Simply the best Of 2010

par Adehoum Arbane  le 13.01.2011  dans la catégorie A new disque in town
Concile pour du concis.

Comme l’affirmait si bien André Gide, choisir c’est se priver du reste. Exercice délicat que de sélectionner parmi la masse pléthorique des sorties musicales les douze disques qui ont marqué l’année. Un premier filtre permet un rapide écrémage : le genre. Laissons de côté le rap, la world music, la variété ou l’électro pour ne garder que le rock, même si la pop fut en cette année 2010 à l’honneur. Puis vient le temps de l’écoute, des premiers coups de cœur, des grandes déceptions, des enthousiasmes largement confirmés. On en arrive alors à un bataillon ramassé d’albums, le meilleur, le très bon n’ayant pas sa place ici. Car il faut bien l’avouer, je n’entends rien à ces palmarès boursoufflés, répertoriant laborieusement une grosse cinquantaine d’albums. L’exigence semble avoir été mise de côté. Un best of de l’année, c’est comme la tracklist d’un album. Un bon disque, cohérent, écoutable, c’est dix à douze morceaux maximum. Plus, s’il s’agit d’un double album mais là encore les grands doubles ne sont pas légions. Et avec la globalisation du CD et l’arrivée du format digital, la notion de double album n’a plus guère de sens. Peu de groupes peuvent s’enorgueillir de proposer seize excellentes chansons. D’ailleurs, les deux exceptions à cette sacro sainte règle, Arcade Fire et Katerine, ont leur raison que la raison ignore. La dernière livraison d’Arcade Fire impressionne par la constance de ses morceaux. Quant à l’album de Katerine, cet ensemble de vingt quatre chansons (!!!), brèves, iconoclastes et expérimentales relève plus du concept que de la boulimie incontrôlée. Enfin, pour aller jusqu’au bout de mon propos, j’ai opté pour la micro chronique : inutile de s’étendre. En effet, nombre des disques retenus ont déjà été disséqués en long et en large. A l’image de cette assemblée des treize, je serai donc concis. Place à la musique à travers l’écriture…

Indétrônable premier album retenu dès sa sortie et qui toute l’année a tenu la corde, The Besnard Lakes Are The Roaring Night. Il s’agit du troisième album de ces rockeurs canadiens. Leur audacieuse fusion entre velours pop, à travers la combinaison magique des voix, et la violence rock’n’roll des guitares continue d’exercer une réelle fascination auprès de l’auditeur chanceux et pas moins averti. Et puis putain merde, les songs sont là !!! Puissant, incarné, rugueux, les cinq musiciens ont trouvé le son. Avec ferveur, honnêteté et intensité. Tout bonnement le meilleur album (indie) rock de l’année. Yeah.

MGMT avec leur parfait premier album avait été la sen-sa-tion de l’année 2007. Trois ans plus tard, le succès planétaire bouscule le duo indie. Et alors qu’ils s’apprêtent à entrer en studio pour la deuxième fois, ils décident de ne rien faire comme avant. Nouveau producteur, déménagement en Californie, à Malibu, pour enregistrer ce qui deviendra leur hommage à la sunshine pop des sixties. Cette musique que Phil Spector qualifia de « petites symphonies pour les mômes ». Le disque cool par excellence, génial, érudit, osé, définitif, foutraque et qui m’a satellisé direct dans ma toute première paire de Vans. D’autres ont suivi depuis. Le pied quoi.Congratulations !

Ça fait des années que je le claironne à qui veut bien l’entendre : les Shins se sont imposés en trois albums comme la meilleure formation pop américaine (avec MGMT). James Mercer, leur leader, dont le talent d’écriture n’est plus à démontrer, a emprunté un chemin de traverse s’entourant du producteur Danger Mouse pour monter le projet Broken Bells. Sur disque, l’alchimie fonctionne tout de suite. Parfaits de bout en bout, les dix morceaux représentent un concentré de pop moderne, malgré les quelques nappes de mellotron et les clins d’œil appuyés à la musique d’Ennio Morricone. Dire que l’on attend la suite avec impatience relève de l’euphémisme. Pleeaaaase, retournez vite en studio !!!

Oubliez Noir Désir (d’avenir ???), ces gars là sont finis, pour vous pencher sur la meilleure formation française : Syd Matters. Anglophiles par passion et nécessité (le soucis de l’écriture), nos cinq musiciens continuent leur aventure passionnante entre pop simplissime et rock savant. Sur disque bien entendu, mais aussi sur scène où ils déclinent la matière patiemment accumulée depuis 2003. Malgré des influences totalement assumées, Radiohead et Grandaddy en tête, Syd Matters brille plus que jamais par sa singularité dans un paysage français se bornant à recycler platement le son anglo-saxon. Une signature musicale identifiable entre mille, une exigence permanente et une maturité, objet d’une concorde des plus harmonieuses, filtrent de Brotherocean. Fra-ter-nité on vous dit, mais sans les accents ségolèniens.

