Sourya, les 21 century boys

par Adehoum Arbane  le 25.09.2009  dans la catégorie Interviews & reportages de Shebam
Mélancolie, machines et chants magnétiques.

Scratch… Crxxxxx… Vrooommbbbsssss… Zzzzzzzxxxxxxcccriiiiiiiiiiiiittccccchhhhhh…
La machine à écrire crisse, le clavier se tord, c’est ma première interview chronique entièrement électro, je tourne un bouton, un mot se transforme en un autre, les basses explosent alors en syntaxe cool.
cccccrrrrrriiiisssccccrrrriisssssss…Xxxxxxxxxxxxxxxxxbbiiiiiiiiiiippppppppp... Vuuiiiiiiiiiiizzzzzzzzzooooouuuuuuyyyyiyiyiyiyiyyyrrijjjjjgggscratttttttccccccchhhhhhhh…
L’espace d’un moment élastique je deviens moi-même Dj. Vous allez bientôt me demander le pourquoi d’un tel virage, les manettes bloquées à fond dans l’électronique onctueuse ? Je pars rencontrer la formation du moment qui va atterrir pour nous faire redécoller un long moment, éternel j’espère : Sourya. Direction le Batofar où je vais assister à un set avant de sortir Caroline, mon dictaphone, et saisir dans le marbre de l’écrit le témoignage du groupe le plus excitant de la scène parisienne. Rock et électro, pop et synthétique, glam et punk, ils sont tout ça et plus, et mieux. Ils incarnent l’avenir, mes kids, le futur c’est eux. Donc, j’ai rendez-vous avec le futur. On croirait le résumer en quatrième de couv’ d’un roman de science-fiction, « votre rendez-vous avec le futur ». Le Batofar semble avoir été posé sur l’eau par la main de Dieu. Je traverse la passerelle, descends inspecter la salle encore vide, seul un ingé son procède aux réglages d’usage avant le lancement des festivités soniques. Les formations jouant ce soir arrivent progressivement, lancent quelques regards vaguement techniques vers la scène comme pour tester l’espace et ressentir la future moiteur qui s’emparera des corps alors que leur musique se déversera lentement puis violemment dans la pénombre. Je remonte goûter l’air. C’est un début d’été paisible où les couleurs semblent s’installer calmement, occupant les lieux pour la première fois. La foule commence à débarquer ou, pour être plus précis, à embarquer. C’est Rudy qui le premier vient me saluer, je lui parle de l’interview et aussitôt il s’enquiert de l’arrivée de ses petits camarades. Sur le quai, Julien une bière à la main se prépare au set. Nous échangeons une poignée cordiale. L’heure approche, je me glisse dans les tréfonds opaque du Batofar. Arnaud bosse sur ses percussions électroniques, Julien branche ordinateur et platine et Sou débarque enfin. Chacun s’affaire, le concert va bientôt débuter. Puis, là, dans l’attente et l’extase bien présente les morceaux explosent, tout le répertoire a été revisité façon électronique glapissante. La matière est connue et pourtant neuve, ouah, quel pied, quel trip. Moi qui suis adepte d’une certaine musicalité d’époque, des sons vintage façon sixties intronisées, je me sens envahi par une puissance, une jouissance inédite, celle des machines qui œuvrent maintenant sous les caresses expertes des quatre jeunes musiciens. Tout y passe, Anatomy Domine, tout, rien ne nous est épargné, le plaisir est là, quasi enfantin. Je suis automatiquement satellisé quand Sou se met à jouer d’une sorte de petite console sur laquelle il tapote de façon saccadée pour en extraire des petits sons qui crépitent, des piailleries animales. Génial. Scratch… Crxxxxx… Vrooommbbbsssss… Zzzzzzzxxxxxxcccriiiiittccchhhhhh fait alors mon cerveau et mon corps tout entier lui emboîte le pas, je danse de manière minimale, je ne suis pas un clubber né, encore moins un moonwalker assumé, mais il faut bien avouer que la musique agit sur mon organisme comme si mes veines avaient avalé leur dose de Sourya. Je plane dans un ailleurs bourdonnant. Cool. Une heure après, me voilà dehors, haletant comme si je sortais d’une apnée interminable. Je bois littéralement le ciel. Recouvrant mes esprits, je pars en quête du groupe. Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons tous avec Jean-Paul Gonnod, le producteur, confortablement assis sur les marches qui sculptent les quais. Caroline mon dictaphone commence à circuler de main en main comme un joint. A ce moment précis, l’interview vient de commencer.

