Désir d’avenir

par Adehoum Arbane  le 11.10.2011  dans la catégorie Récits & affabulations

Le rock critique est-il un immortel ?

 

Le besoin d’écrire répond à un désir d’éternité. Une puissante volonté d’inscrire sa trajectoire dans le Temps. L’Histoire. Que serait l’histoire sans ses héros ? Vaste et profonde réflexion qui appelle la sagesse contemplative alors que le temps, variable numérique, semble défiler à une vitesse vertigineuse, menaçant sans cesse de plonger l’humanité entière dans les gouffres de l’oubli. Sentiment décuplé par cette séduisante et folle modernité qui fait triompher l’Instant et dont les médias raffolent. Twitter, Facebook… Les posts s’envolent, seuls les écrits, les vrais, restent dans nos mémoires. Une nécessité vitale donc. Oui, l’expression n’a jamais sonné aussi juste s’agissant de celui ou celle qui s’essaye, se frotte à la littérature. Roman, poésie, nouvelle, essai… Chanson ! Venons-en à la pop song, ce continent à peine esquissé. Non seulement les paroles demeurent gravées dans le marbre (y compris de la SACEM), mais les mélodies, ces petites choses sucrées et entêtantes, profitent du même traitement si ce n’est qu’elles se trouvent fixées à jamais dans les sillons pâteux du vinyle. Je ne parle même pas des phénomènes de digitalisation réelle et virtuelle qui les propulsent d’ores et déjà dans le futur, au-delà même des siècles ; seule la fin du monde pourrait briser net cette infinie séquence mémorielle. Depuis 40 ans que l’on fredonne des airs comme Something ou God Only Knows, il est fort probable qu’il en sera encore ainsi dans 50 ou 100 ans. L’écrit journalistique peut-il concourir dans la même catégorie et bénéficier ainsi d’une salutaire immortalité ? La question est entière comme la tarte est tatin. Elle l’est d’autant plus que les héros du journalisme, en l’occurrence de la rock critique, ont accédé au statut d’immortels parce qu’ils avaient précisément taquiné la chose littéraire. Même de façon partielle. Comme le vénérable et vénéré Lester Bangs. Pour les autres, les maints articles furent compilés en Livre, incarnation matérielle du Roman. Cette reconnaissance érige ainsi la « chronique » en œuvre ou création littéraire à part entière. Les critères qui ont présidé à celle-ci dépassent de loin la pertinence du regard pour embrasser une vision plus poétique, tel le mouvement gonzo, véritable processus de narration qui valut à certains les honneurs de leurs vivants ou la gloire posthume. N’y a-t-il pas cependant dans cette tentative réussie, achevée, la volonté de flatter l’égo de ceux que l’Histoire peina à considérer comme des héros du rock ? Surtout face à des personnages de la trempe littéraire comme Morrison ou Dylan qui fut célébré il y a peu comme l’un des grands « romanciers » de son temps. Certes, le petit juif du Bronx devenu star de la folk ne manqua pas de talent, voire de génie, malgré une voix nasillarde et une fin de carrière moins passionnante que les premières années situées entre 63 et 66. Face à de tels mythes, comment exister, sortir de l’image d’ennemi, de gratte-papier, de pisse copie ? Les romanciers pensent en ces termes, en chapitres, saga, nous les rock critiques en « signes » et « feuillets ». C’est dire le fossé qui nous sépare. Il nous reste la biographie, qui connaît aujourd’hui de belles heures, pour transcender nos ambitions littéraires même si les personnages, les rock stars, ne sortent nullement de notre imaginaire. Il nous reste aussi la langue pour façonner des écrits avec ce qu’il faut d’âme, j’ose le dire, de génie pour emporter les foules. Et pourtant, quelque chose fait carence. Pour friser l’apothéose. Les romanciers avaient les portraitistes, puis les photographes, les rockeurs avaient le Vinyle, la Pochette. Et nous, que nous reste-t-il ? L’intuition, l’inspiration, l’audace, oui l’audace. Pas si mal que cela. Faisons bon usage de ces qualités si chichement attribuées. Et le reste viendra, à commencer par le Livre, puis la Reconnaissance. Et pourquoi pas Une Œuvre ? Le romancier doit souvent, avant de se plonger dans la frénésie de l’écriture, posséder son sujet. Nous, rock critiques, l’avons déjà trouvé. Il s’est livré à nous depuis les années 50, si enthousiastes et puériles, pour se formaliser à travers la révolution convulsive des sixties. Le Rock. Un sujet. LE SUJET. Pour certain un idéal, pour d’autre un oxygène. Après il n’est question que de désir… D’envie d’écrire. Au travail ! A l’Œuvre !

http://www.flickr.com/photos/shebamblogpopwizz/sets/72157627690635393/

 

 

 


Commentaires

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30.06.2012

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