Arcade Fire a enfin remisé ses guitares indé au gratouillage horripilant pour un instrumentarium pop, voire classic rock. Et ça marche, si, si je vous jure. Malgré une tracklist conséquente ayant les atours du double album et quelques titres dispensables (peu en vérité), The Suburbs sonne comme un classique éternel. L’écriture, l’interprétation et la production flirtent avec la perfection. Potes des indispensables Besnard Lakes, Arcade Fire prouve qu’il faudra désormais compter avec eux et leurs chansons foisonnantes. Un des groupes dont on reparlera dans vingt ans, ça je peux vous l’assurer. Bon, ne reste plus qu’à attendre le quatrième album pour savoir si ma prophétie relève de la bouffonnerie. Ou pas.

Avec ses allures d’étudiant pompidolien et ses faux airs de Roger Waters affable, Arnaud Fleurent-Didier est un phantasme à lui tout seul. Je m’explique. A l’instar d’artistes avertis comme Alister ou Alexandre Chatelard, AFD a réussi à réconcilier chanson française et pop anglo-saxonne. Son dernier opus, La reproduction, représente un modèle du genre. Références rusées, humour suave, poésie érotique constituent les premiers atouts de l’album mais pas que. La production hallucinante, preuve de l’érudition du jeune compositeur, achève littéralement l’auditeur heureux. Pour les autres, il reste encore la pop folk nase de Zaz.

Ok, The Coral se la joue vintage mais l’assume. Après des années et des années de bons et loyaux services à décliner des influences façon « Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses. », les cinq musiciens de Liverpool lorgnent du côté des Byrds période « Notorious… » avec des mélodies résolument aériennes qui s’expriment au mieux sur Butterfly House, le morceau titre, ou le gracile 1000 Years. Certes, la chose est entendue. Mais quel plaisir de la savoir si familière encore à nos oreilles, d’en retrouver les moindres détails, de ceux que nous tenions pour acquis. Pour la défense des acquis musicaux !

Un argument de poids qui explique la présence de Avi Buffalo au casting des meilleurs albums en 2010. Leur appartenance au label Sub Pop, écurie aux prestigieuses signatures : Nirvana, Shins, Postal Service, Fleet Foxes, j’en passe et des pas dégueu. La voix nasillarde d’Avigdor Zahner-Isenberg, leader du groupe, n’a pas son pareil pour explorer les tourments de la jeunesse en skate à travers des mélodies douces-amères. Du Larry Clark fait son, la glauquerie en moins. Avec les mois, et de nombreuses réécoutes, cette première livraison impressionne par la maturité de son propos et sa richesse musicale. Pas mal pour un groupe de gamins.

Alors que les socialistes français recherchent encore et toujours la synthèse, LCD Soundsystem, formation éclair du génial James Murphy, l’a belle et bien trouvée. Troisième et ultime livraison, This Is Happening résonne plus fort, plus loin. Enorme mix bandant entre punk, glam, électronique et dance, les neuf titres qui le composent éclaboussent nos visages comme une vague de jouissance. On en redemandait, mais l’aventure s’achève. Plutôt que de mollement durer, mieux vaut brillamment s’arrêter, a dû se dire Murphy en dissolvant LCD. D’autant que les incursions du génie barbu dans la pop classique ont de quoi réjouir quant à la suite. Le seul groupe à avoir réussi ce que Franz Ferdinand n’a pu concrétiser dans son dernier opus : une musique pensée pour danser mais suffisamment dense pour penser.

Ce digne héritier de Brian Wilson représente l’un des jeunes espoirs de la pop française anglophile avec The Agency et Sourya. Any Version Of Me nous livre en cette année faste son troisième opus. Entièrement autoproduit, comme les précédents, la qualité du songwriting qui présida à l’édification de Wasted Sun démontre son étonnante facilité à enfiler les mélodies. L’expression est ici toute choisie. Ainsi, notre musicien a assemblé un nombre incroyable d’idées emmagasinées, de refrains épars, de bout de chansons pour construire ses morceaux à la manière d’un architecte visionnaire. Le résultat est là, hymne cristallin à la sunshine pop US des années 67-68. Magistral.