Shebam : Première question pour se chauffer : alors,  ce concert ? Content de vous, de l’ambiance, du son ?

Rudy : Le concert s’est bien passé. Cela faisait 2 ou 3 ans que l’on n’avait pas joué ici, ce n’était pas trop mal et surtout, surtout, on avait un son royal.

Julien : Moi, j’ai très mal aux oreilles, parce que le retour était très très fort. J’entends plus rien de l’oreille gauche.

Arnaud : C’était un set assez court par rapport aux précédents. Et surtout on a l’habitude de jouer plus tard avec plus de gens saouls, plus de gens qui dansent et plus de filles dénudées mais sinon c’était bien.

Sou : Dès que j’ai terminé mon taf, je suis arrivé direct ici. Je n’ai donc pas pu checké l’ambiance. J’ai débarqué, j’ai bu une pinte et puis après il fallait que je chante. Ça s’est bien passé. J’aurais aimé avoir plus de place pour faire mon super moonwalk tribute, parce qu’on est le 26 juin et que la veille, Farrah Fawcett est morte. J’avais un petit peu de stress par rapport à la journée parce que je n’avais pas pu assister à la balance mais j’avais toute confiance dans le petit prince des studios.

Shebam : On va passer aux choses sérieuses.

Rudy et Julien en chœur : Pour nous c’était sérieux (rires).

Shebam : Dites-moi, Sourya, on vous sent fasciné par le mythique et robotique Mazinger. Au fond, ne serait-ce pas une allégorie de votre musique, le côté rétro (une série des 70s)…

Rudy : Merde on va y aller !

Shebam : Y a que des questions chiantes comme ça… Et le côté hyper technologique et donc ultra moderne ?

Sou : Tu veux dire un peu japonisant, entre tradition et modernisme ?

Shebam : Exactement.

Sou : Ouais, disons… Moi je suis fasciné par tout ce qui est dessin animé japonais en terme de thèmes abordés qui restent classiques mais dont la forme est assez « bizarre » je trouve. Albator m’a vachement marqué. J’avais des vieux souvenirs de ce personnage : Albator le capitaine pirate qui éradique une race de femmes, faut le savoir. Il faudrait donc se poser des questions sur la sexualité de l’auteur. A l’épisode 2, il décide de détruire toutes les sylvidres (les méchantes) qui sont sur terre, même celles qui ont réussi à s’intégrer. Moi, j’ai trouvé ça ignoble. C’est carrément ça mon pote : j’adore le graphisme mais l’histoire est dure. Quand t’as 5 ans, tu regardes le truc en te disant « ouah, le vaisseau il a une lame qui tranche tous les vaisseaux » mais les thèmes déclinés : ce sont des mecs qui se baladent sur des planètes et qui tuent des femmes. L’unique raison est qu’il s’agit d’une race qui est censée envahir la terre et on ne peut faire que cela. Elles n’ont pas le droit de s’intégrer voilà. Tout ce décalage me fascine. Ce Japon d’après guerre véhicule tellement de mélancolie, de tristesse. Sinon, j’ai oublié ta question.

Shebam : Si j’allais jusqu’à dire que votre musique se place dans une démarche prog rock, est-ce pour vous une jolie insulte et l’interview se passe à merveille ou un vil compliment et vous me foutez un coup d’astéro hache dans la tronche ?

Julien : Je crois que personne n’a écouté de prog rock dans le groupe.

Arnaud : Si tu penses que c’est prog rock parce que ce sont des chansons longues et qui s’étirent, soit, mais sinon je ne crois pas.

