L'Amérique au panthéon rock #27

par Adehoum Arbane  le 28.04.2009  dans la catégorie Récits & affabulations

Le rock est une invention permanente. Derrière l’écho démultiplié de 3 accords minimales. Le rock a engendré les albums concepts, les festivals, le rêve communautaire… Et les supers groupes. Des deux côtés de l’Atlantique, les rock stars se reproduisent dans une consanguinité qui pourrait effrayer jusqu’au rock critiques les plus patinés, mais il n’en est rien. Si certaines tentatives comme Blind Faith furent parfois décevantes, donnant dans une virtuosité souvent trop démonstrative, d’autres exemples sont eux entrés dans la légende. Quand David Crosby, Stephen Stills et Graham Nash décident de s’unir pour le meilleur et pour le pire, j’entends la drogue, l’alcool et les reformations qui sentent parfois la naphtaline, ils ont chacun un CV musical du genre béton. Crosby et sa moustache en fil de fer ont fait les beaux jours des premiers albums des Byrds, parmi les meilleurs, Stills fut le lead guitarist et compositeur inspiré du Buffalo Springfield avec son copain Neil Young qui rejoindra le super trio en 1970. Quant à Graham Nash, il est une sorte de George Harrison : du talent, une personnalité attachante mais une présence des plus discrètes au sein des gentils Hollies. Fin 68, les trois premiers compères se retrouvent pour vivre une aventure inédite, avec une promesse assez folle, imposer l’équation vocale parfaite que seuls les artistes de la Tamla Motown comme les Four Tops maîtrisaient à l'époque dans les moindres détails. Dans leur première livraison datant de 69, enregistrée après le triomphe Woodstockien, l’assemblage est pareil à une cathédrale de verre et fonctionne au mieux sur les morceaux les plus courts, les plus simples comme Helplessly Hoping ou You Don't Have To Cry.  Première tentative, première réussite. Neil Young déboule donc ce mois de juillet 1969 dans le Wally Heider's Studio C, à San Francisco, il a déjà à son actif deux albums solos dont le sublime Everybody Knows This Is Nowhere qui pourrait largement figurer dans ce classement mais la vie est affaire de choix. Sa voix si atypique va pourtant parfaitement s’assembler pour construire cet édifice harmonique totalement magique, cette grâce à la fois éternelle et si représentative de l’identité musicale du groupe. Savamment accompagnés par Dallas Taylor à la batterie et Greg Reeves à la basse, le quatuor déploie des trésors de compositions et nous délivre un classique immédiat, puissant, contrasté et résolument contemporain. Carry On démarre l’album sur des accords de guitare tendus, nerveux, puissants, cette ferveur rock portée par la mystique des voix s’ébroue ensuite dans une languide matière musicale, pleine de groove et de chœurs à l’unisson. David Crosby offre deux titres, Almost Cut My Hair à l'électricité folle comme un cri qui vient de l’intérieur, et Déjà Vu, presque jazz dans sa deuxième partie. C’est de Neil Young que vient cet art consommé de la noirceur, cette furie rock, intense, enflammée et en même temps superbement produite comme dans Country Girl qui se développe en trois parties. Stills revient avec 4+20, un blues dénudé sur lequel s’épanouit une voix suave, riche de cette voluptueuse rugosité qui sied merveilleusement au jeune ange blond. Woodstock est la seule reprise de l’album que l’on doit à la plume de Joni Mitchell, amie du groupe et folk woman trop souvent oubliée. Cet hommage merveilleusement réinterprété ne sombre jamais dans la complaisance niaise,  bien au contraire, il se pare d’une production sans faille ni temps morts, lecture rock, furieuse, presque funky avec son orgue syncopé et sa guitare zébrée. J’allais presque oublier les deux contributions de Graham Nash, je vous rassure il n’en est rien tant ses deux compos méritent plus qu’une citation, un paragraphe entier. Teach Your Children et Our House sont les archétypes sublimés de la pop song, ici en version américaine (étonnant pour un anglais timide). Il n’est pas d'enluminure aussi délicate que la voix de chat de Graham Nash, et son accompagnement au piano sur Our House est de toute beauté, comme si nous avions retrouvé un inédit échappé des sessions d’enregistrement du White Album des Beatles. Teach Your Children se la joue tranquillement country mais avec une retenue quasi religieuse. Un compositeur que l’on aurait aimé découvrir un peu mieux au sein de cette formation de légende.  Le 11 mars 1970, Déjà Vu sort, magnifiquement empaquetté dans une pochette rouge et ocre au lettrage gothique et à l’iconographie passéiste, le groupe posant en desperados d’un Far West totalement fantasmé. Comme pour sursignifier l’héritage du rock, celui du blues du delta, de cette folk tissée par les anciens, une guitare, un chien loup et quelques pépites d’or… Celles-ci furent en cette année 1970 entièrement musicales.

La semaine prochaine : Alice Cooper est un Killer

http://www.youtube.com/watch?v=hFQarXbvwiY
 
 
 
 
 
 
 

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