On peut être rock et opter pour une philosophie résolument consumériste. C’est équipé du tout premier casque d’écoute, modèle Major, signé Marshall (rappelez-vous les fameux amplis) que j’ai redécouvert les pop songs hendrixiennes période Axis  de Tame Impala, quatuor australien. Nos rockeurs se définissent comme « a steady flowing psychedelic groove rock band that emphasizes dream-like melody ». Vaste programme. A l’image de la pochette, l’une des plus originales du genre loin, très loin des clichés acidulés qui firent la magie des productions d’antan. On y adhère forcément.

Avant, il y avait Dante et son œuvre transcendée par les dessins fous de Gustave Doré. Aujourd’hui, un homme a repris le nom de l’œuvre en question pour décliner sur sa propre palette toutes les nuances de la pop imaginées depuis les Beatles. Ainsi, la dernière livraison de The Divine Comedy, Bang Are The Knighthood, se veut la plus accessible pour le mélomane en formation. Classieux, racé, justement arrangé et chanté, l’album a la longueur des vieux Cognac que l’on savoure le soir, le pied dans ses chaussons, pipe en bouche, n’en déplaise à madame. Neil Hannon charme par sa drôlerie et ses mélodies aussi expertes qu’immédiates. Quant à la pochette, c’est un chef-d’œuvre d’humour british. Génialissime pour un artiste irlandais de surcroît !

Philippe Katerine, c’est un peu la hidden track, la cerise sur le gâteau pop de ce classement haut en couleur. Malgré les digressions, le côté « Picasso ? Pfff, mon petit frère en fait autant », l’opus propose son petit lot de pépites à l’écriture maîtrisée comme Ma Vieille Chaîne, Cette Mélodie, Parivélib’, Sac En Plastique, La Musique, Des Bisous, La Banane, J’aime Tes Fesses et Musique d’Ordinateur, prouvant au passage et s’il en était besoin le savoir-faire du vendéen. Tout cela remplissant largement un album entier et de façon plus que convenable. Ce qui fait pour moi la différence. Alors, un grand merci à Katerine pour ses conneries, ses abus, surtout lorsqu'il dégaine de tels joyaux.

Le tour de force de cette année 2010, c’est tout bonnement l’année 2011. De nombreuses sorties nous intéressent ici. D’abord Fleet Foxes dont le deuxième album devait normalement paraître en septembre de l’année dernière. Imaginez le dilemme de ce classement. Qui éliminer pour ne pas tomber dans la boursoufflure ignoble ??? Ouf !!! Sont également attendus avec une impatience à peine feinte le prochain Alister, un deuxième coup de maître ( ?) de Broken Bells et tant d’autres perles encore inconnues. De plus, avec le chef-d’œuvre d’Arnaud Fleurent-Didier, la Culture France semble se réveiller. Quels seront les futurs chanteurs de variété, fans de pop anglaise, à ajouter cette année leur nom à ce panthéon musical ? J’en reste encore transi d’émotion contenue, à la limite de la semi molle intellectuelle. Toujours est-il que la nouvelle décennie s’annonce palpitante, riche de cette antienne : « simply the best ».

Best Of de l’année 2010

Besnard Lakes Are The Roaring Night

http://www.youtube.com/watch?v=xYIFj5ZkZCU

MGMT, Congratulations

http://www.youtube.com/watch?v=JyaDTiXH3R4

Broken Bells, Broken Bells

http://www.youtube.com/watch?v=5tstDvkpDlw

Syd Matters, Brotherocean

http://www.youtube.com/watch?v=A4N_zbegHro

Arcade Fire, The Suburbs

http://www.youtube.com/watch?v=5Euj9f3gdyM&ob=av2nm

Arnaud Fleurent-Didier, La Reproduction

http://www.youtube.com/watch?v=W-EzL7nAgnE&feature=fvst

The Coral, Butterfly House

http://www.youtube.com/watch?v=5itk2A6KrOM

Avi Buffalo, Avi Buffalo

http://www.youtube.com/watch?v=5tHwJcOWw1c

LCD Soundsystem, This Is Happening

http://www.youtube.com/watch?v=x2Nt7P8vCzQ&feature=fvst

Any Version Of Me, Wasted Sun

http://anyversionofme.com/album/wasted-sun

Tame Impala, Innerspeacker

http://www.youtube.com/watch?v=oII8oDAl3Iw&feature=related

The Divine Comedy, Bang Are The Knighthood

http://www.youtube.com/watch?v=0MVESWB1CBg

Philippe Katerine, Philippe Katerine

http://www.youtube.com/watch?v=eVWfnjd20Lw

 


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