Julien : On réinvente peut-être un nouveau prog rock, je ne sais pas.

Rudy : Moi je vais te mettre un coup d’astéro hache car je n’aime pas cette question.

Shebam : Quand un anglais comme Alan McGee dit de vous, je cite « J’adore Sourya, le nouveau rock’n’roll français », que se passe-t-il dans vos têtes : explosion de joie nucléaire, baume au cœur de rockeur ou une réaction du genre « Mais qui c’est Alan McGee » ?

Sou : Moi je dis surtout que ça a porté ses fruits au niveau du changement de look car on a tous décidé de se mettre au slim et dès qu’on a portés, il s’est intéressé à nous. Ensuite on a été taxé de « rock’n’roll » et après de fil en aiguilles on a eu un super article.

Arnaud : C’est cool qu’il ait écrit un article car lorsque nous l’avons rencontré, c’était chaud de le comprendre avec son putain d’accent écossais.

Julien : Moi, en tant que premier fan d’Oasis en France (rires), ça m’a beaucoup touché. Il y a une espèce d’énorme victoire surtout quand on a joué à ses soirées. Qu’il nous fasse un papier comme ça, c’était extraordinaire. En plus, il est sympa : en dix minutes, un quart d’heure on arrive à comprendre ce qu’il dit.

Sou : Par rapport au terme « rock’n’roll », je pense qu’il s’agit plus d’une question d’attitude que de musique. Tu vois, on va parler sérieusement : on est un peu taxé de sales cons en fait dans le milieu de la musique en France. Et on le revendique. Je ne sais pas pourquoi certains groupes se disent « Sourya c’est des connards, ils se foutent de la gueule de tout le monde alors que leur musique n’a rien à voir avec ce qu’ils sont », moi je dis nique ta mère et puis c’est tout.

Julien : On est des cons et on aime bien ça. On fait beaucoup de vannes sur tout le monde : les gens sont très premier degré et nous on est dixième degré !

Sou : Par rapport à Alan McGee, ce sont d’abord nos quatre personnalités qui l’ont plus intéressées que la musique et puis après il s’est focalisé sur la musique et ça lui a plu en raison de ce décalage d’image.

Shebam : Le dernier groupe qui vous ait influencés, je veux dire par là le moins attendu, le moins évident ?

Rudy : Le dernier groupe qui m’a mis une petite claque, c’est Gorrilaz (tout le monde le chambre). Je vais passer le micro à Arnaud qui veut citer un groupe que personne ne connaît et que lui ne connaît pas non plus mais moi j’assume. Et leur live, c’était où ?

Sou : A Manchester.

Rudy : Il était terrible.

Julien : Comme influence commune qu’on a à la base…

Sou : Non, le dernier groupe qui t’a influencé !

Julien : Le dernier groupe ? J’en sais rien.
 
Sou : Dj Mujawa.

Julien : Ah si Dj Mujawa. C’est un artiste sud africain signé chez Warp. Et Electric Light Orchestra pour le cliché total. A chaque fois que tu écoutes une chanson tu fais « oh il va pas le faire le bâtard » et il le fait ! A chaque fois il te sort les pires solos, les pires lignes de basse. Il y a tout le temps ce show off complet et au dixième degré, c’est quand même fantastique.

Shebam : Côté label, vous seriez quoi : a) DFA records ? b) Warp c) Subpop ? d) Immediate ?

Julien : C’est quoi Immediate ?

Shebam : C’est le vieux label du mec qui a signé les Stones, Andrew Loog Oldham. Un vieux truc 60s un peu baroque.

Julien : Moi je dirais les trois premiers. Ça dépendra de celui qui aura le plus d’argent. Warp, ils font des trucs mortels, DFA a en ce moment une approche de la musique qui est assez intéressante tout comme Warp.

Sou : Warp, DFA et l’autre.

Julien : Subpop. C’est eux qui ont le plus de pognons, donc Subpop. Non, chez DFA, ils ont des trucs assez improbables et qui sont quand même mortels.

