement cohérente, Sleeping Lessons/Australia/Pam Berry/Panthom Limbs, fascine encore aujourd’hui par sa puissance créatrice. Sans parler du canterburien Sea Legs. Enorme succès critique et commercial, 53 000 copies écoulées en huit jours et près de 500 000 au total ; la consécration pour un groupe indépendant. Mettant le projet Shins en sourdine, Mercer se consacre à de fructueuses collaborations qui donneront naissance au délicieux album éponyme de Broken Bells. Ce qui n’empêche pas la webzone de frémir quand une nouvelle contribution des Shins est envisagée.

Quadra & quadrature pop.

Approcher Port Of Morrow mérite que l’on se prête à l’exercice avec la plus extrême précaution, non pas par religiosité, mais parce que l’album se révèle quasi cathartique. Je n’irai pas jusqu’à parler de virage philosophique, voire sectaire. Non. L’explication est plus simple. James Mercer aura 42 ans le 26 décembre prochain. Et c’est en quadra qu’il a abordé, me semble-t-il, l’écriture des 10 morceaux de Port Of Morrow (le deuxième port le plus important d’Oregon).  Moins aventureux que son illustre prédécesseur, l’album revient aux fondamentaux tout en proposant de nombreuses ballades, comme autant d’états d’âme que l’auteur exprime ici de façon très touchante. The Rifle’s Spiral, Simple Song, Bait and Switch et September renvoient précisément au premier âge des Shins où la spontanéité prévalait. Si Fall Of 82 détonne par ses élans funky pop, le plus intéressant se situe du côté de ces chansons tendres et poignantes, jamais larmoyantes. It’s Only Life nanti d’un piano syncopé et For A Fool avec son motif de guitare, tout en trémolo vibrant, témoignent de cette épanouissante seconde vie qui s’ouvre pour Mercer. C’est sans doute le deuxième titre qui transcende le plus cette certitude : avec ses violons lyriques, ses chœurs spacieux (Mercer a tout fait lui-même), ses orgues roucoulants, For A Fool joue la carte de la romance et il ne manque plus qu’à ce tableau idyllique, westernien en diable, des coyotes ululant dans la nuit tapissée d’étoiles. A dire vrai, c’est une autre image qui nous vient à l’esprit en songeant à la belle maturité de l’artiste. Celle de la pochette de Tapestry de Carole King où la chanteuse pose accroupie sur un bord de fenêtre, jean pattes d’eph’, pieds nus, avec un chat au premier plan. S’il fallait résumer les moments les plus intimistes de l’album, cette image en incarnerait la représentation la plus juste. Une peinture plus américaine que par le passé si l’on fait exception du solo très synthétique qui transperce le sublime 40 Mark Strasse. La chanson titre quant à elle sonne comme une fin ouverte. Elle déploie un univers quasi inédit que l’on retrouve dans les inflexions étranges de la voix de Mercer, ressemblant à s’y méprendre à celle de Thom Yorke, la biglerie en moins. Avec ses ambiances aquatiques, elle aborde de nouveaux rivages bien plus conceptuels qui pourraient faire écho aux montagnes russes mélodiques de Wincing The Night Away. A l’arrivée, c’est un disque apaisé que nous livre les Shins enfin Mercer, unique maître d’œuvre de ce fantastique Lp. Certains esprits chagrins y trouveront à redire. Plutôt un bon point. Seuls les génies ont la réelle capacité de décevoir. 

Simple Song, le clip : 

http://www.youtube.com/watch?v=RoLTPcD1S4Q

http://www.deezer.com/fr/music/the-shins/port-of-morrow-158355

 

 

 


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