Sou : Plutôt Warp.

Julien : Warp, ils ont sorti des trucs un peu mainstream. Comment il s’appelle ce groupe ?

Shebam : Broadcast ?

Julien : Le groupe le plus mainstream de Warp, c’est celui qui était avec Gonzales, Jamie Lidell. Les anglais de Manchester, je ne me rappelle plus.

Sou : Chemicals Romance ?

Julien : Ils sont sur Warp ? Non !

Sou : Non mais il y a un groupe comme ça.

Julien : Ce n’est pas Broadcast. Ils ont deux albums et un featuring sur le dernier mode Sélector. J’ai oublié. Finalement ce n’est pas génial DFA.

Shebam : Côté prod, son, vous êtes plutôt : a) Andrew Loog Oldham ? b) Phil Spector c) Quincy Jones ? d) James Murphy ?

Sou : Andrew Loog Oldham n’est que manager !

Shebam : Il a un peu produit mec !

Sou : Phil Spector ??!!! (Rires). Non. Quincy Jones, c’est la base.

Shebam : Bon, on va arrêter le coup des références. Vous n’êtes pas un peu lassé de ce réflexe que l’on a de coller à chaque groupe une étiquette, une référence. Sourya = LCD Radiohead Sound System ?

Sou : Yelle ????

Shebam : non, LCD Radiohead Sound System !

Julien : Non franchement, je m’en fous, il faut bien des références. De toute façon c’est un papier. A l’écrit, il faut bien donner des références. Ça ne me choque pas. Au début quand c’était toujours Radiohead, c’était relou, mais maintenant ça va.

Sou : Au début ça nous gêné un peu et du coup, ça nous a forcé à chercher. Bizarrement, on a été un des seuls groupes du Shebeen ou du Bar 3 à trouver son propre son parce qu’il se faisait toujours cataloguer avant même de commencer. Nos potes, ils ont tous un groupe de rock et ce qui est marrant dans le rock, c’est que dès que tu décides de faire un truc d’assez animal, en fait on accepte tout. C’est comme le blues ou le jazz, tu décides de faire deux accords qui ne sonnent pas l’un avec l’autre, tu peux être taxé de jazz et cela te plait. Et puis, si tu décides de jouer avec la guitare acoustique sans faire de la folk, t’es taxé de bluesy et du coup ça plait à tout le monde et le style n’évolue pas. Nous, on décide de faire quelque chose de différent et on n’arrive pas à nous cataloguer. Mais les gens persistent à vouloir le faire et ça nous a fait chier au début.

Arnaud : Moi, je suis arrivé dans le groupe plus tard mais avant on était la seule formation à jouer avec un ordinateur sur scène en pleine période où tout le monde découvrait le rock avec les Strokes. On est plus sur une synthèse où après avoir travaillé avec guitare, basse, batterie et des programmes, on est dans une phase plus électro qui à mon avis va continuer à se mélanger avec les influences rock du groupe.

Julien : On aime toujours la guitare.

Shebam : Certains artistes français qui chantent en anglais ne sont pas toujours à l’aise à l’idée d’être associés à une quelconque scène. Cette scène s’est structurée depuis des années et vous, où vous situez-vous ? Voulez-vous vous en démarquer ou c’est une sorte de tremplin pour accéder à une notoriété beaucoup plus légitime ?

Arnaud : Tu parles de la French Touch ?

Sou : En fait, on est arrivé en même temps que le boum du rock parisien par exemple.

Arnaud : Au-delà de ça…  

Sou : Ça nous a servi comme tremplin mais ça ne correspondait pas vraiment aux attentes des personnes qui voulaient entendre du rock chanté en anglais par des parisiens.

Arnaud : Tu vois les scènes, si tu regardes en tout cas dans la scène électro française, elles se structurent là où il y a de l’argent et là où les choix sont faits. Comme les versaillais, Daft Punk, Air, Sébastien Tellier… Un moment il y a eu de l’argent et ça a développé un certain nombre de groupes. Il se passe la même chose pour des groupes à Reims, etc. La scène se structure quand tu as un groupe qui perce et qui derrière emmène des gens. Si on perce et qu’on peut emmener nos potes comme les Agency, on sera content…

Sou : On n’amènera qu’eux !

Arnaud : On n’amènera qu’eux d’une part (rires du groupe) et puis on sera content d’être affilié à une scène mais sinon on s’en branle.

Julien : Mais on essaye de se démarquer.

Rudy, dans le brouhaha : Nous n’avons pas encore raccroché les wagons.

Julien, professionnel : « Nous n’avons pas encore raccroché les wagons » vient de dire Rudy.

Shebam : Vous avez sorti un EP, un clip d’Anatome Domine est en ligne depuis quelques mois et votre album est enregistré ? Quelle sera la prochaine étape décisive pour l’avenir du groupe ?

Julien : C’est la sortie de l’album le 2 octobre.

Sou : Le 12 !

Shebam : C’est un scoop ?

Sou : Ouais !

Shebam : Super ! Sur votre Myspace, vous décrivez votre musique comme « Electro Indie Masters or Synth Pop Stars ». Dans l’avenir, quelle  sera l’option retenue, electro indie masters ou synth pop stars ?

Le groupe : Les 2.

Shebam : Aux vues du set de ce soir, quelle option sera retenue ?

Julien : Ouais pop stars !!!

Sou : Dans l’absolu, on a réussi à se dire qu’on pouvait changer la forme de toutes les chansons parce que le fond était déjà assez bon en fait. Peu importe l’arrangement qu’on lui donne, ce sera celui qui nous plaira le plus au moment où on aura envie de jouer telle ou telle chanson. Pour l’instant on est dans une vraie mouvance électronique parce que l’on adore ça et en plus c’est l’été : on adore aller en fête et tout cela, on prend de la drogue dure, Arnaud prend de la drogue dure et il vomit, sa mère n’est pas au courant mais elle s’inquiète, elle n’a plus son numéro de portable. A la base, on a fait cette formation électro parce qu’on est des putains de feignants en fait. On en avait marre de trimbaler notre matos dans un camion. Juste pour ça on s’est dit « et si on pouvait, on mettrait tout ça sur un seul ordinateur » mais c’est pas très visuel ou alors c’est très visuel à l’allemande et on aurait fait que des concerts en Allemagne. Ça aurait un peu limité le champ et en plus on n’est pas très bon, on connaît que ein, zwei, drei, fier ou ein, zwei, polizei… Et puis voilà c’est tout je me souviens plus de la question.

Julien : Le mec qui pose trop de questions.

Shebam : Vous jouez régulièrement avec les Agency, on sent d’ailleurs une vraie amitié entre vous. Racontez-nous cette rencontre, les affinités qui existent, les anecdotes les plus folles ?  

Julien : Au début quand on les a vus on s’est dit « Mais qu’est-ce que c’est que ces connards de hippies » parce qu’on déteste les hippies, surtout moi ! Au début, François avait quand même une sale coupe de hippie ! On est des fervents, des vrais fans de Primal Scream, donc on veut les tuer tous, les hippies. En fait, il s’est avéré qu’ils étaient encore plus cons que nous ce qui est quand même assez rare. Ils se prenaient encore moins au sérieux que nous, ce qui est encore plus rare dans le milieu parisien parce que tout le monde se prend au sérieux grave, on citera personne. Du coup, on est devenu potes et pourtant il y a une sacrée différence d’âge entre nous.

Sou : Tu veux dire des personnes qui sont restées dans le coup ?

Julien : Non, je ne pensais pas à eux, je pensais à des personnes qui sont passées dans la mode. Malgré nos dix ans d’écart, on est devenus potes. On a même une chanson ensemble qui va peut-être sortir dans le courant de l’année sur le même label qui a publié Cheese. Sou a écrit la musique et François a écrit les paroles et l’a chantée.

Rudy : Et ils ont fait un remix d’Anatomy aussi !

Julien : Et ils ont fait un remix d’Anatomy et nous de Significant qui est sorti cette semaine, qui est téléchargeable sur tous les bons sites : sur celui de la Fnac. Au delà de l’aspect humain, c’est quand même un des seuls groupes à Paris qui fait de la bonne musique.

Sou : Pour les personnes qui voulaient Cheese, parce qu’elle est super dure à trouver cette chanson, elle va bientôt être en téléchargement…

Julien : Au Japon !

Sou : Bientôt !

Shebam : Dans l’histoire de la pop, certains groupes se sont révélés plus à l’aise en studio, les Beatles, genre des rats de laboratoire (je marque un temps d’hésitation)…

Sou : Rires.

Shebam : Parce qu’elle est longue ma question, c’est pour ça. A l’écoute de vos titres on sent une espèce de minutie quasi maniaque dans la production. Et en même temps, vous cultivez cet aspect complètement déglingué sur scène. C’est quoi la sensation ultime : l’euphorie créative du studio ou la transgression scénique ?

Julien : Euh les deux.

Sou : Je ne sais pas pour les trois autres, mais moi je suis un vrai rat de laboratoire. Je crois qu’on a eu une discussion avec Julien hier  par rapport à un son de basse d’une chanson. Je crois qu’on en a chaté une heure pour savoir quel type d’oscillateur et quel type d’onde de forme il avait utilisé avec quel type d’effet pour élargir et le mini delay pour ne pas avoir à passer au-dessus de la batterie. Je pense qu’on est des vrais rats de laboratoire. On est capable de savoir que des notes correspondent à des fréquences. Entre Julien et moi c’est surtout très technique. La session rythmique est plutôt africaine donc il y a un petit côté sauvage zoulou.

Rudy : Zouglou. On ne peut pas jouer que sur le côté déglinguo.

Sou : Zouglou ! Le côté déglinguo, ça nous fait rigoler parce que sur scène on a besoin de se lâcher par rapport à tout ce que l’on fait en matière de production. Pendant les répét’ en général on discute beaucoup tout en mangeant sans vraiment répéter et donc du coup, la scène devient libératrice.

Julien : Le rêve serait de pouvoir emporter le studio sur scène mais c’est compliqué. On prend le studio comme un instrument et on prend la scène comme un instrument avec ses limites que l’on essaye de dépasser avec les machines. Ainsi, on peut plus facilement se rapprocher du studio. Quand on a un ordi, on peut rajouter un effet en trois secondes, on n’a pas besoin d’aller acheter des pédales à 7000€ et on peut beaucoup plus travailler avec cet aspect électro qu’on a assimilé ces sept derniers mois. Finalement, on fait des chansons qui n’ont rien à voir avec ce que l’on a enregistré parce qu’on se sert de la scène comme d’un instrument. Et tout ce côté technique qui nous plait ! Moi j’aimerais avoir 10 000 synthés sur scène comme Jean-Michel Jarre. Mais c’est relou parce que les trucs ne tiennent pas l’accord.

Sou : Il faut savoir que même le piano acoustique ou la guitare acoustique peut être réduit à un algorithme et ça, ça nous plait. En cela, on est plus des rats de studio et qui plus est avec Jean-Paul (Gounod) qui est un vrai mec de studio. On s’est vachement amusé en faisant cet album-là même si on s’est beaucoup posé de questions. On a fait plein de découvertes : on ne connaissait pas par exemple la puissance du synthé analogique parce qu’on travaillait toujours sur ordinateur avec des plugins d’émulation de synthé vintage : quand on s’est mis devant le synthé vintage, on a vraiment compris quelle était la différence en terme de son et de maniabilité.

Jean-Paul Gonnod (le producteur) : Si je puis me permettre… Quand on a réalisé l’album, j'avais affaire à des gens ouverts. En studio, ils ont découvert une nouvelle manière de travailler et ça les a aidé dans leur son. Ils ont ainsi beaucoup progressé. Ils sont toujours de en quête de nouveauté et ça, c’est super intéressant. Tant Julien que Sou, Arnaud pour ses sons de batterie, la manière dont il va jouer sur scène. Oui, on peu parler de rat de laboratoire.  Quand Sou écrit une chanson, il sait exactement ce qu’il veut et s'investit à fond pour y parvenir. Et en même ce sont des gens super intelligents qui se remettent perpétuellement en question. Ce qui est assez rare pour être noté.


Shebam : Et en studio, vous êtes plutôt création et sortie dans l’urgence ou patience et longueur d’enregistrement font plus force ni que rage ?

Sou : Je suis plutôt super rapide moi.

Julien : C’est un putain d’animal, il fait des trucs en dix minutes et il fait un remix en trois heures, moi il me faut quinze jours…

Rudy : Rires.

Julien : Il fait des remix en trois heures et après il dit « ouais c’est bon on s’en fout ». Il ne veut plus jamais les retoucher. Faut le pousser au cul pour le faire entrer dans un studio et faire le vrai synthé avec un instrument analogique. En fait c’est un putain d’animal et moi je suis plutôt de l’autre côté. Donc au final, ça fait un juste milieu. Par contre, quand c’est nos propres chansons, on y passe un peu plus de temps. Et parce que c’est une partie de nous, c’est plus compliqué : on peut pas le jeter comme ça. On se pose beaucoup de questions. Heureusement que JP est là pour nous faire gagner du temps au final.

Shebam : Dites moi chacun quel album ou quel morceau se balade en ce moment dans votre tête, tous genres et toutes époques confondus ?

Sou : Le morceau qu’il y a dans ton iPod !

Rudy : Moi j’écoute le dernier album des Roots, il est sorti il y a quelques mois là déjà ? Oui j’ai toujours un petit décalage par rapport aux autres.

Julien : Moi, c’est le premier single du nouvel album des Black Eyed Peas qui est une tuerie je trouve, Boom Boom Pow, alors que Black Eyed Peas c’est vraiment un groupe de merde. Le reste de l’album est pourri et le dernier single produit par Guetta est une merde absolue mais ce putain de single, c’est une tuerie. Sinon, j’ai trouvé un blog qui récence tous les pires trucs qu’on peut trouver sur Spotify. Ça fait deux jours que j’écoute, il y a des trucs tellement drôles que… C’est comme si j’écouté un sketch de Bigard bien.

Arnaud : Moi ça serait l’album de Phoenix que je trouve super bien produit. Sinon c’est quelques chansons qui se baladent par ci par là : Beagle de Château Marmont qui est sur une compile Kitsuné et qui est un putain de morceau, une autre chanson sur une compile Kitsuné de Phoenix faite par Chris Bell que je trouve énorme et Dj Mujawa que je trouve aussi excellent.

Sou : Moi, je me suis préparé une station multimédia à partir de mon téléviseur écran plat avec un petit ordinateur pour pouvoir avoir accès à toutes mes chansons qui passent en câble optique sur ma chaine en 2.1 et en fait, en mettant mes CD sur iTunes, je suis tombé sur mes premières amours électro : à savoir la scène Shibuya-kei fin des années 90 avec Takako Minekawa et son album Fun 9 enregistré avec son mari, Cornelius. Deux albums que j’adore, Point et Fantasma, que je trouve géniaux, surtout Fantasma. Sans oublier Poker Face de Lady Gaga.

(Je passe le micro à Jean-Claude)

Rudy : Il sort que des vieilles références (rires).

Jean-Claude : Je vais sortir des putains de références à la con mais en fait je n’écoute pas vraiment d’album précis. En ce moment, si j’écoute un truc : c’est Atom Heart Mother de Pink Floyd parce que je trouve la production incroyable. Et au niveau harmonique, je trouve ça super intéressant. J’écoute plein de vieux trucs, excepté Black Eyed Peas que j’aime beaucoup.

Shebam : Et avec la hype, le buzz, tout ce tohu-bohu médiatico excessif, ça vous passe au-dessus de la tête ou vous vous dites pourquoi pas ? Faire et défaire les scènes, dire que Brooklyn c’est une super scène en le lendemain dire le contraire ?

Julien : Brooklyn, c’est une super scène !

Arnaud : Le buzz, tout le monde en a besoin, surtout maintenant. Tu fais un clip, tout le monde te dit « il faut que ça buzz », tu sors un morceau, « ouais, il faut que ça buzz » ! Au final, une fois que tu as buzzé, il ne reste plus rien.  Donc, nous ce qu’on espère, c’est buzzer si on a besoin d’être connu du grand public et des médias. Mais en espérant ensuite que les chansons restent et je pense que ce sera le cas.

Julien : Il dit ça parce qu’on n’arrive pas à buzzer, on essaye depuis trois ans, mais on y arrive pas trop !!!

Rudy : C’est clair et pourtant on essaye ! J’espère qu’à la rentrée, à partir d’octobre, on va rattraper les wagons !!!!

Shebam : Quel île déserte emporteriez-vous sur un disque ?

Julien : Taïwan.

Sou : Coney Island.

Le groupe : Oh yes (rires) !!!!!!!

Arnaud : Moi je dirais les Maldives !

Julien : Moi,  je maintiens Taïwan parce que c’est le code de mon dealer quand on l’appelle : « allo Taïwan ? ».

Rudy : C’est dur ça !? Madagascar quoi, parce que c’est le mix de l’Afrique et de l’Asie.

Shebam : On inverse les rôle. Posez-moi une question ?

Arnaud : T’en as pas marre d’écrire des questions aussi longues ? 

Shebam : Nan, j’en ai plutôt marre de faire des réponses et des articles avec des phrases interminables mais j’essaye de me soigner en relisant Proust et Chateaubriand.

Julien : Putain, tu dois en chier pour tout retranscrire ?

Shebam : La dernière interview, ça a duré une heure et quart et j’ai mis trois jours à la retranscrire. Donc ouais, ça va être apocalyptique.

Rudy : On espère que cela t’a plu !

Sou : Non, une question !!!!

Rudy : Ah, une question ? Est-ce que tu étais content de venir ?

Shebam : J’étais content de la première partie musicale et de la deuxième partie plus littéraire et journalistique : tout était bien.

Sou : Et t’en as pas marre qu’on te compare toujours à Thom Yorke sous amphét ?

Le groupe : rires.

Shebam : Alors, Thom Yorke… Putain, parce que c’est un petit peu mon point faible. Quand je dis que je n’aime pas Radiohead, tout le monde me jette des pierres en fait !

Rudy : T’aime pas Radiohead ?

Shebam : Nan.

Rudy : Bon, ben on va te laisser.

Shebam : Bon, ben ouais, ok, je vais y réfléchir… Clac.

Fin de l’interview dans les rires qui eux se diluent dans le soleil couchant. Je prends congé du groupe en les remerciant pour leur contribution à ma tribune. Arnaud me raccompagne poliment vers le quai, nous discutons librement ensemble. Ils me remercie à nouveau et me salue et je m’en retourne alors à la réalité d’une existence bourgeoise et sûre, loin des drogues dures, des mamans en panique, des enceintes hurlant leurs décibels robotiques, des filles en chaleur et des producteurs sous Pink Floyd, le trip était cool, mecs, bien, sec comme un coup de katana démarquant sur le cou une fine ligne de sang, à la fois jubilatoire et poétique, pleins de chants magnétiques et de salves audacieuses. J’attends la sortie de Dawdlewalk. Je compte déjà les jours. Electro Indie Masters or Synth Pop Stars ? La formule vient certes du NME mais Sourya la porte dans sa chair même : cette synthèse parfaitement et alchimiquement réussie entre la transe électronique et la profondeur pop, le tout trempé dans la sueur du rock. Les gars, vous avez vu, je tiens ma promesse. Cette phrase était ma plus courte.

 

Photo © Églantine Aubry

 

 

 


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